Fusillés pour l’exemple : faisons la paix avec notre histoire

Auteur(s)
Alain Houpert, pour FranceSoir
Publié le 26 janvier 2023 - 16:05
Image
Fusillé pour l'exemple
Crédits
Mémoire des hommes
"On ne peut plus admettre et cautionner le fait qu’un jour, au nom de la France, des hommes aient été exécutés arbitrairement au nom de la raison d’État."
Mémoire des hommes

TRIBUNE - Différentes tentatives dans un passé récent ont provoqué des débats au Parlement sur la reconnaissance collective des fusillés pour l’exemple lors de la Première Guerre mondiale en proposant notamment l’édification d’un monument national recensant le nom de ces fusillés. Le Sénat va être saisi le 2 février prochain d’une proposition identique que je voterai.

Son nom était Bersot, son prénom, Lucien Jean-Baptiste. Le 13 février 1915, il fut passé par les armes sur les ordres de François Maurice Auroux, lieutenant-colonel de l’armée française.

Son chef d’accusation : refus d’obéissance.

Son crime : avoir refusé d’enfiler le pantalon couvert du sang d’un de ses compagnons.

En 1922, le soldat Bersot sera réhabilité et déclaré innocent des crimes qu’on lui reprochait.

Mais tandis qu’il est mort injustement, le lieutenant-colonel Auroux est envoyé en retraite après avoir été élevé au rang de Commandeur de la Légion d'honneur.

Cette histoire, nous nous en rappelons parce qu’elle a fait l’objet d’une campagne de presse, mais aussi de films de fiction. Mais cette histoire n’est pas isolée et des dizaines d’affaires Lucien Bersot salissent aujourd’hui la mémoire de notre République et la dignité de notre armée : celle des fusillés pour l’exemple.

Nous ne devons pas avoir de honte, aujourd'hui, à regarder avec lucidité et objectivité le passé qui est celui de notre République dans des circonstances exceptionnelles et meurtrières. Nous ne devons pas laisser notre armée entachée de ces injustices et faire peser, encore dans vingt, trente ou quarante ans, le poids du soupçon sur nos militaires, ni sur des citoyens dont certains sont innocents. Il est temps, plus de 100 ans après la fin de la Première Guerre mondiale, de nous réconcilier avec cette histoire tragique qui a conduit des hommes à assassiner leurs frères « pour l’exemple ».

Certains rétorquent que, dans ces fusillés pour l’exemple, certains l’ont été à juste titre pour des crimes réels et qu’il faut, à cause de ceux-là, ne pas épargner ceux-ci. Ont-ils commis des crimes ? Des trahisons ? Nous ne le saurons jamais. Inclus dans la longue liste des fusillés pour l’exemple, ont-ils été jugés pour leur crime ? Non. Ils ont été fusillés pour l’exemple. C'est-à-dire pour maintenir sur les soldats français une pression, une peur, une autorité nécessaire et vitale en temps de guerre.


Mais ce terme de « fusillé pour l’exemple » reflète une seule réalité : quels qu’aient été leurs torts, ce n’est pas pour cela qu’ils ont été punis, mais pour servir d’exemple.

On ne peut plus admettre et cautionner le fait qu’un jour, au nom de la France, des hommes aient été exécutés arbitrairement au nom de la raison d’État. On ne peut pas admettre que notre République ne puisse faire la paix avec ce passé douloureux.

En acceptant que des innocents voient encore aujourd’hui leurs noms entachés par celui de potentiels coupables, nous réitérons cette injustice de condamner des hommes innocents au nom du doute. Nous renonçons donc aux valeurs essentielles de notre République que sont la présomption d’innocence et le droit à la justice. Nous bafouons le doute qui bénéficie à l’accusé.

On ne peut admettre que la République puisse pardonner ses bourreaux et non ses victimes et nous devons pour la paix de notre histoire, la grandeur de la France et de notre armée, exprimer nos regrets, assumer nos erreurs et reconnaître que dans des circonstances exceptionnelles, la France a fait preuve d’injustice et qu’elle sait aujourd’hui réparer la douleur de ces familles.

À LIRE AUSSI

Image
Alain Houpert
"Coupable de courage" : vague de soutien en faveur du sénateur Alain Houpert, privé d'exercice de la médecine durant 9 mois
Suite à trois plaintes déposées contre lui pour ses critiques à l’encontre de la politique sanitaire du gouvernement, la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins ...
05 novembre 2022 - 18:55
Politique
Image
Houpert
"Il est crucial d’anticiper et ne plus réagir au coup par coup" : Alain Houpert appelle Emmanuel Macron à protéger les PME
LETTRE OUVERTE - Dans cette lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, le sénateur de la Côte-d'Or Alain Houpert dresse sans détour un diagnostic accablant de la situa...
22 octobre 2022 - 18:30
Opinions
Image
Alain Houpert edition papier FranceSoir
Maître des horloges et de l’absurde [FranceSoir papier]
TRIBUNE — Pour paraphraser Charles Baudelaire : « Emmanuel Macron est au génie une horloge qui retarde ».Le président jeune et nouveau qui se voulait maître du temps e...
22 avril 2022 - 14:42
Opinions

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.