Pourquoi la lutte contre le mésusage des médicaments doit être une priorité nationale du PLFSS 2023 ?

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François Pesty, pour FranceSoir
Publié le 24 septembre 2022 - 16:10
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L’erreur médicamenteuse et le mésusage des médicaments n’ont pas de couleur politique.
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TRIBUNE - Mon plan pour lutter efficacement contre ce fléau, en 6 propositions concrètes, faisant toutes appel au « numérique en santé » et rédigées dans 5 amendements (en bleu dans le texte)

L’erreur médicamenteuse et le mésusage des médicaments n’ont pas de couleur politique. Ils peuvent toucher n’importe qui. Que ce soit en ville, dans les hôpitaux, les cliniques, les établissements sociaux et médico-sociaux, tels que les EHPADs.

Constat alarmant

Un tout récent rapport de l’OCDE (ici), daté du 7 septembre 2022, avec un résumé en français à partir de la page 9 stipule que jusqu’à une hospitalisation sur dix pourrait être causée par un événement indésirable lié aux médicaments. Et que jusqu’à un patient hospitalisé sur 5 serait touché par un événement indésirable lié aux médicaments…

Le coût total de ces admissions évitables et des prolongements d’hospitalisations dues aux événements nosocomiaux que l’on pourrait prévenir pour les pays de l’OCDE serait supérieur à 54 milliards de dollars chaque année. Cela représente 11% des dépenses pharmaceutiques pour les 31 pays pour lesquels les données sont disponibles.

Un rapport de l’OMS (ici), mentionné par l’OCDE, va jusqu’à considérer que la moitié des médicaments prescrits, achetés ou dispensés, seraient inappropriés.

Un communiqué de presse encore plus récent, daté du 13 septembre 2022 (ici) de l’Alliance ECAMET, pour « European Collaborative Action on Medication errors and Traceability », titrait : « Les erreurs médicamenteuses, événements indésirables les plus courants survenant à l’hôpital, menacent la sécurité des patients et causent 160 000 décès par an dans l’UE ».

En France, les « accidents médicamenteux » feraient 10 000 à 30 000 morts par an et occasionneraient 85 000 à 182 000 hospitalisations dans les seuls hôpitaux publics (rapport sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France, Bernard Bégaud, Dominique Costagliola (ici).

Le saviez-vous ?

10 000 à 30 000 décès par an, cela équivaut au crash d’un Airbus A320 chaque semaine et jusqu’à tous les deux jours ! Des chiffres 3 à 10 fois supérieurs à la mortalité enregistrée sur nos routes en 2021 (ici).

Réveillons-nous !

En France, les enquêtes nationales sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS) menées par la DREES en 2004 et 2009, ont permis d’observer que 36% et 40% respectivement des réhospitalisations de sujets âgés, étaient liées à un problème médicamenteux (ici).

L’enquête menée en 2022 par l’OCDE ne cite pas la France parmi les modèles. Nous sommes clairement à la traîne.

17 pays de l’OCDE ont mis en place la lecture code-barres au lit du malade (voir plus loin), mais la France n’en fait pas partie.

Pourtant, des solutions existent pour éviter les erreurs médicamenteuses et le mésusage des médicaments. Elles ont été mises en œuvre avec succès, notamment aux États-Unis d’Amérique, mais pas encore dans notre pays.

Selon l’ABUM (Association pour le bon usage du médicament : ici), « les accidents liés à un mauvais usage du médicament occasionnent chaque année plus de 10 000 décès, dont 7 500 chez les plus de 65 ans. Ils sont la cause de plus de 130 000 hospitalisations et près de 1,3 million de journées d’hospitalisations. Alors que dans 45 à 70 % des cas, ces accidents seraient évitables ».

Aux États-Unis, des recherches basées sur l’analyse informatique de dizaines de milliers de dossiers médicaux électroniques (Pr John JAMES, J Patient Saf & Volume 9, Number 3, September 2013. Téléchargeable ici), ont établi que l’erreur médical à l’hôpital était la troisième ou seconde cause de mortalité derrière les cancers et les maladies cardiovasculaires. Soient environ 1 000 décès par jour et un décès sur 6, qui seraient liés à des erreurs médicales évitables.

L’erreur médicamenteuse pourrait représenter à elle seule plus de la moitié de ces décès. Les événements indésirables sévères liés aux erreurs pourraient être 10 à 20 fois plus fréquents que les décès.

