La photo qui a perdu Giscard en 1981

Auteur(s)
Philippe Simonnot, journaliste pour FranceSoir
Publié le 03 décembre 2020 - 11:34
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L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing le 14 octobre 2014 au Bourget, près de Paris
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives
Valéry Giscard d’Estaing
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives

Une photo a circulé en 1981 pendant la campagne présidentielle, montrant Valéry Giscard d’Estaing " inspectant à la jumelle les lignes israéliennes depuis une fortification jordanienne". Cette image lui a aliéné nombre de votes juifs. Elle a été exploitée à fond par le Renouveau juif. M. Henri Hajdenberg, président de ce mouvement, avait déclaré, samedi 17 janvier, à Strasbourg, que " le mauvais choix pour les amis d'Israël et les juifs de France sera de voter pour l'actuel président de la République s'il se représente ". La photo a donc pesé lourd dans la victoire de Mitterrand de 1981, comme on l’a reconnu ensuite.  

Cette photo est un véritable mensonge. Ce qu’inspectait – si l’on peut dire – Giscard ce jour-là, c’était une course de chameaux.

En tant que journaliste, je suivais avec une vingtaine d’autres confrères, le Président de la République dans sa tournée au Proche-Orient en mars 1980. Arrivés à Aman (Jordanie), nous sommes avertis par le protocole jordanien que nous serons réveillés à 6 heures le lendemain pour être convoyés vers une destination qui nous serait révélée plus tard. Là nous pourrions assister à un « événement » en rapport avec la visite de Giscard.

De fait, le lendemain matin, nous sommes promptement réveillés et acheminés en car sur un poste militaire de la frontière jordano-israélienne.  Arrivés sur les lieux, nous voyons arriver deux hélicoptères. Ils atterrissent à 400 mètres devant nous. Mes confrères photographes braquent toutes sortes de caméras. Dans le premier des hélicoptères, aux armes de la Couronne jordanienne, avait pris place le Roi Hussein, dans le second Giscard en personne. Nous attendons « l’événement » promis. Un émissaire jordanien fait quelques allers-retours entre les deux appareils. Au bout d’une demi-heure de palabres, les deux hélicoptères s’envolent dans un nuage de poussière. Furieux, les journalistes jurent qu’on ne les y prendrait plus.

 La presse n’a donc pas pu prendre une seule photo de Giscard en ce lieu. Pas même dans l’hélicoptère, qui était trop loin des journalistes pour qu’ils puissent shooter le président français par l’un des hublots. Ou bien les volets de ces derniers étaient tirés.

Nous avons appris par la suite que Giscard avait été convié en ce lieu avec le dessein de lui faire visiter le poste en question et d’inspecter les lignes israéliennes à partir de là. Bien sûr on ne lui avait rien dit de la destination finale de cette équipée. Sinon, il ne serait évidemment  même pas monté dans l’appareil. Le piège royal était grossier, il a été déjoué sur place. Sauf qu’il a donné l’idée du fatal fake picture mentionné plus haut et qui a contribué à la chute de Giscard quinze mois plus tard.

 

 

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