Emplois fictifs : l'ex-ministre Michel Mercier se défend au tribunal

Auteur:
 
Thibault MARCHAND - Paris
Publié le 31 octobre 2022 - 22:16
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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AFP

Un poste d'assistante parlementaire donné à sa fille, mais aucune trace du travail effectué: jugé lundi à Paris, l'ex-ministre Michel Mercier a tenté de convaincre le tribunal que cela n'avait rien d'anormal mais que c'était sa façon de faire à lui, l'homme politique à l'ancienne qui ne croit "qu'à l'oral".

L'ancien garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy (2010-2012) est poursuivi pour "détournement de fonds publics" en compagnie de son épouse Joëlle et de sa fille Delphine, tous trois présents pour la première journée de ce procès qui doit se tenir jusqu'au 10 novembre.

Les faits reprochés, qui s'échelonnent de 2005 à 2014, remontent aux mandats passés de M. Mercier dans le département du Rhône, où il fut sénateur et président de conseil général, à une époque où les emplois parlementaires familiaux n'était pas encore interdits.

L'audience s'est attachée à déterminer la réalité du travail effectué par Delphine Mercier entre août 2012 et avril 2014. La jeune femme vivait alors à Londres - elle y réside toujours -, mais travaillait à temps partiel comme assistante parlementaire de son père. Sur cette période, le montant de ses salaires s'est élevé à 38.000 euros.

Problème: les enquêteurs du parquet national financier (PNF), qui avaient ouvert les investigations suite à un article du Canard enchaîné en août 2017, n'ont trouvé aucune trace de ce qu'elle aurait pu faire.

A l'audience, Michel Mercier plaide le bon sens paysan face aux "Parisiens" du PNF. S'il n'y a aucune preuve écrite de ce travail, c'est simplement parce que lui, le "sénateur d'un milieu rural" dont la porte est toujours ouverte, est réfractaire à la technologie et aux ordinateurs qu'il n'utilise jamais.

"Je n'ai jamais reçu de notes écrites de qui que ce soit", se défend l'ancien ministre de la Justice. "Je voulais de l'oral, rien que de l'oral. C'était ma façon de faire".

C'est justement pour combler ses manques en matière de nouvelles technologies qu'il aurait embauché sa fille. Historienne de l'art, diplômée de l'Ecole du Louvre, celle-ci lui servait de "conseillère culturelle" et l'aida à affiner ses positions en la matière, assure M. Mercier. "Elle me renseignait sur comment utiliser les moyens technologiques dans la culture (...) Je voulais être un peu moins mauvais dans certains domaines".

- "Mission de veille" -

Quand le tribunal l'interroge sur l'usage qu'il a fait de ces conseils, notant que "la culture n'était pas un sujet qui ressortait de vos travaux" parlementaires, Michel Mercier botte en touche.

Il voulait être prêt le cas échéant. Mais, a-t-il dit, "j'essaie de rester à ma place, je ne me suis jamais pris pour (Frédéric) Mitterrand ou Stéphane Bern. Mon but, c'était de comprendre".

Une autre question reste en suspens, sur laquelle le tribunal doit revenir mercredi. Dans quelle mesure le travail de Delphine Mercier aurait été lié au musée des Confluences, à l'époque en construction sur la presqu'île de Lyon et dont les coûts dérapaient ?

Pour Michel Mercier, qui menait en tant que président du conseil général du Rhône ce projet contre lequel les critiques s'accumulaient à l'époque, ce n'était qu'une des facettes du travail de sa fille "dans le cadre de sa mission de veille de l'actualité culturelle".

L'enquête du PNF vise aussi les activités de l'épouse de l'ancien sénateur centriste, maire de la petite commune de Thizy pendant 24 ans.

Les investigations n'auraient pas permis de trouver des éléments attestant de la réalité du travail de secrétariat ou de représentation accompli par Joëlle Mercier entre 2005 et 2009, en tant qu'assistante parlementaire de son mari. Préjudice estimé : au moins 84.000 euros.

M. Mercier aurait également chargé son épouse d'organiser différents évènements culturels destinés à favoriser sa réélection au Sénat mais financés par le conseil général du Rhône, qu'il a présidé de 1990 à 2013. A ce titre, il comparaît également pour "prise illégale d'intérêts".

Il doit enfin répondre d'un délit singulier: "Le détournement de fonds publics par négligence", pour avoir embauché un assistant parlementaire avec qui les relations avaient très vite tourné vinaigre et à qui il n'avait plus confié la moindre tâche, sans toutefois mettre fin à son contrat de travail.

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