Procès Cahuzac : bataille juridique sur la tenue ou le report des débats

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 09 février 2016 - 10:24
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Jérôme Cahuzac.
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©Benoît Tessier/Reuters
Le procureur a rappelé les actions de Jérôme Cahuzac "pour renforcer la sanction de la fraude fiscale" lorsqu'il était ministre du Budget.
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Les procès pour fraude fiscale de Jérôme Cahuzac a débuté par des débats sur la légalité des poursuites. Ses avocats dénoncent une double sanction, interdite en droit, puisque l'ancien ministre a déjà subi un redressement fiscal, entrainant une réponse cinglante du procureur.

Le procès pour fraude fiscale de l'ex-ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, trois ans après le séisme politique provoqué par son mensonge sur son compte caché à l'étranger, s'est ouvert lundi sur une austère bataille juridique, dont l'issue déterminera la tenue ou le report des débats.

Jérôme Cahuzac, 63 ans, comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris pour fraude fiscale et blanchiment, ainsi que pour avoir "minoré" sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement.

Le tribunal dira mercredi matin s'il peut être jugé comme prévu, jusqu'au 18 février, ou si le procès est reporté pour prendre en compte des questions de la défense sur la conformité des poursuites à la Constitution.

Etoile montante de la gauche, ce fils de résistants qui devait incarner le "redressement" budgétaire a finalement été le premier accroc à la "République exemplaire" promise par François Hollande. Acculé à la démission en mars 2013, c'est un homme seul qui est arrivé au palais de justice, se frayant difficilement un chemin dans la cohue à travers une meute de caméras et micros, tout en regardant fixement devant lui.

A l'audience, il s'est tenu droit, concentré sur les arides premiers échanges. "Je suis actuellement retraité", a-t-il dit d'une voix neutre, costume sombre sur chemise blanche. Pas un regard pour son ex-épouse, Patricia Ménard, et ceux qui furent leurs conseillers: le banquier suisse François Reyl et l'ex-avocat Philippe Houman. Ils risquent une peine allant jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende.

Les avocats de Jérôme Cahuzac, Jean Veil et Jean-Alain Michel, ont déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), contestant le cumul de sanctions pénales et fiscales, tout comme celui de Patricia Ménard, Sébastien Schapira.

Les avocats ont rappelé que l'ex-ministre avait "accepté un redressement fiscal et une majoration de 80%". "Cette affaire est terminée", a martelé Me Veil, jugeant le "cumul" des poursuites "irrégulier et contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme".

"Double poursuite, double sanction!", a dénoncé Me Schapira, qui a appelé à "considérer la sévérité de la sanction financière", Patricia Cahuzac s'étant acquittée d'un redressement majoré, de plus de deux millions d'euros.

Cinglant, le procureur a rappelé au fraudeur la rigueur qu'il prônait à Bercy. "Lorsqu'il était ministre, il a fait voter une loi (...) pour renforcer la sanction de la fraude fiscale. Aujourd'hui, la loi ne devrait pas s'appliquer, à lui seul?",  a demandé Jean-Marc Toublanc, relevant entre autres la "disproportion manifeste, en termes de gravité, entre les sanctions fiscale et pénale".

Si le tribunal accepte ces QPC, le procès sera reporté de plusieurs mois, comme c'est arrivé récemment au marchand d'art Guy Wildenstein, également jugé pour fraude fiscale. Une affaire citée à la barre, de même qu'un précédent retentissant, celui d'EADS, dans lequel le Conseil constitutionnel avait mis fin à la procédure pénale car les faits avaient déjà été examinés par une juridiction administrative, invoquant le principe interdisant de juger et sanctionner deux fois le même délit.

Coup de tonnerre politique, l'affaire Cahuzac débute en décembre 2012, quand le site Mediapart révèle que le ministre a possédé un compte caché à l'étranger. Le ministre commence par tout nier. "Les yeux dans les yeux" des médias, des députés, du président. Mais les preuves s'accumulent et il passe aux aveux. L'instruction démontera les mécanismes d'une fraude fiscale "obstinée", "sophistiquée" et "familiale".

A l'origine de l'entreprise, Jérôme Cahuzac, chirurgien de formation, et sa femme, dermatologue, qui ont tenu une florissante clinique spécialisée dans les implants capillaires. Il fallait placer l'argent qui coulait à flot, de la clinique mais également des activités de conseil de Jérôme Cahuzac auprès de laboratoires pharmaceutiques.

Sont décrites les routes toujours plus sinueuses de la fraude. Un premier compte ouvert par un "ami" en 1992, puis un autre au nom de Cahuzac. Lorsque le sacro-saint secret bancaire suisse se fissure en 2009, les quelque 600.000 euros qu'y détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, via une société enregistrée aux Seychelles et mise en place par un intermédiaire à Dubaï.

Les époux Cahuzac ouvrent aussi ensemble un compte sur l'île de Man en 1997 pour déposer des chèques de leurs patients anglais. Patricia Cahuzac ouvre en 2007 son propre compte suisse, sur fond de brouille avec son époux.

Même les comptes de la mère de l'ex-ministre ont servi à "blanchir" des chèques établis par des clients de la clinique.

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