Exclusif- Twitter censure Charb : la lettre de Marika Bret (Charlie hebdo) à Nyssen et Mahjoubi

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Marika Bret, édité par la rédaction de France-Soir
Publié le 21 septembre 2018 - 15:13
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Les extrêmes se touchent, caricature de Charb (Charlie Hebdo)
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Cette caricature de Charb vaut à Marika Bret, figure de Charlie hebdo, d'être censurée par Twitter.
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Censurée sans aucune explication par Twitter pour avoir publié une caricature de Charb, dessinateur de presse à Charlie hebdo assassiné le 7 janvier 2015, Marika Bret en appelle à la ministre de la Culture Françoise Nyssen et au secrétaire d'Etat Mounir Mahjoubi. France-Soir publie ici en exclusivité la lettre qu'elle leur adresse pour ne pas laisser le réseau social "assassiner une deuxième fois" son ami.

EXCLUSIF. Charb était l'un des dessinateurs de presse les plus talentueux de sa génération, une des vitrines de Charlie hebdo. Il est devenu, qu'on le veuille ou non, un des symboles de la liberté d'expression, du droit à l'outrance lorsqu'elle est utilisée pour dénoncer, faire réagir et réfléchir, pour porter un message s'inscrivant dans les valeurs de la République.

Mais ce symbole est fragile, assailli de toutes parts depuis cet attentat qui a pourtant mis la France dans la rue au nom de la liberté d'expression. Après les bigots ou des syndicalistes étudiants de l'Unef, entres autres, c'est désormais Twitter qui attaque.

Lire: Info France-Soir- Twitter censure un dessin de Charb: appel à la mobilisation de Marika Bret (Charlie hebdo)

Le réseau social vient ainsi de bloquer le compte de Marika Bret, elle aussi figure de Charlie. Sa "faute"? Utiliser comme photo de profil depuis plus de deux ans une caricature de son ami Charb, tombé -ainsi que 11 autres- sous les balles des fous de Dieu qui voulaient "tuer Charlie" le 7 janvier 2015.

Ce dessin (un prêtre et un imam se touchant le pénis et surtitré "Les extrêmes se touchent") est à l'image de ce qu'était le travail de son auteur: provocateur, outrancier, drôle. Mais surtout destiné à brocarder les obscurantistes de tous poils. Laisser censurer, et donc disparaître, ce travail que Charb a payé de sa vie est impensable pour Marika Bret, qui est également en contact étroit avec les parents du dessinateur de presse.

C'est pourquoi, se heurtant au mur du silence de Twitter, elle en appelle désormais à un sursaut des autorités et écrit à la ministre de la Culture Françoise Nyssen et au secrétaire d'Etat au Numérique Mounir Mahjoubi. Ce courrier, qu'elle nous a transmis en avant-première, le voici dans son intégralité.

A l’attention de Madame la ministre Madame Françoise Nyssen, de Monsieur le secrétaire d’Etat, Monsieur Mounir Mahjoubi et à toutes celles ceux qui défendent la satire comme faisant partie intégrante de la liberté d’expression.

 

Estimant que les réseaux sociaux permettent de communiquer des informations en complément des médias traditionnels, j’ai ouvert en 2016, un compte Twitter pour faire vivre la mémoire de Charb, journaliste, dessinateur de Charlie hebdo jusqu’au 7 janvier 2015.
Pour la bannière et photo de profil de ce compte, j’ai choisi deux dessins de Charb, reflets d’un de ses engagements politiques.
Deux dessins qui s’inscrivent clairement dans l’expression satirique, dans la critique et dans l’humour.
Lundi 17 septembre 2018, à ma grande surprise, j’ai reçu un message de Twitter qui indiquait que j’avais enfreint ses Règles avec, encadré d’un trait rouge, le dessin de mon profil.
Aucune explication n’accompagnait la décision de blocage de mon compte.
Persuadée que ce compte avait été bloqué par erreur, j’ai fait appel en contactant l’équipe d’assistance, qui à ce jour, n’a toujours pas daigné répondre.
Face à cette difficulté et refus de transparence, je me permets de vous interpeller, en votre qualité de ministre de la Culture et de secrétaire d’Etat chargé du Numérique.
Pour récupérer mon compte, j’ai temporairement, et hélas, été obligée de supprimer ce dessin.
Celui-ci n’a pourtant jamais fait objet de la moindre poursuite et a fortiori de condamnation judiciaire. Il participe au débat démocratique, et faut-il le préciser, il ne comporte aucun caractère ni haineux, ni violent, ni sexiste, ni pornographique.
Je m’adresse à vous, à toutes et tous, au nom de la défense d’un de nos principes républicains majeurs celui de la liberté d’expression, et avec elle, la liberté de publication.
Cette décision de Twitter, verdict énoncé sans préavis ni justificatif, est une censure appliquée sur l’œuvre de Charb. Faut-il comprendre que notre société démocratique favorise l’application de règles privées, opaques, en contradiction totale avec, et nos principes, et nos lois?
Les réseaux sociaux pullulent de messages antisémites, racistes, homophobes, sexistes, faisant l’apologie du terrorisme, -liste non exhaustive-, et c’est ce dessin qui est mis en cause. Insupportable pour qui? Portant atteinte à quoi? Aujourd’hui, les réseaux sociaux représentent une source d’information pour une part importante de la population: faut-il laisser Twitter et les géants du Web décider ce qui peut être vu –ou non– par les citoyens? Faut-il accepter que ces firmes se soustraient aux lois de notre République et qu’ainsi, elles participent au modelage d’une société aseptisée de tout langage satirique mais où se répand celui de la Haine?
Faut-il gommer sur ce dessin et plus généralement sur toute expression artistique ou énoncé d’une opinion, toute trace de nudité?
Ce dessin, comme l’ensemble du travail de Charb, comporte, j’ose le dire une vertu pédagogique: susciter la réflexion en provoquant le rire! 
Je réagis vivement et vous interpelle car je suis attachée à cette forme d’expression et refuse de la voir disparaître.
Je réagis vivement et vous interpelle aussi parce qu’accepter cette décision sans rien dire, revient à piétiner la mémoire de Charb et à faire disparaître une partie de son travail. Ce serait l’assassiner une deuxième fois.
C’est inacceptable. C’est insupportable.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire.
Dans l’attente de votre réaction, veuillez recevoir mes sincères salutations.

Marika Bret.

 

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