La mise en place aux Etats-Unis dans tous les lits hospitaliers entre 2010 et 2017 de la conciliation médicamenteuse* et de l’administration assistée par la lecture code-barres de chaque dose de chaque dose de médicaments par l’infirmière, ont permis d’enregistrer, selon les estimations de l’AHRQ (équivalent à la HAS en France) et de Medicare (l’assurance maladie chez l’oncle SAM) de :

- 23 780 décès évités,

- 1 422 857 événements indésirables évités,

- 7,55 milliards de dollars de dépenses épargnées

(*) Identification la plus exhaustive possible à l’entrée à l’hôpital ou en EHPAD, d’un patient ou résident, de sa liste de médicaments pris ou à prendre, suivie d’une analyse de l’ordonnance et/ou d’un bilan médicamenteux. Il est couramment admis qu’environ 15% des passages de personnes âgées au service d’accueil des urgences sont liés aux traitements médicaments qu’ils prennent ou qu’ils ont arrêté de prendre…

L’heure de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 approche.

Néanmoins, je doute fort que l’on puisse bénéficier de la moindre avancée tangible sur ce dossier dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023, tel qu’il sera présenté ce lundi 26 septembre en Conseil des ministres.

En effet, j’observe que les 6 occurrences du mot-clef « erreur » dans les 344 pages du rapport « Charges et Produits 2023 » (ici) publié par l’Assurance Maladie, préfigurant le projet de loi, ne concernent qu’exclusivement des « erreurs de facturation ». Nous prenons alors conscience de la méconnaissance totale de la CNAMTS de la réalité quotidienne des hôpitaux, cliniques, EHPAD, cabinets médicaux, etc.

Sur le site « Data pathologies » créé récemment par l’assurance maladie (ici), annoncé dans la presse (ici), l’erreur médicamenteuse, le mésusage des médicaments, les manques de pertinence et d’efficience des prescriptions n’ont pas le droit de cité.

Je crains malheureusement que la direction de la Sécurité sociale au ministère de la Santé manque aussi singulièrement de vision dans ce domaine. Ce qui augure hélas une nouvelle fois le passage à la trappe de tout progrès en la matière.

De fait, les prédécesseurs de M. François Braun semblent n’avoir jamais eu de priorité en matière de lutte contre l’erreur médicamenteuse et le mésusage des médicaments, pourtant tellement délétères et si meurtriers, ou pourvoyeurs de nombreuses séquelles, souvent irréversibles, alors qu’ils seraient le plus souvent évitables, si on s’en donnait les moyens. Idem de l’amélioration de la pertinence et de l’efficience des prescriptions médicamenteuses.

Pourtant, depuis des décennies, la lecture code-barres sécurise l’identification des articles en caisse dans tous types de commerces, des valises dans les aéroports, des passagers à l’embarquement…

Les pharmaciens d’officines en ville scannent les boites de médicaments lors de leur délivrance aux patients, ce qui permet la télétransmission et l’alimentation de l’historique médicamenteux dans « Mon espace Santé ». Les informations qui y sont présentes sur les médicaments pris ou à prendre par le patient, ne sont toujours pas exploitées dans les logiciels médicaux de prescription pour réaliser la « conciliation médicamenteuse », pas plus qu’elles ne l’étaient dans l’« historique de remboursements » qui l’avait précédé dès 2004 ! Une autre barrière systémique aux erreurs, non déployée en France, mais opérationnelle aux Etats-Unis ! Que de temps perdu…

Pourquoi ces barrières systémiques à l’erreur n’ont-t-elles pas été mises en place en France pour les médicaments dans les hôpitaux et les EHPADs ?

Un petit panorama de la littérature scientifique internationale nous montre pourtant que, ne serait-ce que pour la lecture code-barres au lit du malade, le Royaume-Uni la pratique (ici), le Canada a organisé son plan de déploiement (ici), les Pays-Bas, la Colombie, le Brésil, le Japon, le Danemark, l’Australie, la Belgique, font part de leur expérience (ici), la Finlande aussi (ici) et même les Émirats arabes unis (ici).

