Macron : 100€ de plus pour le Smic ? Pourquoi c'est faux

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Damien Durand
Publié le 11 décembre 2018 - 11:32
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Le président de la République Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 à Paris
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© Yoan VALAT / POOL/AFP
Le Smic en tant que tel n'augmentera pas de 100 euros comme l'a laissé entendre Emmanuel Macron.
© Yoan VALAT / POOL/AFP
Emmanuel Macron a utilisé lors de son allocution une formule alambiquée: "Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019...". Mais dans les faits ce ne sera pas le Smic qui augmentera majoritairement mais bien la Prime d'activité, que tous les Smicards ne touchent d'ailleurs pas.

Il y a d'abord eu le geste apparent pour les salariés les plus modestes: "Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019..." Puis le moment de flottement: "...sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur". C'est donc une hausse du Smic étrange qu'a annoncée le président de la République comme principale mesure de son allocution du lundi 10 pour tenter d'éteindre la fronde des gilets jaunes qui secoue la France depuis le 17 novembre. Sauf que rapidement, une fois les précisions demandées auprès des autorités, les contours réels de l'annonce se précisent: non, le Smic n'augmentera pas. Ce sont les Smicards qui seront augmentés via la Prime d'activité. Du moins pour ceux qui y sont éligibles. 

Il y aura bien une augmentation du Smic au 1er janvier mais Emmanuel Macron n'y est pour rien. Le salaire minimum est automatiquement revalorisé via une formule complexe basée sur l'inflation constatée pour les 20% de ménages aux plus faibles revenus et la moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire horaire de base ouvrier et employé. Grâce à ce système, le Smic net augmentera d'un peu plus de 20 euros nets en début d'année. Une hausse qui se serait produite même si Emmanuel Macron n'avait rien dit. Une augmentation au passage qui, elle, est bien payée par les employeurs quoi qu'en dise le président de la République.

Les 80 euros restants proviendront, eux, de la hausse de la Prime d'activité, cette allocation de la CAF dont le but et de gonfler les bas salaires pour inciter les travailleurs à exercer une activité plutôt que de se contenter des minimas sociaux. Pour un Smicard, dans le cas d'un célibataire sans enfant, son niveau est actuellement de 155 euros mensuels. Elle devrait augmenter de 80 euros à partir du mois d'avril –étant basée sur les revenus des trois derniers mois– comme le confirme à l'AFP une source de l'Elysée.

Lire aussi: La hausse de 100 euros au niveau du Smic ne reposera pas sur les entreprises

Problème: si le gain est réel, l'annonce du président de la République est très largement "surcotée". En effet, Emmanuel Macron avait annoncé dans son programme présidentiel (voir ici) sa volonté d'augmenter de 50% la prime d'activité. Elle devait d'ailleurs déjà grimper de 30 euros environ en 2019. Le Smic, sans aucune annonce présidentielle, aurait donc déjà pris 50 euros en 2019. Le vrai "cadeau" n'est donc plus que de 50 euros constitué d'une accélération de la réforme, en impactant pour 2019 les hausses prévues en 2020 et 2021.

Conclusion? Oui, le revenu de certains Smicards va augmenter, le geste est indéniable. Il sous-entend cependant  qu'il faille toucher la prime d'activité, ce à quoi tous les Smicards n'ont pas droit. Le plafond de revenus pour un couple avec deux enfants étant de 2.900 euros de revenus, un Smicard en couple avec un conjoint gagnant 1.750 euros ne se contetera que de la hausse mécanique de 20 euros au 1er janvier. Autrement dit, non seulement les termes utilisés par le président dans son allocution sont factuellement erronnés (à dessein?), mais, de plus, ce qui devait être l'annonce la plus importante de la déclaration à tout du pétard mouillé. C'est donc bien Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, qui disait vrai dimanche 9 lorsqu'elle annonçait sur LCI que le gouvernement n'envisageait pas de hausse du Smic (car "ça détruit des emplois"). Emmanuel Macron ne l'envisage pas non plus malgré son allocution qui a visé à faire penser le contraire.

Voir aussi:

Les "coups de pouce" au Smic depuis 1981

Gilets jaunes - Hausse du Smic, heures supplémentaires, CSG, ISF: ce qu'a dit Macron

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