Ingérence étrangère dans le processus electoral

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Teresita Dussart, pour FranceSoir
Publié le 22 avril 2022 - 20:16
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Sanchez, Scholz, Costa
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GEERT VANDEN WIJNGAERT / POOL / AFP
De gauche à droite, l'Allemand Olaf Scholz, l'Espagnol Pedro Sanchez, et le Portugais Antonio Costa, lors d'un sommet de l'Union européenne à Bruxelles, le 24 février 2022.
GEERT VANDEN WIJNGAERT / POOL / AFP

CHRONIQUE — Le 21 avril, à quatre jours du second tour de l'élection présidentielle, trois chefs d’État étrangers - Olaf Scholz d’Allemagne, Antonio Costa du Portugal, et Pedro Sanchez d’Espagne - ont signé une tribune dans les colonnes du journal Le Monde appelant explicitement les Français à voter pour Emmanuel Macron.

Jamais, au grand jamais dans l’histoire politique contemporaine, des puissances étrangères n’avaient explicitement donné une consigne de vote dans le cadre d’un processus électoral étranger. Encore moins par des chefs d’État en exercice. L’ingérence, dans la définition du Larousse, consiste en "l’intervention d’un État dans la politique d’un autre". Y a-t-il quelque chose de plus politique que l’élection d’un peuple libre pour définir à qui il confiera le prochain mandat ?

La tribune commence dès son titre par demander aux Français de considérer que les intérêts qui seraient les leurs passent après les besoins de l’Espagne, du Portugal et de l'Allemagne. "Nous avons besoin d’une France qui défende nos valeurs communes", écrivent-ils.

Marine Le Pen y est décrite comme la "candidate qui se range ouvertement du côté de ceux qui menacent notre liberté et démocratie". Rien que ça. Tous les termes de la proposition sont sujets à question. Qu’est-ce que ces mandataires entendent par "ouvertement" ? Où, quand et en quels termes ont-ils entendu Marine Le Pen "se ranger" du côté de quelqu’un qui menacerait notre démocratie ? Cette tribune constitue un cas anthologique de diffamation, si ce n’est un gigantesque fake utilisé dans le cadre d’un précédent d’ingérence encore jamais vu.

Mais plus encore, quelle leçon de démocratie un Pedro Sanchez peut-il donner au peuple français en termes de démocratie ? Toutes les décisions que le socialiste espagnol a prises dans le cadre de la gestion covidienne ont été systématiquement invalidées par la Cour suprême de ce pays. Jamais personne dans l’histoire de l’Espagne post-franquiste n’a autant fait pour supprimer les garanties de l’État de droit et n'a autant fait l’objet de rappel à l’ordre sur les limites du pouvoir exécutif. Investi de quelle légitimité Sanchez s'arroge-t-il le droit d’infantiliser les Français et de donner une consigne de vote, lui qui est arrivé au pouvoir en profitant d’une faille constitutionnelle pour organiser une sorte de coup d’État parlementaire, s’alliant aux groupes nationalistes les plus extrêmes d’Espagne, ex-membres de l’organisation terroriste basque ETA compris ?

Au cours de la dernière élection présidentielle aux États-Unis, la presse mainstream a fait du fantasme de l’ingérence russe un sujet central impulsant une double enquête du Congrès et du FBI, desquelles rien n'a surgi qui ne vienne prouver ces allégations. Mais si ingérence il y eut, elle aurait été de l’ordre d’opérations absconses, secrètes, occultes. Ici, il s’agit de chefs d’État qui, perdant tout sens de la pudeur, s’immiscent, toute honte bue, dans le moment le plus sacré de la vie démocratique d’une nation : celui du vote.

Un député d’une nation étrangère peut exprimer des opinions à l’égard d’un candidat dans une nation tierce, mais un chef d’État donnant des consignes de vote ouvre la porte sur la profanation de la souveraineté nationale. Faut-il s’habituer à cela aussi ? Le feraient-ils avec une nation africaine ou latino-américaine que cela deviendrait quasiment, sinon un casus belli, au moins un incident diplomatique d’extraordinaire gravité.

Dans la tribune des compères Sanchez, Costa et Scholz, pas un mot sur l’assujettissement du gouvernement Macron au cabinet américain McKinsey. Dans ce cas, pourtant, les Français ont bel et bien été "ouvertement" "rangés" du côté de ceux qui ont non seulement menacé, mais porté très directement atteinte à leur liberté et leur démocratie. Car le véritable Conseil de défense qui a marqué le pas de ces deux dernières années et a décidé comment les Français devaient vivre jusque dans les tréfonds de leur intégrité physique, de leur droit au secret médical à la manière dont ils entendaient éduquer leurs enfants, n’est autre que la société McKinsey. 

Outre l’ingérence en soi, cette tribune répond à un acte de lobbying en faveur du clientélisme communautaire pour les mauvais gouvernements du Sud de l’Europe, et de continuité de l’assujettissement français aux intérêts de l’Allemagne, dont la France ne pourrait mettre un exergue un seul exemple de reconnaissance ou de loyauté depuis trente ans.

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