Mon plan de lutte efficace contre ce fléau

Voici donc mes préconisations que j’aimerais voir gravées dans le marbre du PLFSS 2023 sous forme d’amendements. Pour trois d’entre elles, j’ai actualisé les amendements (1), (2), (3), que j’avais rédigés en octobre 2015 pour le groupe écologique du Sénat, qui les avait soutenus dans le cadre de la Loi Touraine, de « Modernisation du Système de santé », mais rejetés par un gouvernement et un président de la commission des Affaires sociales (du Sénat) manifestement très ignorants sur le sujet :

1er amendement proposé : « Module d’aide à la conciliation médicamenteuse, intégrée aux logiciels d’aide à la prescription en ville (LAP), à l’hôpital (LAPH), et dans les établissements médico-sociaux »

L'article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale (ici) est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa du II, après le mot : « logiciels », et avant le mot « intègrent », sont insérés les mots : « apportent une aide à la conciliation médicamenteuse des patients ambulatoires, des malades hospitalisés ou des résidents hébergés à leurs entrées et sortie d’un établissement sanitaire ou médico-social, à partir de l’exploitation des données de l’historique des remboursements du patient, ou de son DMP, ou de son « Espace de Santé » et de son « Dossier Pharmaceutique », pour tout nouveau patient et avant toute nouvelle prescription, y compris pour le renouvellement d’une ordonnance chez un patient connu. Le module d’aide à la conciliation médicamenteuse doit permettre à partir des dates de délivrance, des présentations pharmaceutiques délivrées et des nombres de boites, de reconstituer la prescription actuelle, de valider chaque traitement actuel avec l’aide du patient ou de son entourage, qui confirme ou non la prise effective des médicaments, puis de procéder à une analyse pharmaceutique complète de l’ordonnance afin d’identifier d’éventuelles contre-indications, mises en garde, interactions médicamenteuses, mauvaise observance, effets indésirables » ;

2° À la seconde phrase du premier alinéa du III, après le mot : « logiciels », sont insérés les mots : « permettent aux pharmaciens d’accéder aux mêmes fonctionnalités que les médecins en matière d’aide à la conciliation médicamenteuse ».

3° À la seconde phrase du premier alinéa du III, après le mot : « conciliation médicamenteuse », sont insérés les mots : « La HAS dans son référentiel de certification des LAD (logiciel d’aide à la dispensation) veillera à exiger l’exécution des contrôles à partir de l’historique médicamenteux (délivrances) permettant d’éviter des erreurs de dispensation et de produire les alertes correspondantes : erreur de dose, erreur de forme ou de voie d’administration par rapport aux dernières délivrances. Lors de la mise en place de la e-prescription, un contrôle de bonne correspondance entre les caractéristiques de la présentation pharmaceutique scannée lors de sa cueillette avec celles de la prescription électronique devra être obligatoirement réalisé : même spécialité pharmaceutique, même dosage, même voie d’administration et forme pharmaceutique. Une alerte sera produite avant la validation finale dans le cas contraire. »

Objet

Ces amendements se proposent d’introduire dans le périmètre et comme exigence fonctionnelle minimale attendue de la certification des logiciels d’aide à la prescription et d’aide à la dispensation, dont est chargée la Haute Autorité de santé, un module d’aide à la « conciliation médicamenteuse » s’appuyant sur la prise en compte des données de l’historique des remboursements (HdR intégré ou « Mon espace santé », SNIIRAM (Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie), serveurs de l’assurance maladie, accès à l’aide de la carte vitale et de la carte de professionnel de Santé ou d’une e-CPS) et aussi du « Dossier Pharmaceutique » (serveur du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens).

En effet, la conciliation médicamenteuse, l’une des 5 priorités définies par l’OMS lors des transitions de soins, consiste avant de prescrire un ou plusieurs médicaments à un patient, à identifier son traitement complet, et le cas échéant à préciser pour chaque ligne, son maintien, sa suspension (par exemple, pendant une intervention chirurgicale), son arrêt, sa substitution. À l’entrée du malade, la conciliation médicamenteuse constitue donc la première étape du « circuit du médicament » à l’hôpital, indissociable de la prescription d’entrée. Toute divergence, en particulier non intentionnelle, peut s’avérer préjudiciable à la sécurité du patient. Notamment, l’omission d’un traitement vitale ; la prescription d’un mauvais dosage ; une erreur de substitution. La prescription d’un médicament incompatible (contre-indication absolue) avec un autre déjà pris par le patient, sans que le médecin ne le sache, faute d’avoir pu effectuer la conciliation médicamenteuse, peut aussi entraîner des conséquences dramatiques. Pour exemple, voici le court extrait d’un reportage diffusé sur France 5 le 09/06/2015 dans l’émission « Enquête de Santé » et que l’on pourrait intituler : « Le décès d’Émile aurait été évité s’il avait pu bénéficier d’une conciliation médicamenteuse » (2 min 23 s) ».

