L'apparition permanente comme mode de gouvernance

Auteur(s)
François Belley, pour France-Soir
Publié le 15 mai 2023 - 17:45
Image
Macron
Crédits
F. Froger / Z9, pour France-Soir
Une interview d'Emmanuel Macron est diffusée, ce lundi, dans le 20 heures de TF1.
F. Froger / Z9, pour France-Soir

TRIBUNE/ANALYSE - En politique, le prononcé fait foi : il acte et officialise. Effectuée depuis l'Élysée ou un plateau de journal télévisé, l'apparition politique, classique de la communication de masse, solennise le propos de celui qui s'adresse à une heure de grande écoute aux "concitoyens" ou aux "compatriotes", à "la Nation" ou à "la République".

L'apparition d'un Président ou d'un Premier ministre, d'un préfet de Police, d'un porte-Parole ou d'un directeur général de la Santé est orchestrée pour l'effet de com' qu'elle produit dans l'opinion, aussi pour la séquence médiatique qu'elle construit autour du personnage mis en scène dans un decorum compatible avec l'écran du spectacle (plateau, pupitre, drapeau, surimp, slogan et hashtag du jour).

Substitut à l'action politique, la parole officielle que l'on met en scène par son effet d'annonce et le désir qu'elle crée de facto, agit sur l'opinion tel un placebo. À tel point qu'avoir "des paroles fortes" et "des mots forts", "des messages forts" et "des promesses fortes" suffisent aux professionnels de la politique pour maintenant persuader, rassurer et convaincre : autrement dit, pour gagner l'approbation et la confiance des foules. 

Dans la civilisation du verbiage, les paroles politiques sont logiquement perçues comme des actes. Émise depuis la tribune médiatico-politique, l'affirmation devient action. À l'écran, dire est devenu synonyme d'agir. À l'heure de l'ultracom', la parole prédatrice qui règne en maître a même remplacé la prise de décision, la volonté de faire et d'entreprendre. Désormais, pour gouverner, il suffit de parler. Et pour bien gouverner, de bien parler. Si possible, beaucoup !

À l'heure de l'hypercommunication et de l'ultrapersonnalisation du pouvoir, l'apparition du politique qui cannibalise l'événement, n'a plus rien d'exceptionnel, et ce malgré les efforts répétés par les conseillers en communication à nous la présenter comme telle. Le temps de la rareté de la parole chère à Jacques Pilhan, théoricien du silence, est révolu. L'heure est maintenant à l'apparition permanente comme mode de gouvernance*.

Au centre de toutes les attentions désormais, l'homme politique, premier sur l'événement, a pris la place de premier commentateur de l'actualité. Coresponsable du bruit permanent, celui-ci est, au fond, comme le consultant, l'animateur ou "l'expert"  : à l'écran, il apparaît et parle. Il aspire à ne jamais disparaître.

Dans l'ère du spectacle, la politique n'est plus qu'apparition, mise en scène et bruit en continu. Cette activité débordante, par l'image et les mots, donne aux "concitoyens" ou aux "compatriotes", l'illusion de l'action. À "la Nation" ou à "la République", cette masse de paroles tend à donner, en définitive, l'illusion de la décision.

* "24 allocutions télévisées pour un total de 6 heures, 8 minutes et 47 secondes, sans contradicteur" (Libération, 19 Avril 2023)

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.