Dette : une maladie française

Auteur(s)
C. O.
Publié le 27 octobre 2014 - 16:16
Mis à jour le 05 novembre 2014 - 17:10
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Des pièces et des billets en euro.
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©Durand Florence/Sipa
Selon l'INSEE, la dette publique de la France s'élevait à 2.024 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre 2014.
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Depuis 1974, la France n'a jamais présenté un budget en équilibre. Résultat 40 ans plus tard: une montagne de 2.000 milliards d'euros de dette. Etranglée, Paris supplie l'Europe de lui accorder un nouveau sursis –un de plus.

La France croule sous une montagne de dettes. Celles-ci ont franchi le cap des 2.000 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre 2014, selon l'INSEE, soit un taux d'endettement équivalent à 95,1% du PIB français. C'est dans ce contexte que le gouvernement avait présenté début octobre son projet de loi de Finances pour 2015 qui table sur un déficit de 4,3% du PIB l'an prochain.

La France, qui avait promis, juré, à ses partenaires européens de revenir sous la barre des 3% en 2015 demande un nouveau sursis de deux ans, après en avoir déjà réclamé –et obtenu– en 2007 et 2013. Une demande qui agace certains partenaires européens de la France, habituée des belles promesses... jamais tenues.

Il faut remonter à 1974 pour retrouver un budget français bénéficiaire. Valéry Giscard d'Estaing est alors président, Raymond Barre ministre des Finances, et la dette tourne autour de 20% du PIB soit moins de 100 milliards d'euros. Mais déjà se profile, avec le premier choc pétrolier, la fin des "30 Glorieuses" et le début des ennuis.

Avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, la retraite à 60 ans et les coûteuses nationalisations, les déficits commencent à s'accumuler. Mais la dette va réellement bondir entre 1991 et 1998: elle passe de 36% à 60% du PIB en seulement sept ans. 

Pourtant, les privatisations menées par Edouard Balladur puis Lionel Jospin permettent à l'Etat de récupérer à l'époque près de 80 milliards d'euros. Seulement voilà: seuls une dizaine de milliards seront effectivement consacrés au remboursement de la dette. L'Etat, plus cigale que fourmi, dépense le reste. La dette n'est alors pas un sujet.

Elle l'est si peu que la France va s'offrir en 1999 une polémique qui apparaît aujourd'hui surréaliste. Le 14 juillet, Jacques Chirac s'en prend à son Premier ministre de cohabitation Lionel Jospin en l'accusant de dissimuler aux Français l'argent que l'Etat a encaissé grâce à une croissance plus élevée que prévu. C'est "la cagnotte fiscale", qui atteint la bagatelle de 15 milliards d'euros.

Raffarin et les "équations comptables"

"Il faut rendre aux Français une part de ce qu'on leur a pris", tonne Jacques Chirac. Le chef de l'Etat, qui vise sa réélection en 2002, espère ainsi mettre Lionel Jospin en difficulté. Et ça marche. Droite et gauche se lancent dans un concours sur la meilleure façon de dépenser cette manne... Pas un centime n'ira à la réduction des déficits.

Si la France parvient à contenir sa dette en dessous de la barre des 60% du PIB pour se conformer aux critères de Maastricht et se qualifier pour l'euro dans les années 2000, les mauvaises habitudes vont vite reprendre le dessus. Dès 2003, Paris abandonne la discipline à laquelle elle s'était engagée dans le cadre du pacte de stabilité européen. 

La France vient de franchir le cap des 1.000 milliards d'euros de dette et Bruxelles s'inquiète. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin répond par un coup de menton: "mon premier devoir, c'est l'emploi. Pas d'aller rendre des équations comptables et de faire des problèmes mathématiques pour que tel ou tel bureau soit satisfait". 

Paris s'asseoit sur les critères de Maastricht, avec la bénédiction de Berlin qui choisit aussi de laisser filer ses déficits pour relancer une croissance en panne. Mais quand l'Allemagne s'efforcera ensuite de revenir dans les clous le plus rapidement possible, la France, elle, n'en fera rien. Résultat: la spirale s'accélère. Sa dette va doubler en un peu plus de dix ans.

Une promesse qui tiendra trois mois 

En 2007, la dette devient pour la première fois un sujet politique en France. Lors de la campagne présidentielle, le centriste François Bayrou est le premier candidat à tirer la sonnette d'alarme

En avril 2007, lors d'une réunion à Berlin, la France promet, main sur le cœur, à ses partenaires européens de profiter de l'embellie économique pour ramener ses comptes à l'équilibre d'ici 2010 et réduire son endettement. La promesse tiendra trois mois, le temps d'élire un nouveau président. 

Dès juillet, Nicolas Sarkozy se précipite à Bruxelles pour réclamer un sursis de deux ans. Il s'agit alors de financer les importantes réductions d'impôts prévues par la loi Tepa, un "choc fiscal" qui doit relancer l'économie, plaide-t-il. 

C'était compter sans la crise de 2008, qui va mettre dans le rouge les comptes de tous les pays européens. Le déficit français bondit à 7,5% en 2009, la dette explose à près de 80% et la France... réclame de nouveaux sursis. 

Faute de croissance pour faire rentrer des recettes fiscales dans les caisses, la progression de l'endettement est devenue incontrôlable. La France doit à ses créanciers 1.500 milliards d'euros en 2010, 1.800 en 2012. En 2014, elle entre donc dans le club très fermé des pays affichant une dette supérieure à 2.000 milliards, avec l'Italie et... l'Allemagne. Mais celle-ci, contrairement à Paris, est parvenue à stabiliser le montant de son endettement qui ne représente "que" 77% de sa richesse nationale.

Aujourd'hui, la France s'achemine doucement vers un endettement équivalent à 100% de son PIB. Elle n'est pas en faillite pour autant. Au contraire: signe de la confiance des investisseurs, elle emprunte sur les marchés à des taux très bas. Mais la confiance est une chose fragile. Qu'elle se brise, et la situation deviendra vite ingérable.

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