Emmanuel Macron bute sur les sénatoriales... et fait sans doute son introspection

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 26 septembre 2017 - 18:00
Mis à jour le 27 septembre 2017 - 17:10
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Emmanuel Macron regarde une présentation en 3 dimensions du site archéologique de Delos à l'école fr
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© LUDOVIC MARIN / POOL/AFP/Archives
Emmanuel Macrons'est sans doute laissé aller à la réflexion pour comprendre la défaite de son parti.
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Positionnement face au général de Villiers, baisse de dotations aux collectivités locales et tentative de s'imposer au Sénat... Emmanuel Macron a échoué à s'installer massivement dans la chambre haute. Un premier échec électoral quatre mois après son accession à l'Elysée qui doit le pousser à se poser des questions. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte pour "FranceSoir" les interrogations présidentielles.

Les élections sénatoriales ont eu pour objet de renouveler la moitié de cette Assemblée. Plutôt que de renouvellement, on voit de fortes marques de continuité voire de conservatisme. Concernant La République en marche, c'est une déconfiture sans appel.

En matière électorale, seuls les résultats comptent. Ainsi, alors que les sénateurs ayant ralliés LREM sortants étaient au nombre de 29, ils reviennent essorés à 21. En apparence huit sénateurs de moins, cela fait peu et on pourrait alors changer de sujet. Mais en fait, de 29 à 21, c'est presqu'un tiers en moins ce qui est une vraie Bérézina d'autant que la Haute Assemblée compte 348 membres. Autrement dit, le parti du président de la République pèse 6,03% du Sénat. Même dans ses rêves les plus sombres, Emmanuel Macron n'avait probablement pas visualisé un tel échec.

Comme chacun le sait, on apprend précisément de ses échecs. Alors, que va retenir le président Macron? Posons les termes d'un dialogue intérieur partiellement imaginaire.

1 - "J'ai été trop lapidaire avec le général de Villiers en juillet et je le paye cher". Effectivement, nombre de grands électeurs ont dit publiquement qu'ils n'appréciaient pas le côté jugulaire-jugulaire du jeune président à qui ils font un procès en autoritarisme.

Conséquence, on n'a pas envie de donner un groupe LREM étoffé à Jupiter. Il y aussi une forme d'anti-jeunisme de la part d'élus mûrs (moyenne d'âge de 61 ans) qui considèrent que le chef d'Etat-major a été humilié publiquement par la fameuse interpellation du 13 juillet: "Parce que je suis votre chef!".

2 - "Ce bougre de Darmanin a tout planté avec des annonces prématurées de baisse des dotations aux collectivités locales". Cela a effrayé les maires et autres élus locaux qui forment le collège électoral et Bercy a planté une dague dans l'ambition présidentielle.

3 - "Pour la réforme constitutionnelle, cela sera coton voire plié!" Conformément à l'article 89 de la Constitution, une réforme constitutionnelle suppose d'abord que les deux assemblées adoptent le texte en termes identiques puis que, réunies en Congrès, elles l'adoptent à la majorité des 3/5.

Alors que le président Macron a pour projet une refonte des institutions et notamment la réduction sérieuse du nombre d'élus, qu'il pourrait vouloir constitutionnaliser, les grands électeurs du 24 septembre viennent de lui infliger un camouflet et probablement de le condamner à recourir à la voie référendaire. Or, on sait depuis des décennies que l'on répond au moins autant à la personne qui pose la question qu'au contenu même de la question qui fait l'objet du référendum. Le facteur de la popularité de l'instant joue donc un grand rôle.

4 - "Pourvu que Fabienne y parvienne!" Fabienne Keller, élu LR, s'est répandue sur les plateaux de télévision pour indiquer qu'elle était en faveur d'une forme de scission au sein du groupe LR à l'image de ce que les députés dits "Constructifs" ont réalisé à l'Assemblée. Cette manœuvre politique assez teintée d'opportunisme a des chances d'aboutir tout autant que des accords inter-groupes qui faciliteraient le travail de LREM.

5 - "Larcher n'est pas Monnerville" Suite à la réforme de 1962 (et au recours à l'article 11 et non à l'article 89 pour le référendum portant sur l'élection du président de la République au suffrage universel), le président Monnerville entra en profonde dissidence avec le pouvoir gaulliste. Même si le dernier mot revient à l'Assemblée lors du vote d'une loi ordinaire, ceci avait retardé l'adoption de textes jugés essentiels par le Général de Gaulle.

Gérard Larcher, humaniste, saura faire un travail d'opposition moins frontale mais il est clair qu'il a parfaitement senti que le macronisme est une construction citadine et que, dans bien des territoires, on n'en veut pas. C'est précisément l'une des leçons-clefs de ce scrutin qui doit laisser beaucoup d'amertume à François Patriat, élu de Côte d'Or et homme de dialogue qui demeure, à ce jour, le chef de file du groupe LREM.

A moins que… ne tinte aux oreilles de Macron le maître des horloges une autre petite musique: "François Patriat ne faisait pas le poids!"

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