Contrôle et expulsion des étrangers en situation irrégulière, quelles sont les règles

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 19 décembre 2017 - 12:48
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Les couloirs du centre de rétention de Marseille le 18 novembre 2017
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© BERTRAND LANGLOIS / AFP/Archives
Le contrôle et l'expulsion des étrangers en situation irrégulière devrait être revu en 2018.
© BERTRAND LANGLOIS / AFP/Archives
Les personnes hébergées dans des centres d'urgence pourraient bientôt y être contrôlées, selon une circulaire des ministères de l'Intérieur et de la Cohésion des territoires. Un texte qui a provoqué de vives réactions. Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon, revient en partenariat avec "France-Soir" sur les règles qui s'appliquent aux personnes en situation irrégulière.

Une circulaire des ministères de l'Intérieur et de la Cohésion des territoires instaurant des contrôles de la "situation administrative" des personnes se trouvant dans les centres d'hébergement d'urgence a été dévoilée lundi 18 (lire le document).

Un document dénoncé par plusieurs associations qui y voient un détournement de l'aide d'urgence pour lutter contre l'immigration clandestine, et dont le contenu est même soulevé par le Défenseur des droits.

L'occasion de revenir sur les règles concernant le contrôle, la retenue et l'expulsion des personnes se trouvant en situation irrégulière.

Voir: Recensement des migrants hébergés: le ton monte chez les associations

Un étranger qui ne peut justifier d’être entré de manière régulière sur le territoire ou qui se maintient au-delà de la validité de son visa peut faire l’objet d’une reconduite à la frontière ou d’une obligation de quitter le territoire français.

La France a ainsi expulsé 24.707 personnes l’an dernier (dont la moitié de force) sur les 31.000 étrangers en situation irrégulière expulsables interpellés sur la même période (91.000 arrestations au total, en comptant les non expulsables). Une nouvelle loi sur l’immigration serait attendue début 2018. L’un des objectifs de celle-ci serait d’augmenter les expulsions d’étrangers en situation irrégulière.

Concrètement, si un étranger est contrôlé dans la rue et ne peut justifier d'un titre de séjour valable, les forces de l'ordre peuvent procéder à une vérification de son identité dans le cadre d'une "retenue".

Lire aussi: Droit des étrangers en France: le Conseil constitutionnel recadre les assignations à résidence

La préfecture peut prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui doit être exécutée dans les 30 jours ou immédiatement en cas de risque de fuite. La préfecture peut assortir l'OQTF d'une assignation à résidence ou placer la personne en rétention.

La rétention administrative consiste à maintenir dans un lieu fermé un étranger qui ne peut pas quitter immédiatement la France, dans l’attente de vérification.

En 2016, près de 22.000 personnes ont transité par ces centres en métropole dans l'attente d'une possible expulsion.

Pour expulser un étranger en situation irrégulière, son pays doit reconnaître qu’il est bien l’un de ses ressortissants, et émettre, en l’absence de passeport, un document appelé "laisser-passer consulaire".

Or à défaut de réponse, ou quand elle est trop tardive, la reconduite échoue fréquemment. Les pouvoirs publics souhaitent donc renforcer la concertation avec les pays d’origine. Le gouvernement veut donc allonger dans sa future loi à 90 jours la durée maximum de la rétention, contre 45 actuellement, selon les premières pistes qui seraient retenues.

Pendant longtemps le séjour irrégulier était un délit. L’entrée irrégulière sur le territoire français était en effet sanctionnée d’une peine de prison depuis le décret-loi Daladier du 2 mai 1938 et le séjour irrégulier depuis la loi Deferre n°81-973 du 29 octobre 1981 (article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945).

Lire aussi: Immigration irrégulière: les centres de rétention, "une cocotte-minute"

Chaque année, avant 2012, 60.000 personnes étaient placées en garde à vue pour ce délit.

Or la Cour de cassation a décidé dans un important arrêt du 5 juillet 2012 (pourvoi N°11-19.250), que le séjour irrégulier d'un étranger ne pouvait plus suffire à son placement en garde à vue.

La possibilité d’infliger une peine d’emprisonnement à un étranger du seul fait de l’irrégularité de sa situation contrevient au droit de l’Union européenne. Aucune garde à vue ne peut être décidée à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers pour simple infraction à la législation sur les étrangers.

Deux arrêts de la Cour de justice européenne (CJUE) avaient jugé que "l’emprisonnement d’une personne en séjour irrégulier est contraire à l’objectif d’éloignement", les juges s’appuyant sur l’article 8 de la directive européenne dite "retour" comme fondement juridique.

Si le délit de séjour a bien été supprimé par la loi du 31 décembre 2012, cela ne signifie pas qu’un étranger ne peut être éloigné du territoire.

La loi du 31 décembre 2012 "relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées" a instauré une retenue maximale de 16 heures de l'étranger en situation irrégulière. Cette retenue peut permettre une vérification de son droit de circulation ou au séjour en France. Elle a été créée pour remplacer la fin de la garde à vue suite à l’arrêt du 5 juillet 2012.

Il doit s’agir du "temps strictement exigé par l’examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables", c’est-à-dire des décisions d’éloignement du territoire.

Le délit de séjour irrégulier en France n'est plus retenu, seul subsiste celui d'entrée irrégulière. La France s’est donc mise en conformité avec la décision de la Cour de cassation.

Contrairement à une autre idée répandue la "double peine", qui permet de reconduire un étranger condamné à la frontière une fois sa peine purgée, n’a pas été supprimée.

Celle-ci a seulement été aménagée. Près de 300 délits et crimes plus ou moins graves peuvent entraîner une interdiction du territoire français (ITF), notamment le trafic de stupéfiants, le travail illégal, le viol ou encore fraude au mariage.

Cependant certains étrangers ne peuvent pas être condamnés à une interdiction du territoire français: ceux arrivés en France avant leurs 13 ans, et ceux qui résident en France depuis plus de vingt ans ou des conjoints ou parents de ressortissants français.

C’est donc un droit complexe confronté à beaucoup d’idées reçues et de fantasmes.

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