Marseille : des centaines de familles SDF, une crise qui n'en finit pas

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Par Francois BECKER - Marseille (AFP)
Publié le 28 novembre 2018 - 07:00
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L'un des deux immeubles effondrés à Marseille, le 8 novembre 2018
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© GERARD JULIEN / AFP/Archives
L'un des deux immeubles effondrés à Marseille, le 8 novembre 2018
© GERARD JULIEN / AFP/Archives

Marseille ne voit pas le bout du tunnel: trois semaines après l'effondrement de deux immeubles du centre-ville, la mairie évacue tous azimuts des logements vétustes et peine à prendre en charge le millier d'habitants devenus sans domicile fixe du jour au lendemain.

"Quand est-ce que je vais rentrer chez moi? Personne n'est capable de me répondre", se lamente Louise Bègue, qui partage avec son bébé de 10 mois et sa fille de quatre ans une chambre d'hôtel face au Vélodrome: "J'espère ne pas y passer Noël...".

Mardi soir, l'adjoint au maire délégué à la prévention et la gestion des risque Julien Ruas s'est voulu rassurant: "Il y a beaucoup de personnes qui vont rentrer chez elle dans quelques semaines dès lors que les propriétaires auront réalisé les travaux", a-t-il assuré lors d'une conférence de presse.

En attendant, pour Louise Bègue, de la lessive au coucher, tout vire au casse-tête. La mairie a servi 3.500 repas dans un "restaurant solidaire" sur la Canebière, mais il faudrait prendre le métro. Et à Marseille, la poussette n'y entre pas... Alors cette mère célibataire de 25 ans n'a pu offrir à ses enfants en une semaine que "snack, pizza, Quick et McDo".

- "Pas des SDF!" -

Au petit-déjeûner de l'hôtel, certains glissent un fromage emballé ou un bout de pain dans leur poche, pour tenir la journée. Les nerfs sont à vif. "On n'est pas des SDF !", s'emporte Kamel Belkacem : l'hôtel est propre et confortable mais avec son épouse et leurs quatre enfants, ils ont dû changer "deux fois de chambre en trois jours".

lendemain.

Depuis le drame de la rue d'Aubagne, qui a fait huit morts le 5 novembre, la municipalité, clouée au pilori par les habitants, fait évacuer des centaines de logements potentiellement dangereux: au total la ville comptait mardi soir 188 immeubles fantômes.

Et 95 appartements devraient encore être évacués prochainement dans l'une des plus grandes copropriétés dégradées de la ville, dans les quartiers Nord.

Pour la plupart à l'hôtel, 1.436 "délogés" sont déjà pris en charge, et la mairie relaie les appels aux dons pour des produits aussi essentiels que du savon, du shampooing ou des couches.

Dans dix mètres carrés pour six, les valises gisent ouvertes sur la moquette grise, les trois lits sont jonchés de vêtements. Les enfants ne vont plus à l'école : trop loin, trop compliqué. "Un matin, on m'a dit +vous partez de chez vous ou la police va venir+. J'ai sorti la petite pieds nus, j'avais pas de tétine, rien. J'ai dû aller gratter des habits à la Croix Rouge", se souvient la maman, Aïcha Belkacem.

La famille Belkacem, comme beaucoup, ne comprend pas pourquoi elle a dû quitter un appartement où elle ne se sentait pas en danger. Le plus souvent, un voisin appelle les pompiers, et quelques heures plus tard, tout l'immeuble est dehors.

Comme des centaines d'autres, Alice Vezies, évacuée du quartier de Belsunce, près de Vieux-Port, attend un arrêté de péril, au lieu de la simple "attestation d'évacuation" que son assurance ne reconnaît pas. Si la municipalité le délivre, il lui permettra de faire valoir ses droits. Sinon ? Elle ne sait pas...

"La mairie m'a appelé au bout d'une semaine... pour me dire qu'ils avaient réussi à m'obtenir une brosse à dents", raille la jeune femme, active dans le collectif "Noailles en colère", du nom du quartier du drame du 5 novembre.

Egalement membre, Maël Camberlein représente les propriétaires-occupants: des évacués, souvent modestes, qui se plaignent de devoir se débrouiller quand la prise en charge est automatique pour les locataires.

Leur collectif dénonce une "psychose organisée par les pouvoirs publics et (le) non-respect des droits des personnes délogées" et a réclamé la réquisition administrative des logements vides à Marseille. De son côté, la mairie assure avoir identifié 296 logements disponibles dans la ville. Mais les relogements se font au compte-gouttes: 20 baux ont été signés en trois semaines.

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