La prescription de sortie du patient de l’hôpital doit également réintroduire si possible (s’ils sont encore pertinents) les médicaments personnels qu’avait le patient à son entrée s’ils ont été suspendus en raison de leur absence au livret thérapeutique de l’établissement.

À noter paradoxalement qu’un certain nombre de logiciels certifiés en ville sont capables d’identifier en back-office les médicaments délivrés au patient, mais qui ne figurent pas sur l’ordonnance que s’apprête à valider le médecin, et donc, d’en proposer l’ajout. Mais aucun à l’hôpital.

Les pharmaciens à l’hôpital comme en ville doivent pouvoir consulter ces mêmes informations dans le cadre d’une analyse pharmaceutique optimisée des ordonnances.

La conciliation médicamenteuse (« medication reconciliation » chez les Anglo-saxons) a fait partie des cibles prioritaires d’usage (« Core Meaningful Use ») à atteindre obligatoirement pour le paiement à la performance des hôpitaux et des médecins utilisateurs de logiciels certifiés dans les hôpitaux américains, et constituait l’un des principaux leviers d’amélioration permettant d’expliquer les résultats spectaculaires déjà obtenus aux États-Unis dans la lutte contre les erreurs médicamenteuses et l’iatrogénie liée entre 2011 et 2017 :

- 1 422 857 événements indésirables évités,

- 23 780 décès évités,

- 7,55 milliards de dollars épargnés,

Les calculs sont réalisés à partir des événements indésirables collectés au moyen d’un « data mining » (fouille informatique) du contenu de plusieurs dizaines de milliers de dossiers médicaux électroniques de bonne qualité dans le cadre du programme « PfP » (Partnership for Patients, que l’on pourrait traduire par « partenariat au bénéfice des patients ») pour 5 groupes de médicaments à risque (Digoxine, hypoglycémiants, héparine sodique, héparines de bas poids moléculaire et nouveaux anticoagulants oraux, antivitamines K). La méthodologie est détaillée par CMS (Center for Medicare & Medicaid Services).

Rapport final 2017 de l’AHRQ publié en juillet 2020 (ici)

Rapport final 2014 de l’AHRQ publié en décembre 2016 (ici)

Les logiciels d’aide à la délivrance n’opèrent pas de contrôle pour éviter une erreur de délivrance. Le référentiel de certification qui régit les exigences minimales fonctionnelles auxquelles ils doivent satisfaire en matière de sécurité, de qualité et d'efficience dans l’aide à la dispensation des médicaments, validé par le collège de la Haute Autorité de santé le 13 janvier 2022, ne prévoient pas ces contrôles. Il suffit pourtant de vérifier la concordance entre la spécialité pharmaceutique, le dosage, la forme, et la voie d’administration de la présentation pharmaceutique scannée par le pharmacien lors de sa cueillette et les données de l’historique médicamenteux (délivrances sur au moins 4 mois dans le DP et bien davantage dans « Mon espace Santé »). En cas de discordance, une alerte doit être produite avant la validation finale de la dispensation. Par exemple, « attention, le dosage a 20 mg de pravastatine que vous vous apprêtez à délivrer au patient, diffère de celui à 10 mg délivré lors des 4 derniers mois, confirmez-vous ce choix ? ». Lorsque la e-prescription des médicaments entrera en vigueur, il faudra aussi qu’un contrôle de convergence soit réalisé entre les caractéristiques de la présentation pharmaceutique cueillie et scannée, avec celles de la prescription électronique (même spécialité pharmaceutique, même dosage, même voie d’administration et forme pharmaceutique).

2ème amendement proposé : « Le médecin précise pour chaque médicament prescrit la ou les indications thérapeutiques de l’AMM qui motive(nt) son choix » :

L'article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale (ici) est également modifié de la manière suivante :

4° À la seconde phrase du premier alinéa du II, après les mots : « effets indésirables », et avant le mot « intègrent », sont insérés les mots : « Pour chaque présentation pharmaceutique prescrite sur l’ordonnance, le médecin précise avec l’aide de la base de données médicamenteuse agrée par la HAS à laquelle il s’adosse, la ou les indication(s) thérapeutique(s) de l’autorisation de mise sur le marché qui motive(nt) sa prescription. Ces indications thérapeutiques déclarées par le médecin sont également versées dans l’Espace Santé du patient ».

