Déchéance de nationalité : le Sénat refuse le consensus, au grand dam de Valls

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 16 mars 2016 - 18:55
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Manuel Valls a ironisé sur des sénateurs de droite devenus "les porte-parole" du président Hollande.
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Le Sénat a refusé de suivre l'Assemblée sur la déchéance de nationalité, proposant que cette dernière ne puisse concerner qu'une personne "disposant d'une autre nationalité que la nationalité française". "L'amendement adopté (...) prend le contre-pied du consensus", a réagi Manuel Valls.

Manuel Valls et la majorité de droite du Sénat se sont opposés d'emblée ce mercredi 16 mars sur la question de la déchéance de la nationalité pour terrorisme, en entamant l'examen de la révision constitutionnelle voulue par François Hollande après les attentats de novembre, et cette opposition pourrait entraîner l'échec de la réforme. "A l’Assemblée nationale, nous avons cherché et construit un accord. Au Sénat, vous ne l’avez pas cherché. Avec personne", a accusé le Premier ministre. "Et je m’en étonne. Vous refusez, à ce stade bien sûr, le principe d’un accord avec l’Assemblée nationale. Et vous le savez parfaitement, (...) votre proposition ne sera jamais adoptée par une majorité de députés", a-t-il ajouté.

Les députés avaient choisi le 10 février d'ouvrir la déchéance à tous les Français coupables de terrorisme pour ne pas créer de discrimination, même si, de facto, seuls les binationaux pourraient être concernés. Mais la commission des Lois du Sénat propose que la déchéance ne puisse concerner qu'une personne "disposant d'une autre nationalité que la nationalité française", inscrivant ainsi noir sur blanc l'interdiction de créer des apatrides. Or, les deux Assemblées doivent adopter un texte conforme pour aller au Congrès et entériner la révision.

"Je serai très direct: l’amendement adopté par votre Commission des Lois prend le contre-pied du consensus", a lancé M. Valls. "Nous n'avons pas de leçon à recevoir en ce qui concerne l'unité de la représentation nationale pour la lutte contre le terrorisme", lui a répondu le président de la commission des lois Philippe Bas (Les Républicains, LR). "Le 23 décembre, c'est un texte qui reflétait fidèlement les intentions du président de la République qui a été adopté par le conseil des ministres avant de partir à l'Assemblée nationale", a-t-il ajouté. "L'Assemblée n'a pas souhaité suivre la proposition du président de la République et c'est son droit", a-t-il poursuivi, estimant que la formule sénatoriale sur la déchéance est "plus proche du pacte du 16 novembre (lors du Congrès à Versailles) et des propositions du président de la République que celles de l'Assemblée nationale". Pour M. Valls, qui a ironisé sur ces sénateurs de droite devenus "les porte-parole" du président Hollande, il s'agit d'une "posture".

Didier Guillaume, le patron des sénateurs PS, avait estimé plus tôt qu'une réforme de la Constitution sans la déchéance de nationalité n'aurait "aucun sens": "soit il y a une réforme constitutionnelle avec un texte sur l'article 2 de déchéance qui fait consensus, soit non". "La question que je me pose, c'est: est-ce que la majorité de droite sénatoriale veut faire capoter la révision constitutionnelle? Ou alors, dans les débats d'aujourd'hui et de demain, fera-t-elle des avancées pour se rapprocher du texte de l'Assemblée nationale, comme le demandent d'ailleurs Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi?", a poursuivi le sénateur de la Drôme, qui doute de la possibilité de réunir le Congrès.

Didier Guillaume avait déjà estimé qu'il fallait se limiter à "une navette maximum" Assemblée-Sénat sur le texte, car "ça ne peut pas durer encore six mois". De son côté, Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, a fustigé le jeu "pas responsable" des sénateurs LR, auxquels il a reproché de privilégier "les primaires" à "la révision constitutionnelle". A propos de l'article 1er du projet de révision constitutionnelle, qui vise à inscrire le régime de l'état d'urgence dans la Loi fondamentale, la commission sénatoriale a notamment précisé que les mesures sous état d'urgence devaient être "strictement adaptées, nécessaires et proportionnées", a rappelé la compétence de l’autorité judiciaire et a réduit de quatre à trois mois le délai maximal de prorogation de l'état d'urgence par le législateur.

"Nous examinerons avec le Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas tous ces amendements avec un esprit constructif, dès lors qu’ils seront conformes aux principes qui ont guidé notre travail sur cette révision constitutionnelle", a assuré M. Valls. L'examen du texte doit se poursuivre jeudi 17 et fera l'objet d'un vote solennel mardi 22.

 

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