Discours du président Macron, du mieux mais encore de très nombreuses interrogations

Auteur(s)
France-Soir
Publié le 15 avril 2020 - 21:20
Mis à jour le 16 avril 2020 - 12:12
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Emmanuel Macron en direct de l'Elysée le 12 mars 2020
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Discours du président Macron, du mieux mais encore de très nombreuses interrogations
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POINT DE VU : Notre président s’est exprimé pour la troisième fois depuis le début de la crise. Son discours de lundi soir était très attendu, les millions de français qui souffrent de ce confinement avaient besoin de réponses claires. Les ont-ils eues ? Ce n’est pas évident. Le Président a fixé des objectifs mais n’a pas précisé comment les atteindre. Le pouvait-il ?

Une forme plus lucide, plus « humble » , moins martial que lors de sa dernière allocution (La France n'était « pas assez préparée », « Sachons nous réinventer, moi le premier » ...).

Sur le fond, nous retiendrons les points suivants :

  • Le confinement est prolongé jusqu'au 11 mai, sI les conditions sont réunies. Il s’agit donc d’un objectif pas d’une certitude. Il sera sans doute nécessaire de le rappeler régulièrement afin d’inciter les français à respecter les mesures de confinement nécessaires.
  • Il sera progressif et sélectif selon des critères à définir  d’âge ? de vulnérabilité ? sectoriels ? géographiques ? Les personnes les plus vulnérables, les plus âgées ou en situation de handicap, devront sans doute rester confinées plus longtemps. La notion de vulnérabilité en elle-même est délicate à définir et devra être clarifiée. 
  • Les frontières au sein de l’Europe seront réouvertes mais les autres restent fermées. Cela ne pourra fonctionner qu’à condition toutefois d’un accord réciproque avec les pays européens, ce qui reste encore à démontrer. C’est néanmoins une bonne chose car cela pourrait contribuer à rendre plus concrète la notion d’Europe.
  • Pas d'interdictions supplémentaires sur le confinement. Le président semble vouloir faire confiance au civisme des français et ne pas nous prendre pour des enfants.
  • Le plan pour « l’après » sera présenté d'ici 15 jours. Outre une date de déconfinement, c’était évidemment l’attente principale, sans doute certains ont -ils été déçus. Il lui était difficile d’être plus précis à ce stade. L’équation est compliquée et surtout dépend de l’évolution de la situation que nul ne peut prédire.
  • Les bars, restaurants, cinémas, musées etc. restent fermés. Les festivals sont annulés jusqu’au 15 juillet. Cette mesure saine plombe néanmoins sérieusement l’économie de ces secteurs.

En conséquence, le président promet des mesures spéciales sur les secteurs les plus durement touchés et confirme dans la même veine, les mesures de chômage partiel qui seront « prolongées et renforcées », avec le soutien des banques et des assurances sur lequel il promet d’être vigilant. La liste des secteurs « durement touchés » risque d’être longue.

Cependant la question essentielle, « combien ça va coûter et comme allons-nous financer le tout » n’a pas été abordée. Ce sera l’objet d’un « après » de toute évidence. Il est d’ores et déjà intéressant de voir le tollé qu’a suscité la suggestion de Geoffroy Roux de Bézieux de toucher aux sacro-saints jours de RTT ou de congés payés pour créer plus de richesses et ainsi rembourser une partie de la dette créée. Les syndicats (la CFDT pourtant un des plus progressistes en tête), et l’opposition, de gauche comme de droite, se sont insurgés. Retour du clientélisme électoralisme et de vieilles rengaines passées d’âge ? Certains attendent trop voire tout de l’Etat, prêts à le fustiger au moindre manquement, incapables de réaliser la chance que nous avons en France d’avoir le matelas social que nous avons -il suffit pourtant de regarder ce qui se passe aux USA. Il sera pourtant nécessaire d’engager de façon sereine, les discussions sur les efforts indispensables qui devront être faits de part et d’autre, entreprises comme salariés.

Le Président a aussi pris conscience des difficultés qu’entraîne le confinement pour les plus précaires et annonce des aides pour les familles et les étudiants les plus démunis mais est resté imprécis sur leur fonctionnement et attribution.

Il a annoncé une reprise progressive des cours pour les élèves, à compter du 11 mai sauf pour l’enseignement supérieur, pour lequel rendez-vous est donné en septembre . Quels élèves ? Quelles régions ? Quelles classes ? C’est totalement flou mais la raison a été donnée et elle est juste, lutter contre le creusement des inégalités. Un fléau terrible dont les conséquences sont invisibles car long-termistes. C’est un vrai choix politique, risqué, mais nécessaire. D’aucuns vont critiquer en disant que cela va contribuer à la propagation du virus, d’autres s’interrogent sur la logique de l’ensemble, interdire les regroupements culturels mais autoriser ceux de centaines d’enfants ou adolescents dans les cours d’écoles. Ces interrogations sont légitimes. Organiser un retour progressif des scolarités à la normale, c’est aussi permettre à l’économie de redémarrer doucement. Cela aussi est sain. Oui, la décision est risquée, toutes les précautions doivent être prises, mais c’est indispensable pour protéger la cohésion nationale. Ne pas le faire serait d’un cynisme sans borne vis-à-vis des populations les plus défavorisées.

Des tests systématiques seront disponibles en cas de symptômes après le 11 mai ? Pourquoi pas pour tous ? Tout simplement parce qu’il n’y en a pas assez ! Il aurait pu sur ce point être plus explicite quitte à jouer la transparence.

Des « masques pour tous », idem, seront aussi disponibles à partir du 11 mai, y compris je l’espère en tous cas, à l’école, ce qui contribuerait à réduire le risque de contagion (voir supra).

Concernant les traitements, le « aucune piste ne sera négligée », devrait mettre un terme à la polémique concernant la chloroquine et les travaux du Dr Raoult. Ces derniers seront pris en compte.

Le débat au Parlement sur le « tracking » est une réponse là encore, au débat en cours dans l’opinion sur le sujet.

Il appelle enfin de ses vœux au soutien de l’Afrique qu’il voit comme une véritable bombe à retardement. Je le rejoins pleinement sur de point. Sur le comment, il n’a donné aucune indication. Il est vrai que cela ne dépend pas de la France seule mais correspond à une décision internationale, tout comme la suppression de la dette des pays pauvres, qu’il a mentionnée. L’Union européenne devrait garantir plus de 15 Milliards d’euros pour aider les pays les plus vulnérables en Afrique et dans le reste du monde à lutter contre la pandémie. C’est un début. Ce dernier point pose la question plus vaste, de la solidarité internationale. Pas gagnée pour l’instant !

Cette crise est pourtant l’occasion de se poser les bonnes questions sur le monde que nous voulons reconstruire, sur nos alliés, sur l’Europe, l’occasion unique de la refonder pour en faire quelque chose qui marche. Les stratégies de sortie du confinement – même si l’exécutif européen n’a aucun pouvoir de décision en matière de santé publique - et celle du rebond économique méritent d’être coordonnées au niveau européen entre les Etats membres. L’Europe a montré ses fragilités.

Œuvrer ensemble pour enrayer la pandémie et travailler sur un plan de relance commun, seraient montrer ses forces. A défaut, la frilosité et le repli sur soi retarderont la reprise et feront le lit des pires populismes.

 

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