Discours de Macron : Un défi de taille dans le piège des annonces.

Auteur(s)
Xavier Azalbert - Directeur de la Publication
Publié le 13 avril 2020 - 18:48
Mis à jour le 16 avril 2020 - 10:58
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Discours de Macron : Un défi de taille dans le piège des annonces.
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Theodor Moise de Pixabay
Un défi de taille : ne laisser tomber aucune balle.
Theodor Moise de Pixabay

ANALYSE : En ce lundi de Pâques, suite au baromètre Ifop, la confiance entre les français et le gouvernement n’est plus au beau fixe avec un avis de tempête. 80% des français estiment que la crise n’est pas bien gérée, que des choses leur sont cachées. Emmanuel Macron n’aura pas la tâche facile ce soir lors de son discours.

Un long weekend pour préparer cette allocution essentielle où le confinement sera sans nul doute reconduit. La préparation d’un discours demande d’éviter certains écueils essentiels tels que ceux présentés par Noam Chomsky, dans beaucoup de ses recherches et publications. 

« Un autre aspect familier de la subordination à l’orthodoxie dominante est l’appropriation occasionnelle de la diabolisation orthodoxe des ennemis officiels ».

« Prenez l’invasion américano-britannique de l’Irak, un cas classique d’agression sans prétexte crédible, le « crime international suprême » défini dans le jugement de Nuremberg ».

Chomsky a été professeur au Massachussetts Institute of Technology de 1995 à 2017 et fondé la linguistique générative. Son travail est résumé, sans que ces mots ne lui soient directement attribuables, en « Dix Stratégies de Manipulation ».

Le défi du Président est de taille et il doit éviter de tomber dans les pièges suivants :

La stratégie de distraction : Le président doit être factuel et concret. Il doit à tout prix éviter cet écueil qui consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants. Dans le cas présent, les risques sanitaires oui, mais quid de l’économie, des inégalités croissantes, des sources de financement moyen terme, des sacrifices que les français vont devoir faire.

Créer des problèmes pour apporter des solutions : Le risque sanitaire existe, mais pourquoi est-il plus important que la grippe de 2018. Le risque à éviter est la sensation que l’on a d’abord créé un problème pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. En conséquence, il ne faut pas laisser se développer la peur autour du Covid 19, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Les conséquences de la crise économique, sans pareil due à Covid 19, permettraient de faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux par exemple.

La stratégie de la dégradation : L’exemple du confinement que nous vivons avec une période initiale de 15 jours, reconduit sans que l’on ne sache vraiment jusqu’à quand. Cela permet de faire bouger les lignes de l’euro groupe pour le financement de la crise. Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé » car si elle était appliquée d’un seul coup cela pourrait provoquer une révolution. Le confinement, une mesure considérée moyenâgeuse par certains médecins, masque surtout le manque d’anticipation des gouvernements au détriment de la loi purement comptable. L’absence du stock de masque est un autre exemple.

La stratégie du différé : Faire accepter une décision impopulaire en la présentant comme « douloureuse mais nécessaire » en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Le confinement est nécessaire pour réduire la propagation du virus et assister à baisser la courbe des cas positifs et des admissions dans les hôpitaux. Cela a laissé le temps pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu. (Un des messages du premier discours était entre-autres d’utiliser ce temps pour réfléchir)

S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge : « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans » extrait de "Armes silencieuses pour guerres tranquilles".  La discipline des français au début du confinement n’était pas à la hauteur des attentes du président, pourrait-on trouver la cause dans le langage utilisé ? « Nous sommes en guerre répété à six reprises dans le message du président ». Une guerre tranquille alors avec des armes silencieuses.

Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise : Faire en sorte que le public soit dans l’incapacité de mettre les chiffres liés à la crise actuelle en perspective. Les chiffres de la pandémie sont sérieux mais toujours inférieurs à ceux de 2018 qui n’a pas eu de confinement ou d’autres crises sanitaires oubliées. Ne pas parler des conséquences économiques de manière parallèle avec la crise sanitaire, laisser faire l’effet d’aubaine. Le revirement sur la doctrine des masques. Au même titre que le revirement sur la doctrine gouvernementale à l’égard du port du masque. Port du masque et d’autres équipements de protection qui sont obligatoires dans bien des métiers réglementés.

Rendre les français coupables devant la propagation du virus : En confinant les français plutôt que de les éduquer de manière constante aux gestes barrières 37 millions de français sont assignés à résidence. Le risque n’a pas été réduit pour autant car les populations sensibles ne sont pas isolées. En outre séparant les français en deux camps (première nécessité au front, les autres confinés) cela créé automatiquement deux classes de citoyens. Au lieu de se révolter contre la décroissance économique, l’individu s’auto-dévalue et se met en attente, devenant spectateur de la crise. Ceci engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution !

Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

Les progrès fulgurants de la science, des médias, des études ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Ces derniers croient (surement à raison) qu’ils connaissent mieux les individus qu’eux ne se connaissent eux-mêmes.  « Français, je vous ai écoutés, je vous ai entendus, avec les experts nous définissons ce qui est bon pour vous » Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

Verdict ce lundi 13 avril 2020 à partir de 20h02

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