Pesticides néonicotinoïdes : Le Foll s'oppose à leur "interdiction brutale"

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 15 mars 2016 - 20:18
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Portrait de Stéphane Le Foll.
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©Jacky Naegelen/Reuters
"La mortalité des abeilles, j'en ai parfaitement conscience", assure Stéphane Le Foll.
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A l'occasion du débat sur le projet de la loi biodiversité ce mardi à l'Assemblée, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a indiqué être opposé à l'"interdiction brutale" des pesticides néonicotinoïdes haïs des écologistes. Car pour lui, il n'existe pour l'heure pas d'alternative valable à ces insecticides.

Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, s'oppose à "l'interdiction brutale" des insecticides néonicotinoïdes et s'en justifie auprès des députés, à l'occasion du débat sur le projet de loi biodiversité, qui a débuté ce mardi 15 dans l'après-midi l'Assemblée. L'approche du ministre n'est pas de "multiplier les normes ou les interdictions brutales", car au contraire "c'est la transition vers une transformation des systèmes de culture dans leur ensemble qui nous permettra de réduire l'usage aujourd'hui nécessaire de certains produits", explique-t-il dans une lettre datée du 11 mars dont l'AFP a obtenu copie ce mardi. M. Le Foll veut aussi éviter les "distorsions entre les agriculteurs français et le reste des agriculteurs européens" en interdisant ces substances en France uniquement, précise-t-il.

Devant la commission des Affaires européennes de l'Assemblée, le ministre a de nouveau défendu ce mardi l'idée de ne pas "surtransposer" les directives européennes "et interdire en France ce que les autres pays (de l'UE) autorisent" - reproche très fréquemment exprimé par les agriculteurs à l'endroit des gouvernements, notamment lors du Grenelle de l'environnement sous Nicolas Sarkozy. Surtout, a-t-il insisté, "si on supprime les néonicotinoïdes, quelle est l'alternative? Je n'en ai pas, ni moi, ni les agriculteurs qui vont venir me dire: +si les autres peuvent les utiliser, nous aussi+", a-t-il martelé, "donc ce que je demande c'est de la cohérence au sein de l'Europe". Cette action "doit se conduire au bon niveau, au niveau européen, et en tenant compte des alternatives agronomiques disponibles pour lutter efficacement contre les ravageurs des cultures", a-t-il argumenté dans sa lettre aux parlementaires, dont Le Monde a le premier révélé l'existence.

Interdire ces insecticides en France pourrait se traduire, selon le ministre, "par un recul de la politique que mène le gouvernement pour protéger les pollinisateurs, domestiques ou sauvages, et pour réduire le recours aux produits phytosanitaires", a-t-il ajouté. "Je n'ai aucun intérêt chez les grands producteurs de néonicotinoïdes", a répété M. Le Foll devant les élus, "mais aujourd'hui je n'ai pas d'alternative et si on interdit les néonicotinoïdes en France uniquement, on va pénaliser les producteurs".

Pour la Fondation Nicolas Hulot au contraire, "les alternatives sont prêtes". "Il y a des pays qui ont déjà interdit ces pesticides néonicotinoïdes, notamment l'Allemagne et l'Autriche, avec des alternatives qui fonctionnent", a affirmé à l'AFP son porte-parole Denis Voisin. "Ce courrier sous-entend que la seule alternative possible aujourd'hui en France (...) ce serait d'autres pesticides plus dangereux, ce qui pour nous est vraiment choquant", a-t-il ajouté. L'ONG s'interroge sur "la cohérence" entre les déclarations de M. Le Foll sur son "ambition" de développer l'agroécologie et ce courrier.

"La mortalité des abeilles, j'en ai parfaitement conscience", a pourtant repris M. Le Foll devant les députés, "mais il n'y a pas que les néonicotinoïdes, sinon le problème serait réglé depuis longtemps". Il a cité le cas de l'Ariège, qui a compté une surmortalité d'abeilles de 50% alors qu'on n'y trouve pas de céréales - donc de néonicotinoïdes. Le ministre de l'Agriculture précise également dans sa lettre que la hausse de 9,4% des ventes de produits phytosanitaires entre 2013 et 2014 était "due à une augmentation des ventes d'herbicides et de fongicides", mais que "le recours aux néonicotinoïdes baisse de 3% à 4% en moyenne entre 2011 et 2014".

Seize organisations apicoles, agricoles et environnementales, dont l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), ont appelé ce mardi matin les députés à voter "l'interdiction totale des produits à base de néonicotinoïdes", lors d'un rassemblement près de l'Assemblée nationale. Selon l'Unaf, une centaine de produits phytosanitaires contiennent des néonicotinoïdes alors qu'il n'existe pas de famille de pesticides plus toxiques pour les abeilles en exposition chronique.

L'interdiction des produits néonicotinoïdes avait été votée en première lecture à l'Assemblée en mars 2015, contre l'avis du gouvernement, puis le Sénat était revenu dessus en janvier dernier, tout en prévoyant un encadrement de leur usage.

 

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