Guerre contre le Covid : Macron un tigre de papier

Auteur(s)
Igaal Hanouna pour FranceSoir
Publié le 10 mai 2020 - 00:47
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Clemenceau le tigre
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ARLOUK de Pixabay
Clemenceau, le tigre
ARLOUK de Pixabay

TRIBUNE : Qu’a-t-il donc pu bien se passer dans la tête du Chef de l’Etat pour déclarer la guerre et « en même temps » appeler aussitôt l’immense majorité de nos compatriotes à rester planqués ?

Le 16 mars 2020, sur les coups de 20h00, Emmanuel Macron, Président de la République française, 3ème puissance nucléaire mondiale, s’est exprimé avec un ton dont le tragique rappelait davantage Gérard Philippe que Charles de Gaulle. 
« Nous sommes en guerre » a-t-il répété. « Tous aux abris » a-t-il ordonné.  Lapidaire, ce résumé ne déforme pour autant en rien la réalité de ses propos.

Drôle de guerre me direz-vous, et vous n’auriez pas tort.

Qu’a-t-il donc pu se passer dans la tête de notre jeune Président pour surjouer autant sa partition de Chef des Armées ?
Nulle part dans le monde nous avons assisté à une telle logorrhée martiale. Même Donald Trump, plutôt à l’aise dans ce rôle de matamore, ne s’est pas aventuré sur les sentiers de la guerre.
Jupiter était-il donc jaloux de Mars ? Toujours enclin à parodier ses glorieux ainés, Macron voulait-il cette fois-ci s’inscrire dans les pas de Clemenceau et « faire la guerre » ?
A ce petit jeu-là, Macron n’a pas soutenu pas la comparaison :

Ce n’est qu’un Tigre de papier.

Son échec est personnel et tient en 3 actes : une impréparation stratégique, une délégation hasardeuse de son commandement et une démobilisation générale de ses troupes.
Nul besoin d’être spécialiste de Sun Tsu ou Von Clausewitz pour comprendre où se gagne et où se perd une guerre : anticiper le conflit, mobiliser l’ensemble de ses troupes et avoir une vision stratégie militaire claire pour donner des ordres clairs.

Sur tous ces points, le Président a été défaillant.

« Si vis pacem, para bellum ». Jupiter en aurait-il perdu son latin ? : Si tu veux la paix, prépare la guerre. Le vieil adage ne sied peut-être pas avec la modernité de notre Président.
Pas assez de masques, pas assez de tests, pas assez de blouses, pas assez de respirateurs, pas assez de lits d’hôpitaux…
Certes, la menace d’une pandémie mondiale était connue de tous. Par indulgence, nous admettrons toutefois que l’impréparation du Chef de l’Etat n’a pas fait exception dans le concert des nations. Cependant, on pouvait s’attendre à plus de prudence de la part du Chef des Armées. Car une guerre qui n’est pas préparée est une guerre qui sera perdue. Et on ne déclare pas des guerres pour les perdre.

Cette guerre était donc perdue avant même de l’avoir commencée.

Qu’importe ! « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » dit Rodrigue. Le panache ne saurait manquer au Président et celui-ci a voulu relever le gant. Car aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années.
Voilà donc qu’il organise son armée tel Napoléon Bonaparte, nommant 12 généraux dans un Comité Scientifique, sorte de « task force » d’aide à la décision dont la mise en place est recommandée dans tous les petits précis de management vendus en gares et en aéroports.
Dès les premières batailles, les généraux du Comité se trompent et sous-estiment l’ennemi invisible.  Inutile de disserter davantage sur l’organisation du 1er tour des municipales ou sur la déroute scientifique concernant le bon usage des masques : les faits sont déjà connus.

Ce dont on n’a pas encore assez conscience, c’est l’extraordinaire démobilisation d’une partie importante du personnel médical qui a été orchestrée par ce comité scientifique. En l’occurrence, l’hôpital a été choisi comme LA pièce angulaire de la stratégie sanitaire, stratégie qui a fait volontairement l’impasse sur le secteur libéral.
Certes le personnel hospitalier n’a pas démérité. Il a même fait preuve de beaucoup de courage et d’ingéniosité pour parer à l’impréparation stratégique de l’Etat. Pourquoi se passer sciemment des divisions du secteur libéral ?
Médecins libéraux désœuvrés, cliniques privées vides, matériels des cliniques sous-utilisés, infirmières libérales confinées, laboratoires d’analyses privés oubliés : au paroxysme de la crise, le comité scientifique a choisi de se passe d’un nombre considérable de nos forces vives.

