Discours d'Edouard Philippe : flatter la droite (dure), calmer la gauche (molle)
Pour sa deuxième déclaration de politique générale, Edouard Philippe a détaillé ce mercredi "l'acte II du quinquennat". Au menu pour flatter la droite, les deux totems que sont l'immigration et la sécurité. Pour la gauche, ce fut écologie, PMA et justice sociale.
Edouard Philippe a déroulé la partition macronienne pour son discours de politique générale adressé aux députés ce mercredi 12. Un coup à gauche, sur la PMA, l'écologie et la justice sociale, un coup à droite, sur la sécurité et l'immigration: le Premier ministre a fait du "en même temps" censé rassurer les électeurs de droite et de gauche.
L'exemple de la réforme des retraites est révélateur. Sur un sujet où s'écharpent traditionnellement les partis de l'arc républicain, portant chacun une vision tranchée, Edouard Philippe a voulu contenter les uns et les autres. Il a ainsi promis que l'âge légal ne bougera pas (pour la gauche), tout en annonçant un "âge d'équilibre" pour toucher une pension à taux plein et des "incitations à travailler plus longtemps" (pour la droite). Echec de l'opération: le Premier ministre s'est attiré les foudres, bruyantes, des députés de la gauche…
Auparavant, le chef du gouvernement avait développé sa vision et fait des annonces sur la petite enfance (école obligatoire dès 3 ans, 30.000 places en crèche supplémentaires) ou encore l'écologie (suppression des produits plastiques jetables).
Crise des Gilets jaunes oblige, la justice sociale a aussi occupé le devant de la scène avec la confirmation de la suppression progressive de la taxe d'habitation pour les 20% de foyers les plus aisés qui y sont toujours soumis d'ici 2023. Mais surtout aussi une baisse de l'impôt sur le revenu "massive, claire et nette" se traduisant par une réduction des taux appliqués aux premières tranches pour une économie oscillant entre 180 euros et 350 euros pour au moins 12 millions de foyers.
Mais c'est surtout avec la procréation médicalement assistée (PMA) que l'exécutif a voulu donner des gages à gauche. Un texte dont il a promis l'examen dès septembre permettra ainsi son ouverture à toutes les femmes. Le Premier ministre a été très applaudi par les députés de la majorité pour cette annonce, de nombreux députés se levant même pour l'ovationner. Des parlementaires qui grinçaient pourtant des dents encore quelques instants auparavant.
Edouard Philippe a ainsi crispé une partie de l'assistance en tenant un discours très ferme sur la sécurité et l'immigration. "J’ai demandé à Castaner un plan pour lutter contre la violence gratuite: plus de coup de couteau pour un mauvais regard", a-t-il notamment déclaré. Mais c'est surtout sa vision de l'immigration qui a été fraichement accueillie.
Alors que la loi Collomb sur le droit d'asile et l'immigration avait déjà suscité des critiques au sein même de la majorité, le Premier ministre a décidé d'enfoncer le clou. "Le droit d'asile est un trésor. Nous y consacrerons des moyens en forte hausse pour offrir aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil dignes" a-t-il commencé par expliquer. Avant d'asséner: "nous devons lutter contre les abus". Flottement dans les rangs de l'opposition.
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L'exécutif a donc choisi de porter ce débat explosif devant le Parlement en annonçant un débat annuel sur la politique migratoire de la France, première étape en septembre prochain afin d'aborder des questions liées aux "fondements de notre souveraineté et de nos principes". Le mot "quota" n'a pas été prononcé mais tout le monde l'a entendu. Une idée qui avait été portée par tous les candidats de la droite en 2017, mais pas par le candidat Macron.
Le Premier ministre a également annoncé "une refonte de l'espace Schengen" dont on envisage mal les contours compte tenu que cette question ne peut être débattue qu'avec les 28. Une annonce qui chercherait donc à soigner la droite du boxeur du Havre? Çela y ressemble.
Un discours d'Edouard Philippe "et de droite, et de gauche", donc qui n'est pas sans rappeler ceux de la campagne présidentielle ou du début du quinquennat. Mais pour une politique menée depuis qui est clairement identifiée par les Français comme surtout de droite (républicaine). Avec ce discours, le Premier ministre et le président font un pari: convaincre à nouveau les déçus du macronisme, qui étaient tentés par le départ, ou avaient tout bonnement quitté le navire. Au risque de les décevoir une nouvelle, et dernière, fois?
Voir:
Philippe place "l'acte II du quinquennat" sous le signe de l'"urgence"
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