Objet :

Cet amendement ouvre de nouvelles perspectives tant sur l’information des patients et des prescripteurs, que sur la qualité, la sécurité et l’efficience des prescriptions médicamenteuses :

- Tracer dans le dossier patient et sur l’ordonnance (et à l’avenir, dans « Mon espace Santé ») la ou les indication(s) thérapeutique(s) autorisée(s) que le médecin recherche pour chaque présentation pharmaceutique qu’il prescrit, permet d’entrer dans une logique et une dynamique vers plus d’implication du patient dans les décisions de santé qui le concerne, et plus de transparence dans la relation patient-médecin, tant il parait désuet que ce dernier puisse cacher encore aujourd’hui à son patient le motif de la prescription et l’intention de traiter. Mais encore, cette disposition ouvre la voie à l’optimisation de la prescription. Sélectionner à l’aide d’une liste déroulante une indication (ou parfois plusieurs) parmi la liste des indications thérapeutiques autorisées par l’AMM et contenues dans toutes les bases de données médicamenteuses agréées par la HAS, offrirait les perspectives suivantes :

- Consolider la connaissance par le médecin des indications thérapeutiques, parfois nombreuses, pour chaque présentation pharmaceutique qu’il prescrit, et compte tenu d’une pharmacopée pléthorique que nul ne peut connaitre en totalité. En quelque sorte, une bonne opportunité pour les médecins de e-learning, et de formation médicale continue,

- Lutter contre la prescription hors-AMM,

- Possibilité de proposer au médecin (pop-up) une alternative médicamenteuse aussi efficace, aussi bien tolérée et beaucoup moins onéreuse (Système d’aide à la décision indexé par médicament = SAM),

- Possibilité de proposer une alternative thérapeutique un peu plus onéreuse, mais beaucoup plus efficace ou mieux tolérée (SAM),

- Possibilité, si cette indication thérapeutique recherchée est également tracée dans l’espace santé du patient, qu’elle facilite l’orientation diagnostique par exemple lors d’un passage ultérieur du patient aux urgences…

3ème amendement : « Certification des logiciels d’aide à la préparation des doses à administrer et à leur étiquetage »

Après le III de l’article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale (ici), il est inséré un paragraphe IV ainsi rédigé :

« IV. La Haute Autorité de santé établit la procédure de certification des logiciels d’aide à la préparation des doses à administrer (PDA ou « LAPDA ») ayant respecté un ensemble de règles de bonne pratique. Ces logiciels apportent une aide infirmière pour le calcul des doses, débits, volumes, vitesses de perfusion pour la préparation des doses à administrer, en particulier pour les formes injectables et buvables, ainsi qu’à leur étiquetage complet et conforme à la réglementation avec impression des étiquettes dans la salle de soins ou sur le chariot de distribution des médicaments, et permettent également de tracer les opérations réalisées par l’infirmière pour préparer les doses. Un préalable indispensable pour effectuer les contrôles de sécurité pour s’assurer du non-dépassement des doses maximales par prise et par 24h ».

Objet

Cet amendement se propose d’étendre le périmètre de la certification et les exigences fonctionnelles minimales attendues des logiciels hospitaliers d’aide à la prescription et à la dispensation, aux étapes infirmières de préparation des doses à administrer (PDA), d’étiquetage de ces doses, et de traçabilité des tâches effectuées par l’infirmière.

