Le procès Cahuzac pourrait être reporté dès son ouverture

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 08 février 2016 - 12:20
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Jérôme Cahuzac.
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©Lionel Bonaventure/AFP
Les avocats de Jérôme Cahuzac mettent en cause la conformité à la Constitution des poursuites.
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Cela fait près de trois ans que le procès de Jérôme Cahuzac est attendu. Mais le jugement pourrait bien prendre encore plus de temps. Les avocats de l'ancien ministre ont en effet déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité qui pourraient retarder les débats de plusieurs mois, le temps que la justice les examine.

Après l'interruption du procès Wildenstein, le procès Cahuzac risque à son tour d'être suspendu dès son ouverture lundi pour purger des questions de constitutionnalité, un droit de la défense devenu en six ans un véritable casse-tête pour l'organisation des audiences.

Jérôme Cahuzac entend soulever deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui risquent d'entraîner un report du procès de l'ancien ministre pour son compte caché à l'étranger, prévu jusqu'au 18 février. Si le tribunal juge les deux QPC sérieuses, il les transmettra à la Cour de cassation qui, à son tour, décidera de la pertinence de leur éventuel examen par le Conseil constitutionnel.

Si c'est le cas, l'affaire Cahuzac ne pourra être jugée, "dans le meilleur des cas, avant septembre 2016, presque deux années après la clôture de l'instruction", a déjà regretté la procureur financier Eliane Houlette.

Et, dans cette hypothèse, la plus grande salle correctionnelle de Paris et trois magistrats auront été immobilisés pour rien pendant deux semaines, alors que quantité d'affaires attendent une place pour être jugées.

Un cas de figure identique s'est présenté début janvier à l'ouverture du procès du marchand d'art Guy Wildenstein, prévu pour trois semaines et finalement suspendu pour plusieurs mois en raison de la transmission à la Cour de cassation d'une QPC déposée par la défense. La France a été souvent condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable.

"Si l'instauration de la QPC fait consensus sur l'avancée qu'elle assure dans la protection des libertés, force est de constater que le droit de la poser à tout moment dans la procédure, et notamment devant les juridictions de jugement, désorganise considérablement l'audiencement des affaires, en particulier lorsque plusieurs semaines ont été réservées à son examen", a déploré la procureur générale Catherine Champrenault.

La magistrate propose "d'instaurer un délai au terme de l'instruction ou à l'issue des enquêtes préliminaires, après la décision de poursuite mais avant l'audiencement, pour poser ces QPC", comme pour les assises, où le législateur a estimé que "les questions de droit et de procédure (devaient être) réglées avant le procès criminel". Pour la présidence du TGI de Paris, le problème est moins la QPC, qui "purge notre droit des cas difficiles", que les demandes systématiques de nullités procédurales.

Entrée en vigueur le 1er mars 2010, la QPC permet à toute personne, partie prenante à un procès, de contester une disposition législative au motif qu'elle porterait atteinte aux droits et aux libertés garantis par la Constitution.

Si la question est jugée sérieuse par un juge, puis par la Cour de cassation ou le Conseil d'état, elle est examinée par le Conseil constitutionnel. Selon des chiffres de l'institution arrêtés à mars 2015, plus de 10.000 QPC ont été déposées en cinq ans devant toutes les juridictions françaises.

Ce sont 1.504 QPC  jugées sérieuses qui ont été traitées sur cette période à la Cour de cassation et 856 au Conseil d'Etat. La plus haute instance judiciaire en a ensuite transmis 258, et son pendant administratif 207 au Conseil constitutionnel. Les Sages ont, au final, pris 145 décisions de censure. Le nombre de QPC traitées diminue cependant chaque année depuis cinq ans.

La conséquence immédiate d'une censure constitutionnelle est l'annulation du procès. C'est ce qui s'est passé dans le dossier des "délits d'initiés" du groupe aéronautique EADS pour lequel le Conseil constitutionnel a confirmé le principe du non bis in idem, selon lequel une personne ne peut être jugée deux fois pour les mêmes faits. Or les prévenus avaient été innocentés par l'autorité des marchés financiers (AMF) avant d'être renvoyés en correctionnelle.

C'est sur le même fondement que les avocats de Wildenstein et Cahuzac, tous deux poursuivis ou sanctionnés par l'administration fiscale, tentent aujourd'hui d'obtenir des Sages un élargissement de la jurisprudence EADS et l'annulation de leur procès.

 

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