Cahuzac qui n'a "plus grand chose à perdre" balance, Valls se dit "dégoûté"

Auteur(s)
RT avec AFP
Publié le 06 septembre 2016 - 15:10
Image
Jérôme Cahuzac.
Crédits
©Benoît Tessier/Reuters
Jérôme Cahuzac assure avoir voulu se débarrasser très vite de son compte caché en Suisse.
©Benoît Tessier/Reuters
Après avoir gardé le silence pendant des années, Jérôme Cahuzac, qui aujourd'hui n'a "plus rien à perdre", selon ses propres termes, a raconté au cours de son procès lundi, avoir ouvert un compte caché en Suisse pour financer les rocardiens dans les années 1990. Des révélations qui ont beaucoup choqué Manuel Valls. Le Premier ministre s'est dit, ce mardi, "triste" voire "dégoûté".

Après des années de silence, il a tout lâché. Jérôme Cahuzac, qui s'était tu pour ne pas "faire du mal" à ses camarades socialistes, a fini par parler au cours de ses six heures de procès lundi 5. "Je n'ai plus grand chose à perdre", a expliqué celui qui en quelques années à peine est passé de chirurgien à succès et ministre superstar à celui du paria. Ainsi, à la question du président"pourquoi ouvrez-vous le compte Péninque?", en référence à son premier compte caché en Suisse, Cahuzac répond, à la surprise générale: "ce compte, c'est du financement d'activités politiques pour un homme dont j'espérais qu'il aurait un destin politique national". En l'occurrence, Michel Rocard.

En 1991, Jérôme Cahuzac vient de quitter le cabinet du ministre de la Santé Claude Evin. Il débute ses activités de chirurgien esthétique et commence en parallèle à s'engager politiquement "auprès de l'équipe Rocard". A ce moment là, "Michel Rocard s'installe dans des bureaux vastes et bien équipés, rue de Varenne (dans le 7e arrondissement de Paris, après sa démission de Matignon, NDLR) À l'époque, la vie politique, ça coûte cher. Avant 1988, le financement occulte de la vie politique était également la règle. Puis, jusqu'en 1995, c'était un financement mixte: à la fois autorisé et illégal. Tous les partis politiques le faisaient (…) Les hommes politiques n'auraient pu faire de politique sans ça. Le financement illégal, c'était la règle", justifie l'ancien ministre du Budget, pour resituer le contexte. "La perspective de la campagne présidentielle de 1995 est dans toutes les têtes", de nombreuses personnes comptent sur Michel Rocard et "un certain nombre de laboratoires aident en versant des chèques au nom de l'association (politique de Michel Rocard, NDLR)", poursuit Cahuzac, assurant qu'au début tout cela se fait en parfaite légalité.

Mais, au printemps 1992, les choses se compliquent. "Des gens" lui demandent si "un effort supplémentaire peut être fait". "Je vais revoir ceux qui ont déjà accepté d'aider. Mais dans le cadre des lois existantes, c'est impossible de continuer", la loi imposant la transparence, explique l'accusé. "Certains ne veulent pas que ça se sache" tandis que d'autres ont déjà atteint le plafonnement de financement du parti, raconte-t-il. Avant de se lancer: "la seule façon d'aider ne peut être que de façon occulte et parallèle". Sous influence, l'ancien ministre décide donc d'ouvrir un compte à l'étranger. Pour ce faire, il se tourne vers l'un de ses amis avec qui il fait de la course à pied: Philippe Péninque. "J'ai confiance en lui et il sait faire. Il me parlait de ses affaires en Suisse. Je lui en dis le moins possible. Je n'ai pas donné la vraie raison (de l'ouverture du compte, NDLR) à Péninque".

Et tout cela, Rocard l'ignorait, martèle Cahuzac. "Je n'en parle jamais avec lui", assure-t-il, affirmant qu'une seule personne de son entourage-il refusera de la dénoncer- était au courant. "Une personne vivante est au courant, c'est pour ça que je ne dirai rien". Mais Michel Rocard ne se présentera jamais à la présidentielle. Les défaites successives aux législatives de 1993 et aux européennes de 1994 signent "la fin de la rocardie". Dépité, l'ex-ministre aurait alors demandé à ceux qui oeuvraient avec lui de se débarrasser de cet encombrant compte suisse. "Je veux savoir concrètement que faire de ces avoirs. Je demande: +Qu'est-ce que j'en fais+?" , explique-t-il, jurant avoir reçu toujours la même réponse. "Tu ne bouges pas, on te dira". Sauf qu':"on ne m'a jamais rien dit".

Sans surprise, ces révélations ont fait l'effet d'une bombe dans le monde politique. A tel point que Manuel Valls s'est dit ce mardi 6 sur RTL, "triste" voire "dégoûté" par le récit de l'ancien ministre. Récit auquel il ne croit pas une seule seconde. "Je ne le conçois pas un seul instant", a affirmé le Premier ministre, reprochant à Cahuzac d'impliquer un mort dans ses explications."Je sais quelle était l'éthique de Michel Rocard et de son entourage", a-t-il assuré, accusant le chirurgien de vouloir "semer le doute".  

 

À LIRE AUSSI

Image
Jérôme Cahuzac caméras procès 8.02.2016
Procès Cahuzac, affaire Bygmalion : autant d'affaires qui vont plomber la campagne
Entre le procès Cahuzac et le possible renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy dans le dossier Bygmalion, le climat de la campagne présidentielle s'annonce "déjà ...
06 septembre 2016 - 11:14
Politique
Image
Jérôme Cahuzac.
Cahuzac : un compte en Suisse pour financer les rocardiens, admet-il à la barre
Au premier jour de son procès pour fraude fiscal, Jérôme Cahuzac a déclaré que son premier compte ouvert en Suisse, en 1992, avait pour but de fiancer une éventuelle c...
05 septembre 2016 - 20:05
Politique
Image
Jérôme Cahuzac caméras procès 8.02.2016
Jérôme Cahuzac : de ministre superstar à paria
Autrefois ministre charismatique et populaire, Jérôme Cahuzac, jugé à partir de ce lundi pour fraude fiscale, est aujourd'hui "brisé", selon ses proches. Mais qui est ...
05 septembre 2016 - 12:41
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.