Conscience et consignes

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 23 avril 2023 - 19:00
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Image par Daniel Kirsch de Pixabay
"Dans le domaine du journalisme, qui a été très suiveur ces derniers temps, quelques retournements de vest... pardon quelques prises de conscience apparaissent."
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ÉDITO - Dans mon édito du 11 avril 2023 (« Le rapport de force et la force du rapport aux autres »), j’ai indiqué vouloir revenir sur ce sujet précis : faut-il obéir à tout ?

En effet, de nos jours, de plus en plus nombreuses sont les situations dans lesquelles les intervenants se trouvent face à cette alternative : décider en leur âme et conscience de suivre ou de ne pas suivre des consignes illégales - ou tout le moins discutables - données par leur hiérarchie. Un choix cornélien. 

Évoquons cette scène du film Outbreak : l’acteur Dustin Hoffman, qui incarne un médecin militaire, cherche à convaincre un pilote de l’armée de ne pas larguer une bombe sur une petite ville de Californie, contaminée par un terrible virus. Au dernier moment, le pilote fait demi-tour, en enfreignant les ordres.  

Toutes proportions gardées, comparons cela à un autre exemple, celui du maintien de l'ordre en France depuis la crise du Covid. Souvenons-nous, à l’époque, un présentateur de télévision nommé Emmanuel Lechypre éructe une idée folle : “encadrés par deux gendarmes”, les récalcitrants au vaccin anti-Covid-19 doivent être forcés à faire l’injection. 

Si ce véritable contresens médical et scientifique n’a heureusement pas été porté à exécution sous l’injonction de l’excité de BFMTV, l’usage de la force brutale s’est cependant illustré sous d’autres formes. Dès 2020, certains policiers et gendarmes sont tombés dans un excès de zèle lors des contrôles des passes sanitaires (un autre contresens médical et scientifique). Et il n’y a pas eu ici pour seules conséquences de ridicules contraventions dressées à l’encontre de promeneurs sur les plages...  

L’acharnement à faire respecter des mesures politiques aussi coercitives qu’inefficaces en matière de santé a poussé à la suspension de soignants, contraint à la vaccination expérimentale et sans nuance des populations jeunes qui n’en avaient nul besoin, mais aussi a permis d’enfermer des gens durant des semaines, abandonnés au désœuvrement et à la dépression. 

En suivant des consignes inadaptées, voire ineptes, la violence surgit telle une funeste conséquence. Ainsi, dans le cadre des récentes mobilisations contre le projet de réforme des retraites, le même schéma s’est reproduit. Même à la suite d’un ordre d’engagement à l’encontre de paisibles manifestants qui ne menacent en rien la sécurité publique, aucun membre des forces de l’ordre ne devrait se laisser aller à humilier, molester ou frapper quiconque.

Rappelons qu’il ne faut en rien généraliser ces dérapages qui sont parfois filmés par les téléphones portables de badauds avant de faire le buzz. Ces faits sont ceux d’une poignée d’individus qui ne font pas honneur à leurs fonctions, au sein des policiers ou des gendarmes. 

Mais là encore apparaît le fait d’un usage désordonné de la force au service d’une certaine vision du politique : celle qui souhaite inspirer la peur en dispatchant des ordres pris au premier degré par quelques nervis fayots, au lieu de la volonté de jouer l’apaisement, le dialogue. 

Pourquoi pas ne pas préférer de beaux gestes de part et d'autre ? On voit parfois d’autres vidéos dans lesquelles les forces de l’ordre, quelles qu’en soient les raisons, retirent leurs casques. N’est-ce pas une manière de montrer davantage de respect et de mesure dans l’exercice des fonctions du maintien de la sécurité ? De montrer l’absence de crainte entre citoyens qui souhaitent simplement pour les uns exprimer une parole et pour les autres faire leur travail ? 

Ce qui empêche ce schéma vertueux de se développer est peut-être lié à l’absence de médiatisation d’une certaine conscience, à propos de ce que signifie vraiment l’idée de démocratie. En tant que citoyen, comment imaginer que nul ne souhaite partager le sort de l’autre ? Que nul ne puisse comprendre ce que peut ressentir un soignant suspendu privé de toutes ses ressources ? Ou un paisible manifestant qui reçoit sur la tête, sans raison, une grenade de désencerclement. Ou encore celle d’un salarié exerçant un métier avec pénibilité qui apprend qu’il va devoir travailler jusqu’à 64 ans sans justification économique rationnelle. 

Cette sorte de conscientisation par l’empathie pourrait lancer une nouvelle tendance, celle du questionnement quant à certaines prises de décisions politiques et d’évaluation des ordres administratifs qui en découle. De plus en plus d’acteurs de la société souhaitent y réfléchir et l’expriment publiquement, au-delà du devoir de réserve ou de la confidentialité de leurs métiers. Certains deviennent lanceurs d’alerte. Poser des questions, c’est déjà informer. 

Dans le domaine du journalisme, qui a été très suiveur ces derniers temps, quelques retournements de vest... pardon quelques prises de conscience apparaissent. Certains prennent soin de combler leurs carences en matière de données et d’analyses. Tant mieux. Pour ne pas obéir bêtement, il faut aussi être bien informé. Et laisser les citoyens s'informer librement. Voilà qui permet de belles prises de conscience.

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