Arbitrage du Crédit Lyonnais : Bernard Tapie jugé au pénal

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 20 décembre 2017 - 18:22
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Bernard Tapie, le 15 novembre 2013 à Paris
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© BORIS HORVAT / AFP/Archives
Bernard Tapie a été renvoyé en correctionnelle pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics".
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Neuf ans après s'être vu accorder un peu plus de 400 millions d'euros, l'homme d'affaires Bernard Tapie a été renvoyé en correctionnelle pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics", dans l'affaire de l'arbitrage controversé qui devait solder son litige avec le Crédit lyonnais.

L'ancien patron de l'Olympique de Marseille, qui lutte contre un cancer de l'estomac, doit être jugé avec cinq autres protagonistes, dont l'actuel patron d'Orange et ex-directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, Stéphane Richard.

Comparaîtront également un avocat de M. Tapie, Me Maurice Lantourne, l'un des trois arbitres ayant rendu l'arbitrage contesté, Pierre Estoup, ainsi que les anciens dirigeants des entités chargées de gérer le passif du Crédit Lyonnais, le Consortium de réalisation (CDR) et l'Établissement public de financement et de restructuration, François Rocchi et Bernard Scemama.

Ces cinq co-prévenus ont été renvoyés pour "complicité de détournement de fonds publics" et pour "escroquerie", soit en tant qu'auteur, soit en tant que complice.

S'y ajoutent pour M. Estoup le chef de "faux", pour avoir signé une déclaration d'indépendance vis-à-vis des parties malgré des liens antérieurs avec M. Tapie, et pour M. Rocchi celui d'"usage abusif des pouvoirs sociaux par un dirigeant de société anonyme" pour avoir notamment agi "délibérément et de manière systématique et clandestine dans le sens des intérêts" de l'homme d'affaires, selon l'ordonnance des juges Serge Tournaire et Claire Thepaut, dont l'AFP a eu connaissance.

Dans ce document, daté du 18 décembre, les juges ont suivi les réquisitions prises par le parquet de Paris en mars, sans retenir cependant la circonstance aggravante de "bande organisée".

Il y est aussi reproché à Bernard Tapie d'avoir activé "de façon incessante ses soutiens politiques" afin de substituer un arbitrage à la procédure judiciaire alors en cours pour régler son litige, d'avoir obtenu grâce à Me Lantourne la désignation comme arbitre de Pierre Estoup "qu'il savait acquis à ses intérêts" ou encore d'avoir "activ(é) à nouveau ses soutiens pour obtenir le renoncement du CDR à former un recours contre la sentence".

Joint par l'AFP, Bernard Tapie n'a pas souhaité réagir. "Enfin nous y voilà ! A l'audience, on verra la vérité sur le fond - qui est le voleur, qui est le volé", a déclaré son avocat, Hervé Témime, qui dénonce une instruction "exclusivement à charge". "J'attends ce procès avec joie et gourmandise", a-t-il ajouté.

Ce renvoi est "un non-évènement dans le calendrier judiciaire", a commenté un porte-parole de Stéphane Richard, soulignant néanmoins que l'abandon des poursuites "en bande organisé" est "une étape très importante dans la démonstration de son innocence".

"Cette ordonnance correspond à la vision que le CDR a du dossier", s'est félicité Benoît Chabert, leur avocat.

La "négligence" de Lagarde

La perspective d'un procès au pénal s'était rapprochée fin octobre, lorsque les derniers recours déposés par M. Tapie avaient été rejetés par la justice, dans ce contentieux tentaculaire qui occupe les prétoires depuis plus de 20 ans.

En 2008, Bernard Tapie s'était vu octroyer environ 403 millions d'euros, dont 45 millions au titre du préjudice moral, grâce à cet arbitrage, une sentence privée utilisée pour régler son litige avec le Crédit lyonnais concernant la vente d'Adidas en 1994.

Celui-ci a été annulé au civil pour "fraude" et l'homme d'affaires condamné en mai à rembourser les sommes perçues.

Quelques semaines plus tard, la justice a approuvé son plan de sauvegarde, rendant les actifs des sociétés Groupe Bernard Tapie (GBT) et Financière Bernard Tapie (FIBT), inaccessibles aux créanciers. Le parquet a fait appel.

La décision du juge des saisies dans cette procédure est attendue prochainement.

Fin 2016, l'ancienne ministre de l'Economie au moment de l'arbitrage, Christine Lagarde avait été déclarée coupable de "négligence" mais dispensée de peine par la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger les ministres pour l'exercice de leurs fonctions.

Il était reproché à l'actuelle directrice générale du Fonds monétaire international de ne pas avoir formé de recours contre cet arbitrage défavorable à l'Etat.

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