Loi Travail : la contestation prend une nouvelle ampleur
Blocages en cascade, pénurie de carburants, perturbations sur les routes, les ports et les centrales nucléaires, nouveaux défilés: la contestation au projet de loi Travail a pris ce jeudi 26 une nouvelle ampleur et créé des dissonances majeures au sein du gouvernement, à la recherche d'une sortie de crise. Inédite sous un gouvernement socialiste, la mobilisation entamée il y a deux mois et demi est montée d'un cran depuis le week-end dernier avec l'entrée en lice des salariés des sites pétroliers et des difficultés grandissantes d'approvisionnement en carburant.
A un peu plus de deux semaines de l'Euro de foot et pour éviter la paralysie du pays, le gouvernement cherche une issue face à la combativité de la CGT et de son secrétaire général Philippe Martinez. Mais depuis mardi 24, des discours contradictoires dans la majorité et le gouvernement sèment la confusion, exacerbées ce jeudi après que le Premier ministre Manuel Valls a recadré du tac au tac son ministre des Finances Michel Sapin, réaffirmant qu'il "ne toucherait pas" à l'article 2 du projet de loi El Khomri, le plus contesté. Depuis le Japon, François Hollande lui a donné raison. Cet article donne la primauté aux accords d'entreprises dans l'aménagement du temps de travail, une ligne rouge pour les syndicats qui jugent le texte destructeur pour les droits des salariés.
Ce jeudi, l'Ouest était à nouveau très touché par cette 8e journée d'action nationale à l'appel de l'intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef-Fidl-UNL, avec des barrages filtrants à Caen ou encore le blocage d'un dépôt de bus à Rennes. Le blocage de la zone aéroportuaire de Nantes continuait en fin de matinée d'entraîner de gros bouchons à l'entrée de l'aéroport mais aussi sur le périphérique, selon la préfecture de Loire-Atlantique, où la raffinerie Total de Donges est "à l'arrêt complet depuis ce (jeudi) matin", d'après la CGT.
"Le but, c'est surtout un blocage économique car c'est l'économie qui commande ce dumping social", a expliqué à l'AFP Pascal Busson, secrétaire général CGT Airbus Nantes. A Cherbourg, fief du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, l'usine de sous-marins nucléaires du groupe DCNS, qui emploie 2.000 personnes (hors sous-traitant) était "totalement bloqué", selon la police. A Rennes, au moins 3.500 personnes, selon la préfecture, défilaient en fin de matinée pour réclamer "un code du travail du XXIe siècle" et des "droits nouveaux", selon les mots inscrits sur la banderole syndicale. Une autre, portée par des jeunes, proclamait "Faute de fioul, fous ta cagoule".
Dans la capitale bretonne comme à Paris et dans d'autres villes, des violences avaient émaillé les précédents défilés. Le sud du pays n'était pas en reste avec plus d'un millier de manifestants à Marseille et Montpellier ou encore le blocage par la CGT des dépôts de carburants d'Ajaccio et de Bastia. Seul incident noté à la mi-journée, à Vitrolles, au nord de Marseille. Un chauffeur de poids lourd a tenté de forcer un barrage, blessant très légèrement deux manifestants, avant d'être placé en garde à vue. Si les salariés du nucléaire ont rejoint le mouvement ce jeudi avec une grève votée dans les 19 centrales de France, l'approvisionnement électrique n'était pour l'heure pas compromis, selon RTE, gestionnaire du réseau national à haute tension.
Peu de perturbations à la SNCF également, où les grévistes souhaitent surtout peser dans les négociations sociales du rail, et aucune dans les aéroports parisiens, les compagnies ayant anticipé les conséquences de la grève, notamment, des aiguilleurs du ciel en annulant 15% des vols à Orly. En revanche, aucun quotidien national, à l'exception de L'Humanité, n'était en kiosque ce jeudi. Des responsables de ces journaux ont vivement critiqué la CGT du Livre pour avoir empêché la parution de leurs titres après leur refus de publier une tribune de Philippe Martinez, une exigence "scandaleuse".
Avec six raffineries sur huit à l'arrêt ou au ralenti et environ un cinquième des quelque 11.500 stations-service en rupture partielle ou totale d'approvisionnement, les site pétroliers retenaient toute l'attention du gouvernement. Matignon a ainsi indiqué ce jeudi que Manuel Valls recevrait les acteurs du secteur samedi 28. Partisan du projet de loi, le numéro un de la CFDT Laurent Berger a dénoncé "l'hystérisation" du climat politique et social, refusant l'hypothèse d'un retrait du texte. Selon un sondage Ifop pour RTL publié ce jeudi, six Français sur dix estiment le mouvement contre la loi travail "justifié".
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