Frappes en Syrie : "On a parlé à Bachar al-Assad le seul langage qu'il comprend"

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Propos recueillis par Maxime Macé et Pierre Plottu
Publié le 17 avril 2018 - 18:42
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La France pourrait envoyer des avions Rafale armés de missiles pour frapper des bases en Syrie
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Delphine O estime que les frappes françaises s'inscrivent dans une "longue tradition de lutte contre l'usage des armes chimiques".
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Des navires de guerre et des avions de combats français ont frappé samedi des cibles liées au programme d'armement chimique syrien. Delphine O, députée LREM de Paris, interrogée par "France-Soir", estime que cette intervention militaire était une réponse ferme à l'utilisation de ces armes par le régime de Damas et pourrait l'amener à revenir à la table des négociations.

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont lancé tôt samedi 14 des frappes concertées en Syrie contre le régime de Bachar al-Assad. Les trois alliés, ainsi que de nombreux autres pays, imputent au pouvoir syrien l'attaque chimique présumée du 7 avril dans la ville alors rebelle de Douma, dans la Ghouta orientale en banlieue de la capitale Damas.

Pour la députée LREM et spécialiste des relations internationales Delphine O, cette opération militaire conjointe s'inscrit, pour la France, dans la "longue tradition française de lutte contre l'usage des armes chimiques". Les frappes ont ainsi permis de "détruire une partie du stock du régime syrien", précise-t-elle à France-Soir.

Lire aussi - Macron se justifie sur la Syrie et ne voit pas de "coagulation" des mécontentements 

Mais, surtout, la députée souligne qu'il s'agit d'une réponse ferme aux nombreuses transgressions du régime de Damas et de son allié russe. Tous deux avaient été prévenus que l'utilisation de telles armes serait franchir "la ligne rouge tracée par Emmanuel Macron en mai dernier lors de la visite de Vladimir Poutine".

Quant à savoir pourquoi c'est le bombardement chimique de Douma, le 7 avril dernier, qui a provoqué une réponse militaire de la France et de ses alliés, alors que les services français ont identifié au moins huit attaques chimiques (source) lors de l'offensive du régime contre la Ghouta, c'est parce que "suffisamment de preuves concluantes ont été rassemblées" avance Delphine O. Des preuves que le gouvernement a pour partie rendues publiques mais dont la plupart "resteront confidentielles".

Quel sens donner à cette action limitée, cette "non déclaration de guerre"? "Le régime syrien et son allié russe ont compris le processus" qui a amené à cette intervention, explique Delphine O. Puis la députée de Paris de détailler: la frappe américaine contre la base d'al-Chaayrate de début avril suite au bombardement chimique du village de Khan Sheikhoum par l'aviation du régime, quelques jours plus tôt, a été un coup d'épée dans l'eau.

Pour elle, "la frappe américaine de Donald Trump en avril dernier sort un peu du néant", précédée d'aucune annonce, suivie d'aucune explication. A contrario, l'intervention militaire de samedi "s'inscrit dans un processus de coopération avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni à l'initiative de la France". Les autorités syriennes et russes ont été prévenues en amont, les alliés se sont expliqués. Les frappes ont d'ailleurs obtenu le soutien de l'Otan et celui de l'Union européenne, insiste ainsi Delphine O -bien que celui des 28 ait été un peu plus timide.

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Même si la députée assure qu'Emmanuel Macron n'est "pas un va-t-en guerre", la recours à la force a permis de "parler à Bachar al-Asssad le seul langage qu'il comprend". Elle souligne d'ailleurs que, si paradoxal que ce soit, le recours à ces frappes pourrait permettre de renouer un dialogue en vue d'un règlement politique du conflit: "En prenant le leadership sur ces frappes, la France a su se faire respecter et a repris la main sur ce dossier". Delphine O temporise toutefois en expliquant "qu'il est trop tôt pour dire si cette intervention va permettre de remettre en route une solution diplomatique".

"La stratégie de la fermeté et en même temps de la réponse proportionnée permet de maintenir ouvert le canal de discussion avec la Syrie et ses alliées", explique-t-elle. Preuve en est pour la députée: "La réaction de la Russie a été très mesurée". Il faut dire que les frappes ont soigneusement évité les zones où des soldats russes sont présents en Syrie.

Sur le même sujet - Non, l'Etat islamique n'est pas vaincu en Syrie, ni en Irak

Pour autant, cette action militaire à l'encontre d'un régime porté à bout de bras par Moscou, à la suite de sanctions économiques et diplomatiques, ne rompt pas le dialogue avec le Kremlin selon la députée. "Emmanuel Macron doit se rendre en mai en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine, cela me semble être une preuve suffisante que le canal de discussion reste ouvert avec la Russie", souligne Delphine O, qui précise par ailleurs que "Moscou reste un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme".

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