Ménopause : le péril sanitaire à venir, d'après Dr Michel Mouly - gynécologue, chirurgien et cancérologue

Auteur(s)
Dr Michel Mouly pour France-Soir
Publié le 01 mars 2023 - 14:50
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Ménopause Tout peut changer
Crédits
Robert Laffont
Dr Michel Mouly
Robert Laffont

SANTÉ - Le départ à la retraite des femmes s'effectue en moyenne 7 mois après les hommes, avec des pensions en moyenne 40% inférieures à celles de leurs congénères masculins. Le projet de la future loi des retraites a été adopté en commission au Sénat ce mardi 28 février : un amendement a été retenu afin d'accorder une "surcote" aux mères de familles qui ont eu une carrière professionnelle complète. Mais les femmes, dans leur ensemble, restent perçues comme les grandes perdantes de la réforme. France-Soir a demandé au Dr Michel Mouly, éminent cancérologue, chirurgien et gynécologue, si celles-ci étaient impactées par ailleurs, à propos d'autres aspects liés à l'âge en matière de santé. Voici sa réponse.

Et si on arrêtait de mentir aux femmes ménopausées ? Les laboratoires pourraient leur dire la vérité. Les hommes politiques aussi. Et puis les médecins. Ce serait bien, un monde d’hommes bienveillants, dont l’unique intérêt serait de soigner.

Il existe, depuis plus de cinquante ans, un traitement permettant d’éviter les maladies les plus graves liées à la ménopause. Il s’appelle le THM, le traitement hormonal de la ménopause. Toutes les femmes à l’aube de la cinquantaine en ont entendu parler. Toutes en ont une peur panique. Parce qu’on leur ment. Pourquoi ?

Courte leçon d’histoire : 2001, les Américains lancent une étude sur le THM. Résultat catastrophique. Soit le traitement ne marche pas, soit il convoque des maladies. Notre trio gagnant : labos, politiques, médecins, pousse des oooh et des aaah. Ils bannissent la médication. Et ne se demanderont jamais pourquoi ça ne fonctionne pas. Il faudra des décennies, pour que l’on se pose enfin cette question. Dont la réponse est glaçante : pour cette étude, les femmes choisies avaient des comorbidités. Et l’étude n’était pas faite à l’hôpital, sans suivi sérieux donc. Et les hormones données n’étaient pas les bonnes, entre autres. Bref, tout était fait pour que la formule soit enterrée.    

Car les laboratoires n’ont aucun intérêt à promouvoir le THM…

Parce que vendre une gélule contre les sueurs, une autre pour aider à l’endormissement, une autre pour gérer les sautes d’humeur, et puis encore une pour régler, je ne sais quel autre mal ménopausique, ça rapporte bien plus qu’une seule et unique gélule pour tout régler. Jamais les labos ne feront le choix de soigner vite et peu coûteux s’ils peuvent guérir lentement et que ça leur rapporte beaucoup d’argent. Ils veulent que vous ayez besoin d’eux.

Car les politiques n’ont aucun intérêt à promouvoir le THM

Parce qu’ils n’y connaissent visiblement rien. C’est lamentable. Il y a des milliers d’hommes, dans des dizaines d’institutions publiques chargées de la santé en France : le ministère de la Santé pour commencer, la DGS (Direction générale de la santé), la DGOS (direction générale de l’offre de soins), la HAS (Haute autorité de Santé), l’institut de veille sanitaire, l’ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament) et des produits de santé, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et 13 agences régionales de santé. Et pas une institution n’est fichue de dire que la ménopause est le péril à venir si on ne dit pas la vérité aux femmes, à savoir que quand elles entrent dans cette période de leur vie, elles sont une porte ouverte à toutes les maladies graves. Sauf à prendre un THM. Et l’immense majorité le peut.

Le gouvernement actuel a choisi l’endométriose comme priorité nationale. Ce mal touche 5% des femmes alors que la ménopause touche 100% des femmes, avec des risques de maladies graves à la clé, je le répète. Notre politique de santé publique est lamentable. Je le répète aussi.

Car les médecins n’ont aucun intérêt à promouvoir le THM…

Parce que si ce traitement s’avère poser le moindre problème, ils seront jugés uniques responsables. C’est ainsi qu’on leur présente les choses. Effrayés des poursuites, ils ne prescrivent pas le THM. Mais ces médecins-ci ne sont pas les plus à blâmer. Ceux qui sont achetés le sont. Et c’est le cas de pas mal. Ils acceptent de promouvoir telle ou telle molécule en échange de voyages ou cadeaux. Vous pensiez ce système révolu, ce n’est pas le cas.

Et pendant ce temps-là, les femmes ménopausées subissent des bouffées de chaleur qu’elles pourraient éviter. Elles endurent des sueurs nocturnes, des insomnies, des gonflements, leur libido s’éteint, leurs articulations se font douloureuses, elles ont des sautes d’humeur, prennent du poids… Mais tout cela n’est rien à côté de ce que ces symptômes cachent.

Qui dit "bouffées de chaleur", dit risque cardiovasculaire. Qui dit sueurs nocturnes, dit risque de diabète. Qui dit insomnies, dit probable dépression. Une libido en berne signifie des problèmes urinaires. La fragilisation des articulations peut couver de l’ostéoporose. Les gonflements, dissimuler des thromboses. Les troubles de l’humeur, déclencher un Alzheimer, la prise de poids, annoncer un cancer. Alors qu’il existe une médication pour conjurer la plupart de ces maux.

Je n’ai pas d’actions sur le THM. Je ne cherche donc pas à le vendre, uniquement à dire les choses clairement : si les femmes continuent d’ignorer qu’il existe un remède, nous scellons leur sort…

Le Dr Michel Mouly est gynécologue - chirurgien - cancérologue. Il est l'auteur du livre « Ménopause : tout peut changer », aux Éditions Robert Laffont - Versilio.

Mouly

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