"Jungle" de Calais : la justice refuse que l'Etat ferme les échoppes tenues par les migrants

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 12 août 2016 - 19:18
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Des policiers dans la "jungle" de Calais.
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©Philippe Huguen/AFP
Les commerces pourront continuer à opérer dans la "Jungle".
©Philippe Huguen/AFP
Les autorités exigeaient que les commerces à la sauvette tenues par des migrants à Calais, des restaurants et des épiceries principalement, soient fermées. Le tribunal administratif vient de refuser cette demande, saisi par des associations de défense des réfugiés.

L'Etat a essuyé une défaite dans son entreprise de régenter les activités du camp de migrants de la "jungle" de Calais, le tribunal administratif de Lille ayant débouté vendredi la préfecture du Pas-de-Calais de sa demande en référé d'éradiquer tous les commerces informels sur le site.

Cette décision, qui constitue une victoire pour les associations, survient alors que, selon ces dernières, la situation s'envenime dans la "Jungle" en raison d'un afflux très important de nouveaux migrants. D'après un comptage réalisé par l'Auberge des Migrants et Help Refugees du 6 au 9 août, 9.106 personnes vivent sur le site, dont 1.750 dans des structures en dur.

D'ici un nouveau recensement la semaine prochaine, la préfecture du Pas-de-Calais s'en tient à 4.500 migrants, décomptés à la mi-juin.

C'est la première fois que l'Etat est désavoué par la justice depuis l'installation sauvage du campement dit de la lande en avril 2015. La préfecture n'en a pas moins affirmé dans un communiqué que "les opérations de contrôle administratif et judiciaire des lieux de vente à la sauvette sur le campement de la lande de Calais ont vocation à se poursuivre", le juge n'ayant pas contesté leur légitimité.

En février, le tribunal administratif de Lille avait donné son feu vert à la fermeture de la zone sud du camp, où toutes les tentes et cabanes avaient été enlevées ou détruites. Une partie de leurs occupants s'était repliée sur la zone nord, une autre s'était résolue à rejoindre l'un des Centres d'accueil et d'orientation répartis un peu partout sur le territoire.

Le gouvernement a toujours dit que la "Jungle" n'avait "pas vocation à perdurer". Mais le sort de la zone nord reste en suspens. "Pour l'heure, nous savons que l'Etat n'a pas les moyens (de la démanteler, ndlr): ils sont en manque de policiers et il n'y a pas assez de solutions de relogement", affirme François Guennoc, de L'auberge des migrants.

Peu après la mi-juillet, les autorités avaient déclenché une vaste opération de contrôle des commerces qui ont fleuri dans la "Jungle": restaurants, épiceries, artisans.

18 personnes avaient été placées en garde à vue, soupçonnées de "vente à la sauvette". 42 procédures judiciaires avaient été réalisées "avec saisie et destruction de plus de 30 m3 de marchandises diverses, dont 19 kg de produits avariés", selon la préfecture. Une quinzaine de personnes seront traduites devant le tribunal de Boulogne-sur-mer le 4 octobre, selon le parquet de cette ville.

La procédure d'urgence introduite par la préfecture devant le juge administratif, qui se fondait sur "un risque d'incendie, d'explosion et d'effondrement" ainsi qu'"un risque sanitaire", s'inscrivait "dans la continuité" de cette action. La préfète Fabienne Buccio demandait "l'expulsion sans délai des occupants des 72 lieux de vente illégaux" et la remise en état des lieux par ces mêmes occupants.

Le juge des référés Jean-François Molla a contesté l'urgence à statuer en ce sens mais aussi l'opportunité d'appliquer des mesures aussi radicales. Dans son ordonnance, il estime que "les préoccupations exprimées par le préfet (...) sont tout à fait compréhensibles" mais que "les conditions d'urgence et d'utilité requises" par la loi "ne sont pas remplies".

Il reconnaît que ces commerces "ne bénéficient d'aucune autorisation administrative" et que certains "ne respectent pas les règles sanitaires les plus élémentaires".

Toutefois, souligne-t-il, "ces épiceries, cafés, restaurants remplissent d'autres fonctions" que l'alimentation des migrants qui "vivent dans des conditions de précarité extrême et de total désœuvrement". Ces lieux, ajoute-t-il, "constituent des lieux de rencontre apaisés entre migrants".

Le juge s'appuie aussi sur un rapport du Défenseur des droits Jacques Toubon, qui avait relevé l'existence d'"une file d'attente atteignant, à l'ouverture des portes (de la cantine du centre en dur Jules Ferry), plus de 500 m".

Conclusion du tribunal: la disparition des commences "de façon indifférenciée se ferait indéniablement au détriment des migrants".

"Maintenant, on va voir si la préfecture est ouverte à des améliorations sur le camp pour permettre la réouverture des échoppes, en essayant d'améliorer les conditions sanitaires", a commenté François Guennoc, "content" de cette issue.

Cette décision survient alors que dans Le Figaro de vendredi 12, le président des Hauts-de-France (Les Républicains) Xavier Bertrand a réclamé que les migrants soient astreints à "une interdiction de sortir du camp le soir, à partir d'une heure précise".

 

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