Cette dernière est sans nul doute le professionnel de santé actuellement le plus démuni de tout support logiciel dans l’exécution de ses tâches à risque élevé d’erreur. La HAS, idéalement en partenariat avec l’ANSM, pour l’étiquetage, notamment des médicaments à risque (« Never events » ou « événements qui ne devrait jamais arriver : chlorure de potassium, insuline, anticoagulants, méthotrexate…), serait parfaitement habilitée pour définir le référentiel permettant d’améliorer la qualité et la sécurité des pratiques infirmières dans ce domaine à risque très élevé pour la sécurité des patients. Aujourd’hui, faute d’exigence formalisée en la matière, les logiciels couvrant la prise en charge médicamenteuse du patient ne gèrent pas ces étapes pourtant si cruciales en matière de sécurité des soins. Pour une perfusion à poser, le plus souvent, l’infirmière colle sur la poche une étiquette imprimée lors de l’admission du patient et se contente d’inscrire au marqueur de manière pas toujours très lisible le nom du (des) médicament(s) ajouté(s) dans la poche, parfois en abréviations, et toujours de manière très incomplète. Les logiciels n’apportent aujourd’hui aucune aide concrète et systématique au calcul des doses, volumes, débits, vitesses de perfusion. Par exemple, lors de la reconstitution d’une solution injectable à préparer à partir d’une « poudre pour préparation injectable », le recueil du volume V1 de solution injectable prescrite pour la reconstitution (chlorure de sodium isotonique, eau pour préparation injectable…), puis le volume V2 de cette solution introduite dans le flacon, puis le volume V3 de solution soutirée du flacon après reconstitution, et enfin le volume V4 injecté au patient sont nécessaires pour contrôler correctement que les doses maximales de principe(s) actif(s) par prise et par 24h n’ont pas été dépassées, et donc pour produire une alarme ou message d’alerte dans le cas contraire. Si l’on souhaite sécuriser la préparation par l’infirmière des doses à administrer, il sera nécessaire qu’elle renseigne ces paramètres dans son logiciel métier… Ce n'est nullement la compétence du personnel infirmier qui est ici remise en question, mais plutôt l'injonction contradictoire permanente face à laquelle il est placé. De la même manière, lors de la préparation de « gouttes buvables », seule l’impression d’une étiquette complète, réalisée dans la salle de soins ou sur le chariot de distribution des médicaments, à partir du logiciel « prescription - administration », permettrait d’offrir à l’infirmier un support facilitant et sécurisant cette préparation, comprenant l’ensemble des informations utiles et nécessaires, garantissant ainsi la possibilité d’identifier à la fois le patient et le ou les médicament(s) présent(s) dans le gobelet, à la (aux) dose(s) prescrite(s), jusqu’au moment de l’administration. Sans un tel dispositif, l’arrêté du 6 avril 2011 reste totalement inapplicable. Les logiciels n’apportent aucune aide aux risques d’incompatibilités physico-chimiques entre les principes actifs ajoutés dans le gobelet (jusqu’à 5 principes actifs mélangés dans un même gobelet).

4ème amendement : « Certification des logiciels d’aide à l’administration des médicaments assistée par la lecture code-barres au lit du malade et au chevet du résident »

Après le nouveau IV de l’article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale (ici), il est inséré un paragraphe V ainsi rédigé :

« V. La Haute Autorité de santé établit la procédure de certification des logiciels d’aide à l’administration des médicaments. Celle-ci requiert la mise en œuvre d’un circuit du médicament informatisé en boucle fermée qui permet, en combinant la prescription électronique et l’administration des médicaments assistée par la lecture code-barres de chaque dose à administrer réalisée au chevet des malades ou résidents, ainsi que la lecture code-barres du bracelet d’identification du patient ou résident, de s’assurer de la conformité à la prescription des médicaments prêts à être administrés : "Le bon médicament, au bon malade, à la bonne dose, par la bonne voie, au bon moment". »

Objet

L’administration des médicaments par l’infirmière (ou l’aide-soignante par délégation de l’infirmière pour les formes orales), est l’ultime opportunité pour intercepter une erreur médicamenteuse. C’est dire l’importance cruciale de vérifier qu’il s’agit bien du bon médicament, au bon malade, à la bonne dose, par la bonne voie et au bon moment.

Cet amendement se propose d’élargir le périmètre de la certification et les exigences fonctionnelles minimales attendues pour les logiciels hospitaliers d’aide à la prescription, à la dispensation, à la préparation des doses à administrer et à leur étiquetage, à l’étape infirmière proprement dite d’administration des médicaments. Le seul prérequis à sa mise en place étant l’apposition par les industriels du médicament sur chaque conditionnement primaire pour chaque présentation pharmaceutique d’un code-barres ou d’un datamatrix conforme à la norme GS1-128.

