Emmanuel Macron et les gilets jaunes : drôle de rencontre aux Tuileries

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FranceSoir
Publié le 16 juillet 2020 - 22:00
Mis à jour le 17 juillet 2020 - 13:18
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Emmanuel Macron après le défilé du 14 juillet 2020
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© Ludovic Marin / POOL/AFP
Emmanuel Macron mardi lors de la cérémonie officielle du 14 juillet
© Ludovic Marin / POOL/AFP
La rencontre puis la conversation entre Emmanuel Macron et quelques gilets jaunes mardi soir dans le Jardin des Tuileries posent questions. A minima sur la sécurité du président de la République. 
 
Le déroulement des événements de la journée du 14 juillet peut en effet laisser perplexe, au-delà du buzz médiatique généré par le film en « live » de Richard, un gilet jaune de l’Aisne venu manifester à Paris avec trois amis, et sans leurs gilets. Dans la capitale, beaucoup délaissent effectivement le chasuble fluo, qui leur garantit contrôles et interdictions.
 
Les craintes d’un préfet
 
Pour preuve, l’arrêté signé par le préfet de police de Paris le 10 juillet, quatre jours avant les faits. Il stipule que « les cortèges, défilés et rassemblements déclarés, annoncés ou projetés de personnes se revendiquant des « gilets jaunes » sont interdits les lundi 13 et mardi 14 juillet 2020, avenue des Champs-Elysées, dans sa partie comprise entre la place Charles-de-Gaulle incluse et le rond-point des Champs-Élysées Marcel-Dassault (…), ainsi que dans un périmètre comprenant la présidence de la République et le ministère de l'Intérieur ». 
 
Notons que le périmètre concerné inclut la place de la Concorde, limitrophe du Jardin des Tuileries, tout comme les Jardins des Champs-Elysées. 
 
Notons également qu’il concerne exclusivement les gilets jaunes alors que différentes organisations syndicales ont appelé à manifester ce jour-là en soutien aux soignants. 
Le préfet Didier Lallement exprime ses craintes dans ce même arrêté : 
 
« Il existe des risques sérieux pour que des éléments radicaux et à haute potentialité violente viennent se greffer à ces rassemblements ou se reportent en cortèges sauvages dans divers quartiers de la capitale, avec pour objectif, outre de se rendre dans le secteur des Champs-Elysées et de s'approcher de la présidence de la République, comme ils I'avaient fait le 14 juillet 2019, de s'en prendre aux forces de l'ordre et de commettre des dégradations du mobilier urbain. (…) »
Manifestation jusqu’à Bastille
 
Ce mardi 14 juillet, la manifestation rassemble plusieurs milliers de personnes, dont des gilets jaunes, mais aussi un cortège syndical. Elle se déroule entre la place de la République, d’où elle s’ébranle vers 14h, et la place de la Bastille. Durant plusieurs heures ensuite, les manifestants sont contenus sur cette place. De nombreuses forces de l’ordre, CRS et gendarmes, encerclent les lieux, empêchant toute circulation et repoussant des groupes qui tentent de « s’échapper » avec des gaz lacrymogènes. 
 
Peu avant 18 heures, le périmètre de la nasse est progressivement rétréci afin de procéder à l’évacuation des manifestants, dans le calme, sans sommation et sans contrôles d’identité. 
 
Particularité, les manifestants ne sont pas dispersés par des rues adjacentes, mais ils sont invités à quitter la place de la Bastille en métro. Des gilets jaunes ayant déjà manifesté dans la capitale s’en étonnent d’ailleurs. 
 
On retrouve cette sortie de la place de la Bastille à la fin (1h50) d’une vidéo en direct du média citoyen Vécu.
 
De Bastille aux Tuileries
 
L'évacuation par le métro est d'autant plus étonnante que de Bastille, la ligne 1 mène cinq stations plus loin et quinze minutes plus tard aux Tuileries, et en direction de cette avenue que les gilets jaunes rêvent effectivement de « reprendre » un jour, les Champs-Elysées. Certains tenteront d’ailleurs d’y aller, et seront soumis à des contrôles, comme en atteste une autre vidéo live de Vécu
 
Comme les autres manifestants, Richard et ses trois amis s’engouffrent donc dans la station Bastille et prennent le métro, à l’affût d’un éventuel regroupement des gilets jaunes ailleurs dans la capitale. L'homme le racontera par la suite, ne connaissant pas bien Paris mais étant à court d'eau, ils  s’arrêtent aux Tuileries, pensant y trouver des fontaines. D’autres stations de métro sur la ligne sont d'ailleurs fermées à ce moment-là.  
 
Promenade présidentielle
 
Au même moment ce mardi soir, Emmanuel Macron se promène tranquillement, main dans la main avec son épouse dans le jardin des Tuileries, pile entre la place de la Bastille et les Champs-Elysées, en somme entre le lieu où se trouvent les gilets jaunes et celui où ils voudraient se rendre. 
 
Le président de la République est ainsi de sortie bucolique juste en dehors du périmètre d’interdiction des rassemblements gilets jaunes dressé par la préfecture de police. 
 
La rencontre
 
Le « télescopage » a lieu à 18h10. Richard et ses acolytes, s’aperçoivent de la présence d’Emmanuel et Brigitte Macron, entourés de six gardes du corps, cernés par une flopée de jeunes téléphones en main. Pour eux, la surprise est totale.
 
Pendant que Brigitte Macron s’éloigne discrètement, c’est Emmanuel Macron qui se rapproche de ses opposants (qui certes le suivent) et vient discuter avec eux. Le président a bien reconnu des gilets jaunes qui n’ont pas de gilets, imaginons à leurs chants, puisqu’il leur demande rapidement : « vous n’allez pas m’en remettre tous les samedis ? ».  
 
Le buzz
 
Depuis, la scène qui a été filmée en direct fait le buzz. 240 000 vues sur la page Facebook du gilet jaune qui a filmé, sans compter la couverture médiatique. Elle provoque aussi l’émoi chez certains politiques, au vu de la proximité entre le président et des citoyens qui ne le portent pas dans leur cœur. Ainsi Christian Jacob, le président des Républicains sur RTL :
 
« Un jour de grande manifestation, que le président de la République aille se promener dans le Jardin des Tuileries, il est certain qu’il prend le risque d’être pris à partie. Objectivement, il y a un vrai problème de sécurité et de surveillance du Président ».
 
Ce à quoi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a répondu que « la sécurité du Président de la République n’était pas compromise, car il avait des agents autour de lui », tout en insistant sur « l’ouverture du président au dialogue ». 
 
Questionnements
 
Certes. A tout le moins un bon sens de la communication. On imagine, cependant, qu’à défaut d’Emmanuel Macron lui-même, les services de l’Elysée étaient bien informés, d’une part du déroulé de la manifestation, d’autre part des mesures de sécurité prises par le préfet de police de Paris – et du périmètre d’interdiction. 
 
Ignoraient-ils dès lors que le risque était grand, avec une promenade à cette heure-là et dans cet endroit précis, de croiser des « mécontents » ? 
 
Ou bien ce risque a-t-il été pris en connaissance de cause par le chef de l’Etat ?
 
Bien que visiblement mis en émoi par sa rencontre avec le chef de l’Etat, Richard est gilet jaune depuis le 17 novembre 2018, et reconnu comme un homme pacifique. Emmanuel Macron aurait effectivement pu tomber plus mal. 
 

 

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