Mais que pouvait-on attendre d’autre de ces généraux d’hôpitaux dont le manque de considération pour leurs collègues libéraux n’est un secret pour personne ?

Erreur de casting à l’évidence.
La façon dont Macron a délégué son pouvoir de décision à cette « noblesse de blouse », à ces premiers de cordée de la médecine, nous en dit d’ailleurs beaucoup sur l’idéologie technocratique du Président. Cette idéologie met le Saint-Simonisme et le gouvernement des experts au cœur de l’action politique. Cette idéologie macroniste en filigrane nous suggère fortement qu’il existe des élites choisies pour mener le peuple.
Le Président a donc remis son pouvoir et « en même temps » les destinées de la France entre les mains de ce comité. Comité dont les membres sont tous issus d’une sorte de caste universitaire hospitalière dont le dogmatisme et l’élitisme peut surprendre.
Or cette caste ne s’est pas spécialement illustrée au champ d’honneur. Car les batailles que les membres du Conseil Scientifique ont menées n’ont jamais dépassé le cadre restreint de leurs services hospitaliers respectifs.

Mener une cinquantaine d’hommes en blouse blanche, ce n’est pas diriger une nation.

Des questions surgissent donc sur le mode de sélection des membres du Comité Scientifique. Nombre de sommités médicales se sont d’ailleurs opposées aux décisions de ce comité scientifique. Pourquoi Macron a-t-il décidé de choisir les uns et d’écarter les autres ?
Fait du Prince vraisemblablement. Jupiter semble avoir choisi ses généraux sur un coup de dés ou en examinant les entrailles des oiseaux. Mauvais augure. Désormais il est trop tard : le sort en est jeté.
D’où ces généraux tenaient-ils donc leur légitimité ? Etaient-ils préparés comme le sont les militaires à tenir entre leurs mains le sort d’une nation ? Questions rhétoriques bien sûr.
Emmanuel Macron ne s’est pas simplement contenté de déléguer son pouvoir. Il a également abdiqué son pouvoir de contrôle sur ce Comité Scientifique. Ne lui suffisait-il pas de poser quelques simples questions : « membres du comité scientifique, fournissez-moi les preuves que l’usage des masques est superflu » ? Question rhétorique bien sûr.

Cette défaite ne serait pas totale si le Président n’avait pas failli dans son rôle de mobilisation.
Après avoir demandé à son Peuple de rester aux abris, ses ministres, constatant que la situation était critique sur le plan économique, ont demandé aux fantassins de monter au front.
Ce sont à « ces gens qui ne sont rien » comme le qualifiait Macron qu’on a donc demandé de monter en première ligne, démunis de masques et mal équipés. Bel effort de cohésion nationale qui a consisté à envoyer ses troupes les plus fragiles nourrir les mieux lotis.
Et comme on leur a bien juré que les masques étaient inutiles, ils n’avaient donc pas de raison de croire leur contraire. Mais toute cette rhétorique des masques n’était qu’un mensonge… Un mensonge assumé pour la Raison d’Etat !

Mais à relire le Prince de Machiavel, les mensonges fondés sur la raison d’état n’ont pas vocation à être découvert en moins de 15 jours. On ne s’improvise pas Florentin sur le tard. On ne s’inscrit pas dans les pas de François Mitterrand comme cela.
L'incapacité à prévoir et les mensonges d'Etat sont alors devenus dans la bouche de Macron « des ratés, des lenteurs, des procédures inutiles et des faiblesses logistiques ».

Il faut être Président de notre beau pays pour manier avec autant de maîtrise l'art si français de la litote.

Mais l'unité repose sur la confiance et la confiance repose sur la vérité.
Les apprentis menteurs de la raison d’état ont fait le lit de la contestation et de la défiance populaire. Leurs mensonges ont eu pour conséquence de démobiliser largement le peuple qui a alors remis en cause et avec raison la parole de l’état.

En mimant le théâtre de la guerre pour se mettre en scène en tant que Chef des Armées, Macron s’est probablement tiré une balle dans le pied.

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