L’infirmière est sans nul doute le professionnel de santé actuellement le plus démuni de tout support logiciel et technologique dans l’exécution de cette étape à haut risque d’erreur. La HAS serait parfaitement habilitée pour définir le référentiel permettant d’améliorer la qualité et la sécurité de la pratique infirmière dans ce domaine à risque élevé pour la sécurité des patients. Aujourd’hui, faute d’exigence formalisée en la matière, faute aussi de la présence de code-barres ou datamatrix sur la plupart des conditionnements primaires de médicaments disponibles à l’hôpital et en établissements médico-sociaux, les logiciels couvrant la prise en charge médicamenteuse du patient n’intègrent pas la technologie de la lecture code-barres au chevet du malade pour assister l’administration des médicaments (certains logiciels le font néanmoins pour les seules transfusions sanguines).

Nous connaissons tous la fiabilité de la lecture code-barres qui fêtera ses 50 ans en avril 2023 (ici) pour identifier les produits que nous achetons dans tous types de commerce, nos valises dans les aéroports, les passagers à l’embarquement. Les pharmaciens d’officines en ville scannent les boites de médicaments lors de leur délivrance aux patients, ce qui permet la télétransmission et l’alimentation de l’historique médicamenteux dans « Mon Espace Santé ». L’utilisation de la lecture code-barres est insuffisamment déployée pour la dispensation des médicaments par les pharmaciens hospitaliers, puisque seulement un tiers environ la pratique. Alors même, qu’une étude américaine publiée en 2006 a permis de montrer que cette technologie réduisait de plus de 80% les erreurs de dispensation et les événements indésirables potentiellement liés (ici).

La même équipe du Brigham and Women’s Hospital de Boston a pu démontrer en 2010 l’efficacité de cette technologie pour éviter des erreurs d’administration (jusqu’à 90%) et les événements indésirables, notamment graves, consécutifs à ces erreurs, ainsi que l’abolition des erreurs causées par les retranscriptions (ici). Le déploiement de la lecture code-barres au lit du malade avait débuté dès 1995 dans les hôpitaux militaires du Veterans Affairs, et s’était achevé en 2000. Mais pour la généralisation à tous les hôpitaux américains, il aura fallu attendre que le directeur de la FDA (Agence américaine du médicament) et le Secrétaire à la santé américain aient rendu obligatoire la présence d’un code-barres sur chaque conditionnement primaire de médicaments destinés à l’hôpital (annonce faite en février 2004, avec date butoir en avril 2006). Cela implique bien évidemment, pour un blister de 10 ou 14, ou « n » comprimés ou gélules, d’apposer un datamatrix derrière chaque alvéole. Dès lors, les hôpitaux nord-américains ont rapidement pu déployer la lecture code-barres au lit du malade. 80% l’avaient réalisé fin 2013, 93% en 2016.

En France, en 2010, pour imposer aux industriels du médicament l’apposition sur les boites d’un datamatrix intégrant le CIP13, le numéro de lot et la date de péremption, un simple avis signé du directeur général de l’agence française du médicament (AFSSAPS à l’époque) publié au JO aura suffi (ici). Il suffirait donc en 2022 pour rendre obligatoire la présence sur chaque conditionnement primaire pour toutes les présentations pharmaceutiques, d’un datamatrix embarquant le code CIP13, le numéro de lot et la date de péremption, qu’un avis du même type publié au JO, soit pris par la direction générale de l’ANSM. Cet avis et ce qu’il implique pour les industriels, est un prérequis indispensable pour pouvoir implémenter en France la lecture code-barres au lit du malade ou au chevet du résident.

Plus précisément, « l’informatisation du circuit du médicament en boucle fermée » aux USA, qui combine la connexion avec la prescription informatisée en temps réel avec la mise en œuvre au lit du patient de la lecture code-barres de son bracelet d’identification, ainsi que celle des code-barres ou datamatrix présents sur chaque dose de médicament avant leur administration (« Closed Loop Medication Administration »), a fait partie des cibles prioritaires d’usage (« Core Meaningful Use ») à atteindre pour le paiement à la performance des hôpitaux et des médecins. Elle constitue un élément majeur pour expliquer les résultats spectaculaires obtenus aux USA dans la lutte contre les erreurs médicamenteuses et l’iatrogénie liée entre 2011 et 2017 :

- 1 422 857 événements indésirables évités,

- 23 780 décès évités,

- 7,55 milliards de dollars épargnés,

La méthodologie utilisée pour documenter ces évolutions remarquables s’est basée sur le data mining (fouille informatique) de plusieurs dizaines de milliers de dossiers médicaux électroniques de bonne qualité, à la recherche d’événements indésirables grâce à des algorithmes prédéfinis dans le cadre du programme « PfP » (Partnership for Patients, que l’on pourrait traduire par « partenariat au bénéfice des patients »), et cela, pour 5 groupes de médicaments à risque (Digoxine, hypoglycémiants, héparine sodique, héparines de bas poids moléculaire et nouveaux anticoagulants oraux, antivitamines K). La méthodologie est détaillée par CMS (Center for Medicare & Medicaid Services).

