Aéroports de Paris : pourquoi l'Etat veut-il vendre au privé ?

Auteur(s)
DD.
Publié le 19 avril 2019 - 14:44
Image
Des voyageurs au terminal 2 de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le 7 août 2018
Crédits
© JOEL SAGET / AFP/Archives
L'Etat veut se séparer de l’aéroportuaire pour financer le high-tech.
© JOEL SAGET / AFP/Archives

Le gouvernement continue de balayer d'un revers de main les critiques sur le projet de privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) actuellement en examen devant le Conseil constitutionnel. L'exécutif compte toujours sur la vente de cet actif pour financer des projets de développement dans le domaine des nouvelles technologies.

Dans les couloirs du pouvoir législatif, c’est un élément du projet de la loi Pacte qui parvient à faire l’unanimité ou presque contre lui sur l’ensemble de l’échiquier politique: la privatisation des aéroports de Paris ADP continue de susciter l’opposition et un recours devant le Conseil constitutionnel est actuellement à l’étude.

Jeudi 18, le Premier ministre Edouard Philippe se trouvait à Orly pour inaugurer le nouveau bâtiment qui fusionne de fait les deux anciens terminaux de l’aérogare, rappelant la fermeté du gouvernement sur le projet. Il dénonçait notamment les "caricatures" dénigrant le projet, qu’elles viennent de la classe politique craignant pour la vente d’un actif d’Etat en lien avec la souveraineté nationale (un aéroport étant aussi une frontière), ou des salariés d’ADP qui craignent des suppressions d’emploi en lien avec la privatisation.

Le chef du gouvernement a encore rappelé que la privatisation n’avait aucun lien avec la frontière, sur laquelle il n’est pas question d’initier un quelconque changement, et la privatisations n’auraient pas les effets escomptés sur l’emploi puisque "ADP compte déjà 49% d'actionnaires privés et près de 75% de son activité relève du résultat commercial". Une volonté de déminer la situation qui ferait presque oublier les raisons pour lesquelles l’exécutif veut se séparer d’ADP.

Pour rappel, la volonté de privatiser les aéroports parisiens vient du désir du gouvernement de financer le développement de projets technologiques portés par l’Etat, comme l’intelligence artificielle, le véhicule autonome ou les nanotechnologies. Le but est de créer un fond de 10 milliards d’euros qui pourrait, via les intérêts générés, permettre de dégager les 250 millions d’euros nécessaires au soutien public souhaité par le gouvernement. "Ce qui est stratégique pour nous, c'est de financer les entreprises du XXIe siècle, l'intelligence artificielle, le stockage des données... pas celle du XXe siècle. Nous ne vendons pas les bijoux de famille, nous finançons les futurs joyaux de la couronne" expliquait ainsi le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. L’exécutif se félicite de pouvoir, grâce à la manœuvre, financer les projets de développement dans la tech sans avoir à recourir à l’argent du contribuable.

Lire aussi - Privatisation d'ADP: Philippe appelle à "éviter les caricatures"

L’argument est sans doute louable de la part d’un gouvernement qui souhaite baisser les impôts, et qui l’a encore "annoncé" lors de l’intervention d’Emmanuel Macron le lundi 15 qui n’a finalement jamais été diffusée à cause de l’incendie de Notre-Dame. Mais certains analystes économiques détracteurs du projet considèrent malgré tout que l’argument est faible. Si le développement de l’économie "de demain" soutenue par l’Etat coûte réellement 250 millions d’euros par an, l’enjeu ne justifie-t-il pas que le gouvernement accepte de régler la note, y compris via du déficit, pour dépenser une somme représentant… à peine 0,1% du budget public? Le modèle présenté en outre par le gouvernement doit respecter deux critères pour que tout s’articule pleinement: primo, que le fruit de la vente des parts de l’Etat dans ADP (estimé pour l’instant entre 8 et 10 milliards d’euros) soit bien le montant final récolté –aucune offre de vente n’a encore été annoncée à ce stade de la procédure– et secundo, que les 10 milliards mis dans le fond de financement rapporte bien 250 millions, soit qu’ils fournissent des intérêts à un taux de 2,5% en période de taux bas. Un modèle qui reste encore hypothétique alors que la privatisation d’ADP, elle, sera irréversible pour 70 ans, la durée prévue de la concession.

Voir aussi:

Privatisation d'ADP: "Une erreur stratégique majeure", selon Vallaud (PS)

Le Parlement valide définitivement loi Pacte et projet de privatisation d'ADP

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.