Loi Evin sur l'alcool : pas question d'y toucher, affirme Marisol Touraine (VIDEO)

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JmC
Publié le 08 juin 2015 - 19:38
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Des bouteilles de vin rosé.
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©P.Magnien/20 minutes/Sipa
La loi Evin en 1991 avait pour but de limiter la publicité pour l'alcool.
©P.Magnien/20 minutes/Sipa
Face à la possible remise en cause, par un amendement parlementaire, de la loi Evin sur l'alcool, la ministre de la Santé Marisol Touraine a réagi lundi, en prenant fermement position pour le statu quo.

Pas question de toucher à la loi Evin qui restreint la publicité pour l'alcool, a annoncé lundi la ministre de la santé Marisol Touraine, alors qu'un amendement est examiné par les parlementaires pour l'assouplir. "J'appelle chacun à prendre ses responsabilités, c'est-à-dire à ne pas changer la loi", a-t-elle dit.

Son ancien prédécesseur Claude Evin, auteur de la loi de 1991 qui porte son nom, a exprimé son inquiétude dans les colonnes du Parisien: un amendement à la loi Macron sur la modernisation de l'économie, adopté par les sénateurs le 3 juin, était en discussion ce lundi 8 à l'Assemblée nationale, en commission. Ce texte, proposé par le sénateur Claude César (Les Républicains), instaurerait que pour justifier une action en justice contre une publicité pour de l'alcool, deux critères soient nécessaires: prouver que la personne fait la promotion de l'alcool au sens large, mais également que cette communication soit "susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne".

"Même s’il semble technique, cet amendement libérera de facto la possibilité de faire de la publicité en faveur de l’alcool, et ce quasiment sans limite", s'inquiète Claude Evin. "Dans les faits, réunir ces deux critères sera impossible! Du coup, les tribunaux se concentreront sur le fait de savoir s’il s’agissait, ou non, d’une publicité, sûrement sans parvenir à trancher, oubliant le vrai débat: le produit lui-même".

Le sénateur Claude César, ancien viticulteur bordelais, affirme que son amendement n'est pas destiné à remettre en cause la loi Evin mais à la clarifier, en différenciant publicité et promotion et en établissant une différence entre les alcools forts et le vin: il faut, selon lui, dissocier "la pratique du +binge drinking+, qui consiste à boire de grandes quantités d’alcool, souvent fort, en peu du temps, et qui entraîne des drames chez les jeunes", de la consommation de vin en tant que "produit qui accompagne agréablement un repas, et est associé à la gastronomie".

C'est pourtant bien une remise en cause de la loi Evin que suggère cet amendement, a réagi Marisol Touraine. "Je désapprouve cet amendement, et je le désapprouve très fermement, en rappelant que des débats ont eu lieu dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, à l'Assemblée nationale, et que ces débats avaient abouti, en discussions collectives, à maintenir l'équilibre", a-t-elle déclaré sur BFMTV.

"L'équilibre, ça veut dire qu'on peut faire de la promotion pour des alcools, avec des garde-fous", a-t-elle ajouté. "Il y a ces garde-fous qui visent à empêcher que des jeunes, notamment, mais aussi d'autres, soient soumis à une publicité intempestive. Donc on peut faire de la promotion, mais pas de publicité libéralisée, pas de publicité dans des conditions qui ne sont pas maîtrisées".

Elle a reçu le soutien du porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, également ministre de l’Agriculture (et donc des viticulteurs). "Il faut faire très attention aux équilibres de la loi Evin. Dès qu’on rouvre ce débat, quelles sont les limites qu’on met?", a-t-il mis en garde sur France Inter. "Depuis que je suis arrivé, j'ai toujours été défenseur de la viticulture", a-t-il précisé, ajoutant avoir eu "une discussion sérieuse avec Marisol Touraine, qui avait abouti au statu quo sur la loi Evin". 

Défenseurs de la santé publique contre partisans des viticulteurs: le débat entre les lobbies est donc relancé, et la position gouvernementale a provoqué des réactions de part et d'autre, à droite comme à gauche. Ainsi le député PS de la Gironde Gilles Savary a dénoncé dans un communiqué la "surréaction du lobby hygiéniste" à cet amendement qui, selon lui, "ne remet nullement en cause ni l'esprit ni la lettre de la loi Évin, mais vise à éviter que, dans notre pays, dont la tradition viticole ancestrale s'est fortement imprimée dans la culture, et désormais dans notre économie et dans les rares succès de notre commerce extérieur, il devienne risqué pour un journaliste, un cinéaste ou un romancier d'évoquer nos produits vinicoles ou d'y faire référence".

Dans un courrier adressé le 5 juin aux députés, les associations de lutte contre l'alcoolisme affirment au contraire que le vote de l’amendement "constituerait une défaite pour la santé publique mais aussi une honte pour notre pays". "Aujourd’hui, avec la loi Evin, on peut obtenir des sanctions contre des opérations qui, sous couvert d’information, font la promotion de l’alcool", explique ainsi le docteur Alain Rigaud, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa).

Derrière le tabac et largement devant les accidents de la route, l'alcool est la deuxième cause de mortalité en France. Il a provoqué le décès prématuré de 49.000 personnes en France en 2009 (derniers chiffres connus).

(Voir ci-dessous la réaction de Marisol Touraine sur BFMTV):

 

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