Différentes études montrent aussi un gain de temps infirmier avec la lecture code-barres au lit du malade et au chevet du résident

L’exemple même d’un décès qui aurait pu être évité grâce à l’administration des médicaments assistée par la lecture code-barres, a fait la « Une » du journal télévisé de France 3 le 11 septembre 2014.

Que faut-il retenir de cet accident thérapeutique tragique. Sinon que la lecture code-barres connectée à la prescription en temps réels, aurait pu, aurait dû l’intercepter. En effet, la lecture code-barres au lit du malade permet de signaler par une alarme toute discordance de patient (grâce à la lecture du code-barres sur son bracelet d’identification), de présentation pharmaceutique, de spécialité pharmaceutique, de dosage, de forme pharmaceutique et/ou de voie d’administration, ou du moment d’administration, entre la prescription et et les données scannées lors de son exécution.

Voir aussi cet article (ici) que j’avais écrit sur mon blog le 12 septembre 2014.

5ème amendement « La lecture code-barres au lit du malade permettra de comptabiliser par patient et par séjour le coût des médicaments administrés. La constitution d’une base de données confiée à l’ATIH permettra d’enrichir considérablement la connaissance et l’amélioration de la prise en charge médicamenteuse à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux en France ».

Après le nouveau V de l’article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale (ici), il est inséré un paragraphe VI ainsi rédigé :

« VI. La Haute Autorité de Santé définit dans le cadre de la certification des logiciels d’aide à l’administration des médicaments à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, une comptabilisation pour chaque présentation pharmaceutique des nombres d’unités administrées et des coûts des médicaments par patient/résident et par séjour à partir de la mise en œuvre de la lecture code-barres au lit du malade et au chevet des résidents. L’ATIH définit le mode de transmission des données précédentes entre les établissements sanitaires et médico-sociaux et l’agence, ainsi que la base de données qui en sera issue. Celle-ci permettra des croisements de données, particulièrement fructueux pour la recherche et la connaissance, par exemple avec les diagnostics principaux et associés, l’âge des patients, les établissements, CIM10… »

Objet :

Cette disposition constitue un enrichissement considérable des recherches potentielles par rapport aux seules données disponibles actuellement sur les médicaments de la liste en sus et celles issues de l’enquête annuelle sur les achats et les consommations réalisés auprès des seuls établissements hospitaliers par l’ATIH. Rappelons que l’ANSM ne publie plus depuis des années de rapports sur les ventes de médicaments en officines et dans les hôpitaux. Que la déclaration obligatoire annuelle de ces données par les firmes pharmaceutiques n’ait fait l’objet d’aucun Open data.

Dans le cadre de la facturation individuelle des établissements de santé (FIDES), la mise en œuvre de l’administration assistée par la lecture code-barres faciliterait grandement l’imputation des dépenses de médicaments inclus dans les GHS à chaque séjour et à chaque patient, en automatisant le recueil des données. Ces médicaments représentaient en 2013 55% des dépenses intra-hospitalières de médicaments (donc hors rétrocession). Seuls aujourd’hui les dépenses de médicaments inscrits sur la liste en sus sont tracées par séjour et par patient. Autrement dit, l’assurance maladie est un payeur aveugle pour les dépenses hospitalières de médicaments non-inscrits sur la liste en sus… La sécurisation de la prise en charge médicamenteuse du patient permettrait ainsi de renforcer aussi l’efficience.

La mise en œuvre de ce dispositif pourra être formalisée dans une circulaire de la DGOS telle que celle publiée le 23 janvier 2019 (ici).

Le statu quo n'est plus possible dans le domaine des événements indésirables médicamenteux, du mésusage des médicaments, de la pertinence et de l’efficience de leurs prescriptions.

Il faut que les lignes bougent...

Sans quoi, le plus grand scandale sanitaire risque fort d’éclater et d’éclabousser les décideurs publics qui seront restés dans un immobilisme coupable…

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