Glyphosate et poids des lobbies : le faux pas de Travert (et de Schmidt)

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Pierre Plottu
Publié le 28 novembre 2017 - 11:13
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Le ministre français de l'Agriculture Stéphane Travert (d) à Galgon, en France, le 4 août 2017
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© MEHDI FEDOUACH / AFP
Stéphane Travert (Agriculture): "Je suis heureux que la Commission européenne ait pu enfin trouver un accord" sur le glyphosate.
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Stéphane Travert s'est dit lundi "heureux" de l'autorisation pour cinq nouvelles années du glyphosate par l'UE. Si Emmanuel Macron a immédiatement désavoué son ministre de l'Agriculture, la déclaration dit beaucoup du poids des lobbies dans ce dossier.

Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert s'est dit "heureux".

Heureux que l'UE ait décidé, lundi 27, d'autoriser le glyphosate pour cinq ans de plus malgré les polémiques qui entourent jusqu'aux expertises scientifiques utilisées pour justifier ce choix. Heureux malgré les études qui dénoncent la dangerosité du produit, notamment pour les agriculteurs. Heureux contre l'avis de son collègue à l'Ecologie Nicolas Hulot, contre celui du Premier ministre Edouard Philippe, contre celui, aussi, du président Emmanuel Macron.

Lire aussi: Emmanuel Macron annonce l'interdiction du glyphosate d'ici 3 ans

"Je suis heureux que la Commission européenne ait pu enfin trouver un accord", a ainsi réagi le ministre après l'annonce du renouvellement de l'autorisation du glyphosate, notamment présent dans le Roundup, pour cinq ans. Les ONG sont-elles furieuses? "C'est déjà ça", a répondu Stéphane Travert en substance. "Nous sommes partis de loin, nous étions sur une réautorisation à 10 ans. Nous avons réussi à force de dialogue, à force de discussion avec nos partenaires, à réduire de moitié la durée qui était prévue", a-t-il ainsi déclaré. Puis d'ajouter: "il faut utiliser ces cinq ans de manière positive. Il faut que ces cinq ans soient utiles à l'agriculture, et à notre environnement".

Logique finalement pour un responsable qui regrettait il y a deux semaines "une défaite pour l'Europe" après l'échec du vote sur l'avenir du glyphosate, ce qui a mené à l'examen par la commission d'appel lundi.

Sauf que Stéphane Travert a été désavoué dans la foulée par Emmanuel Macron, qui a pris la plume en personne pour le contredire. "J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France (...) au plus tard dans trois ans". Le tout accompagné du détournement désormais célèbre du slogan de Donald Trump: #MakeOurPlanetGreatAgain, ainsi que d'une précaution, puisque le président a lié cette interdiction au fait que "des alternatives (soient) trouvées".

C'est bien là le point saillant. Au-delà des particuliers, ce sont avant tout les agriculteurs qui sont concernés. Nombre d'entre eux plaident ainsi pour une utilisation raisonnée du glyphosate, arguant par exemple que les normes et conditions d'utilisation ont été drastiquement renforcées. Mais instant aussi sur le fait que s'ils étaient privés de glyphosate, cela aurait un impact sur la productivité.

Sur le même sujet: Glyphosate: faire avec ou sans, un dilemme pour les agriculteurs

Le ministre de l'Agriculture allemand Christian Schmidt défend ainsi lui aussi bec et ongles le glyphosate. Au point d'avoir joué un tour pendable à sa collègue de l'Ecologie. Alors que l'abstention de l'Allemagne au vote en appel de lundi avait été "clairement établi", selon Barbara Hendricks (en charge de l'Environnement), Christian Schmidt est allé contre et a fait passer la consigne de voter l'autorisation. Le tout alors qu'il avait lui-même confirmé l'abstention par téléphone à sa collègue quelques heures plus tôt...

"Rupture de confiance!", s'est emportée Barbara Hendricks. D'autant que le revirement allemand a pesé lourd dans la balance: lors du premier vote début novembre l'abstention de son représentant avait empêché d'atteindre la majorité qualifiée nécessaire.

Les lobbies agricoles et, surtout, la "Glyphosate Task Force" (consortium d'industriels mené par Monsanto, qui commercialise le Roundup au glyphosate) ont pesé  de tout leur poids. Avec succès donc. Et ce alors même que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé l'herbicide controversé comme "cancérogène probable", que pléthore d'études pointent son risque génotoxique ou pour la reproduction humaine. 

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