A Paris, un retour à l'emploi en douceur pour des SDF

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Par Maryam EL HAMOUCHI - Paris (AFP)
Publié le 03 février 2018 - 11:06
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Des SDF participant au programme "Premières heures", un dispositif de retour à l'emploi mis en place par Emmaüs, le 31 janvier 2018 à Paris
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© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Des SDF participant au programme "Premières heures", un dispositif de retour à l'emploi mis en place par Emmaüs, le 31 janvier 2018 à Paris
© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Jean-Claude et Robert chargent un camion Emmaüs de sacs contenant des vêtements pour des migrants. Mais ce ne sont pas des employés comme les autres: le premier est hébergé chez des prêtres, le second vit dans le Bois de Vincennes.

Tous deux ont intégré "Premières heures", un dispositif de retour à l'emploi mis en place par Emmaüs et centré autour d'une idée simple: faire travailler des personnes en grande précarité quelques heures par semaine pour les aider à se réinsérer dans le marché de l'emploi.

"La première notion que tu perds quand tu es à la rue, c'est le temps. Si un SDF vient un lundi pendant une demi-journée et revient la semaine suivante, ça veut dire qu'il s'est accroché", indique le créateur de ce dispositif, Helio Borges, qui considère que les traditionnels contrats d'insertion de 26 heures sont "inadaptés" pour des personnes qui ont été SDF pendant des mois voire des années.

Chaque semaine, Jean-Claude, Robert et d'autres trient trois tonnes de vêtements qui sont ensuite acheminés vers des personnes en grande difficulté. "J'étais à la rue mais grâce au +travail à l'heure+, j'ai pu signer un contrat d'insertion", raconte Jean-Claude, 62 ans.

Les SDF, rencontrés lors de maraudes ou orientés par les centres d'hébergement, commencent par travailler 4 heures par semaine. Au cours de l'année, ils peuvent ensuite êtEre amenés à progressivement travailler jusqu'à 26 heures par semaine.

Entretien de jardins, nettoyage, logistique, déménagement... les bénéficiaires sont affectées à différents postes par leur conseiller d'orientation, en fonction de leurs envies et des missions disponibles.

- Un travail "normal" -

Au square de Jessaint (XVIIIe), Ladislav Ogurcak, ancien SDF arrivé en France il y a vingt ans, démonte des palettes de bois pour n'en garder que les planches. Avec deux collègues polonais qui ont aussi vécu plusieurs années à la rue, ce Slovaque à la carrure imposante travaille 9 heures par semaine à l'entretien du square pour un salaire de 350 euros par mois.

Ladislav, treillis militaire et casquette noire, montre avec fierté le bac sur lequel il a peint un paysage ensoleillé et dans lequel pousse désormais de la menthe. "J'ai commencé à peindre quand j'avais 10 ans, ce bac j'ai pris trois heures à le construire et trois heures à le peindre", raconte-t-il.

Embauché depuis sept mois par Emmaüs Solidarités, il vient de passer un entretien d'embauche pour un travail "normal" pour faire de la faïence et de la mosaïque dans un chantier d'insertion. Avec l'espoir d'un salaire de 1 400 euros qui lui permettra de payer un loyer et de ne plus vivre en centre d'hébergement.

Mais tous ceux passés par le dispositif ne connaissent pas la même réussite. En 2017, huit des quinze personnes sorties du dispositif au sein d'Emmaüs Solidarités ont été orientées vers un chantier d'insertion, trois ont abandonné et les autres ont déménagé ou ont eu des problèmes de santé.

Les personnes en grande précarité ne peuvent par ailleurs pas être orientées vers tous les types de postes. En 2012, le journal Macadam avait embauché des vendeurs de journaux grâce à "Premières heures". Mais ils n'arrivaient pas à atteindre l'objectif de vente de cinq journaux par heure, selon Philippe Muyard, trésorier de Macadam.

"Pour convaincre des personnes d'acheter un journal, on n'a que deux minutes, il faut sourire, avoir confiance en soi... Les gens dans la précarité sont physiquement faibles et peu sûrs d'eux", explique le responsable, lui aussi ancien SDF.

Financé par la Mairie de Paris à hauteur de 1,3 million d'euros par an, le dispositif a en tout cas séduit les acteurs de l'aide sociale et est désormais ouvert à 18 associations. Les espérances de la ville ont même été dépassées: elle s'était fixé un objectif de 300 bénéficiaires par an d'ici 2020 mais ce seuil a été atteint dès l'année dernière.

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