Sans-abri à Paris : une Nuit de la solidarité pour compter "ceux que l’on ne voit pas"

Auteur(s)
Victor Lefebvre
Publié le 16 février 2018 - 12:32
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Une équipe de bénévole durant la Nuit de la solidarité 2018.
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©Gerard Julien/AFP
Quelqu 1.700 bénévoles ont arpenté les rues de Paris pour compter et interroger les sans-abri durant la Nuit de la solidarité.
©Gerard Julien/AFP
La Ville de Paris organisait jeudi soir la première Nuit de la solidarité. L’objectif était de compter les sans-abri dans toute la capitale et de comprendre leurs besoins alors que les chiffres précis ou simplement réalistes font cruellement défaut. "France-Soir" a suivi une équipe de bénévoles, partagés entre appréhensions et volonté d'aider, à la découverte de la réalité de la rue.

Ils étaient quelque 1.700 jeudi 15 au soir pour participer à la Nuit de la solidarité à Paris, vaste opération de comptage des sans-abri qui doit également permettre de comprendre pourquoi ils ne sont pas hébergés. Un travail délicat pour les professionnels du social et bénévoles, souvent déjà engagés dans la lutte contre l’exclusion mais aussi simples citoyens concernés. 

Une participante explique être là pour aller à la rencontre des sans-abri, pour "connaître leur vie au quotidien, voir ceux que l’on ne voit pas, connaître leur nombre", plutôt que de se contenter d’attendre qu’ils viennent demander de l’aide.

Voir: Nuit de la Solidarité: 1.700 bénévoles pour compter les SDF

Pour la centaine de personnes réunies à la mairie du 18e arrondissement pour un briefing, quelques appréhensions demeurent avant le départ. Or cas d’urgence, ils n’ont pas pour mission de venir en aide aux SDF. Même après leur avoir demandé ce dont ils auraient besoin comme le veut le questionnaire, ils ne pourront que leur donner des contacts ou proposer un rendez-vous avec un travailleur social pour le lendemain. "On va devoir dire +non+ s’ils demandent de l’argent, à manger ou qu’on appelle le 115 pour eux. Ce qu’on fait est utile même si ça peut paraître dégueulasse sur le moment", explique un chef d’équipe à ses bénévoles.

Des consignes sont données pour faire face aux personnes ou groupes alcoolisés ou agressifs. Quelques minutes avant le départ, deux équipes exclusivement féminines par le hasard des affectations demandent "une présence masculine", pour leur secteur respectif de la porte de la Chapelle et de la Goutte d’or. 

Lire aussi: un ministre l'assure: seulement "50 personnes" dorment dans la rue en Île-de-France

Une fois dans la rue, une autre difficulté apparaît. La consigne est de ne pas se laisser orienter par les a priori sur les "situations de rue". Il faut donc interroger des personnes qui n’ont pas forcément l’aspect "type" du SDF mais sont immobiles devant une porte, à l’arrêt de bus... Pour obtenir la photographie la plus précise possible de la situation, il faut donc prendre le risque de vexer certains passants, et jongler entre pragmatisme et délit de faciès.

L’équipe que nous suivons est affectée à une trentaine de pâtés de maisons entre la place Jules Joffrin et la butte Montmartre. Il ne faudra que quelques mètre pour sortir une première fois le questionnaire. Cette femme allongée sur des cartons est SDF depuis quatre ans. La veille, le 115 lui avait trouvé un hébergement. Ce soir, elle dort rue Ordener.

Finalement, après plus de deux heures de marche l’équipe ne trouvera que deux personnes à l’évidence en situation de rue. Elle en apercevra d’autres mais situées sur un autre secteur. Certains se déplacent et ne seront croisés que de loin. Plusieurs amas de cartons, matelas et couvertures vides émaillent les rues. Les bénévoles sont partagés entre frustration et soulagement que la prise en charge semble fonctionner.

Lire aussi: Louis Gallois "déplore une volonté politique de minorer le nombre du SDF"

Mais ce quartier animé n’est qu’un parmi les 350 qui couvrent Paris ce soir. Une équipe voisine ne croisera tout simplement personne. Il faut dire que les gares, stations de métro et hôpitaux sont couverts par la SNCF, la RATP et l’AP-HP. Une bénévole qui a opéré dans le secteur de la porte d’Aubervilliers raconte avoir rencontré une quinzaine de personnes, toujours en groupe. "J’ai reçu un appel de l’équipe de la porte de la Chapelle", secteur connu pour ses multiples campements, "ils ne peuvent même pas les compter avec précision tant il y sont nombreux", et parfois réfugiés dans des tentes, lâche une cheffe d’équipe.

Des personnes isolées peu nombreuses mais des groupes importants, le constat de ces quelques équipes du 18e n’est qu’une partie de la "photographie" que souhaite réaliser annuellement la Ville de Paris. Une photographie volontairement réalisée pendant le plan grand froid, lorsque les services d’aide et d’hébergement sont mobilisés à leur maximum.

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