Cataclysme pour La France insoumise, loin derrière EELV et à touche-touche avec le PS

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Par Baptiste BECQUART - Paris (AFP)
Publié le 26 mai 2019 - 22:35
Mis à jour le 27 mai 2019 - 00:32
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Manon Aubry, le 26 mai 2019
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© Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP
Manon Aubry, le 26 mai 2019
© Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Catastrophe pour La France insoumise: la liste emmenée par Manon Aubry, estimée entre 6,1% et 6,6%, est reléguée très loin derrière les Verts d'EELV, avec qui elle était au coude-à-coude dans les sondages, un résultat qui pourrait plonger le mouvement de Jean-Luc Mélenchon dans une profonde crise.

A 20H00, dans le bar Le Belushi's près de la gare du Nord, où LFI a organisé sa soirée électorale, le silence a résonné longuement, seulement coupé par des jurons étouffés... L'endroit était, il faut le dire, quasi désert, en dehors des journalistes, parmi lesquels certains ont vite décampé pour se diriger vers le QG en fête, celui d'EELV.

Les sondages avaient, depuis plusieurs mois, prévu la dégringolade de LFI par rapport aux 19,58% réalisés par M. Mélenchon en 2017. Cette semaine, l'un d'eux en pointait le facteur-clé: seuls 18% des électeurs du chef de file prévoyaient de voter à nouveau pour LFI, tandis que 57% d'entre eux s'abstenaient.

Mais les Insoumis se voyaient tout de même au-dessus d'EELV, eux qui avaient fixé leur objectif autour des 11,3% des législatives de 2017. Manon Aubry avait même affiché la volonté, la semaine dernière, de dépasser Les Républicains.

Las, LFI n'est même pas la première force de gauche, dépassée par la liste EELV menée par Yannick Jadot, qui a été portée par une dynamique des derniers jours typique des campagnes européennes. La formation de Jean-Luc Mélenchon en est réduite au voisinage avec le PS, le parti qu'il a quitté en 2008. Un résultat qui place LFI en position de faiblesse dans la recomposition à suivre de la gauche.

D'autant que les troupes de M. Mélenchon auront aggravé leurs relations avec les autres partis. Les diatribes au sommet mais aussi sur les réseaux sociaux ont souvent fusé avec EELV, Générations de Benoît Hamon, et même leurs anciens alliés du PCF. La "fédération populaire" proposée par Jean-Luc Mélenchon - sous la bannière d'une France insoumise qui aurait été en tête - paraît loin...

- Campagne en berne -

Les quelques cadres présents, comme Younous Omarjee, réélu, s'attachaient cependant à relativiser l'importance des élections européennes pour les rapports de force nationaux. Ils ont aussi rappelé que LFI a gagné de trois à quatre eurodéputés par rapport au scrutin de 2014.

Mais Jean-Luc Mélenchon, la mine grave, a semblé décrire la situation de son mouvement autant que celle de la France: "La pente engagée est mauvaise, il est possible de l'inverser, mais cela est impossible si chacun en conscience ne prend pas ses responsabilités, c'est l'heure des combats et des caractères", pour "libérer notre pays de la pesanteur économique, anti-écologique, et des ombres que projette sur son destin l'extrême droite".

Manon Aubry a regretté des "résultats décevants" au regard des "efforts déployés" dans la campagne. Les Insoumis n'avaient pas ménagé leur peine. Après la désignation de Mme Aubry en tête de liste dès décembre, ils ont labouré le terrain lors de centaines de petites réunions publiques, et aucune autre liste n'a organisé autant de meetings communs - faisant souvent le plein - entre la tête de liste et le chef de file.

L'échec de ces élections européennes est donc tout autant imputable à Jean-Luc Mélenchon, qui a enchaîné les meetings depuis mars, qu'à Manon Aubry, ancienne porte-parole de l'ONG Oxfam, qui a dû apprendre la politique à marche forcée.

Les Insoumis ont aussi souhaité renouer avec la créativité de leur campagne présidentielle: ateliers participatifs de directives européennes, commission d'enquête fictive sur le groupe McDonald's, camions avec hologrammes des candidats sillonnant les petites villes...

Mais ces méthodes confinant au marketing politique ont trouvé leurs limites et la mayonnaise n'a jamais pris. L'annulation pour raisons météorologiques de deux meetings en plein air, à Marseille et place Stalingrad à Paris, auront achevé de donner l'impression d'une campagne en berne.

Cette défaite majuscule ne manquera pas de poser la question du rôle joué, dans la désaffection des électeurs, par la colère de Jean-Luc Mélenchon face aux perquisitions du siège de LFI en octobre, et par le slogan de "référendum anti-Macron" adopté à l'été 2018, qui n'a pas fonctionné. Enfin, le résultat remuera immanquablement le couteau dans les multiples plaies internes de ce jeune mouvement.

Depuis l'été dernier, les départs se sont succédé: des candidats ont dénoncé les travers d'une organisation "gazeuse" où un petit clan autour de Jean-Luc Mélenchon profite de l'absence de structures de décision collectives pour régner sans partage.

Déjà début décembre lors de la désignation de Manon Aubry, un militant insoumis confiait à l'AFP: "Des choix qui nous ont parfois irrités au départ, nous les militants, se sont révélés bons. J'accepte d'être éduqué politiquement", tant qu'il y a "une dynamique". La dynamique n'existe plus.

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