SNCF - Statuts, privatisation, concurrence : pourquoi les cheminots font-ils grève ?

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 04 avril 2018 - 19:11
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Des employés syndiqués de la SNCF lors d'une assemblée générale à la gare de Lyon Perrache le 3 avril 2018
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© JEFF PACHOUD / AFP
La réforme de la SNCF contient de nombreux points dénoncés par les syndicats.
© JEFF PACHOUD / AFP
La grève de la SNCF pourrait durer près de trois mois si le gouvernement et les syndicats ne parviennent pas à un compromis. Retour sur les raisons de ce mouvement social.

La grève perlée et d'une durée exceptionnelle de la SNCF a débuté mardi 3. Un mouvement social né du projet de réforme de l'établissement public. Si le gouvernement assure que celle-ci n'entraînera ni privatisation, ni baisse de qualité du service ni fermeture de lignes, les syndicats mettent en avant les inconnues et non-dits sur le sujet. La suppression du statut des cheminots est également au cœur du débat. Retour sur ces points de friction.

> Le statut des cheminots

La réforme de la SNCF prévoit la suppression du statut de cheminot et des avantages qu'il confère pour les nouvelles embauches. Ce contre quoi s'élèvent les syndicats. S'il est considéré par beaucoup comme un avantage injustifié, les syndicats martèlent qu'il est loin d'être à l'origine des problèmes rencontrés par la SNCF.

> Le changement de statut de l'entreprise et la crainte d'une privatisation

La réforme prévoit que la SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), devienne une société anonyme dont la totalité des capitaux serait détenue par l'Etat et "incessible", assure la ministre des Transports Elisabeth Borne.

Aller plus loin: SNCF, d'établissement public à société privée, pourquoi cette réforme?

Elle deviendrait donc par la forme juridique une entreprise de droit privé mais toujours publique dans les faits. Mais les syndicats redoutent qu'il ne s'agisse là que d'un premier pas vers la privatisation, le caractère incessible de ces parts pouvant être modifié par une autre réforme, tandis que le statut d'Epic constitue un garde-fou contre toute velléité de privatisation.

> L'ouverture à la concurrence, la grande inconnue

Une directive européenne impose aux Etats membres de préparer l'ouverture du rail à la concurrence dès 2018. Celle-ci devrait débuter en France en 2019. Or, le gouvernement estime -notamment en se basant sur le fameux rapport Spinetta- que pour se préparer à cette concurrence, la SNCF doit améliorer ses services et ses prix. Ce qui risque de se traduire par des coups de rabots.

Pour le gouvernement, la mise en concurrence va naturellement avoir des conséquences positives pour le voyageur comme cela a pu être le cas en Allemagne. Mais les syndicats présentent le contre-exemple britannique, dénonçant une "doctrine libérale" qui ne serait bonne ni pour les salariés ni pour les usagers.

Lire aussi: l'Allemagne et la Grande-Bretagne, deux visages de la libéralisation du rail

> La disparition des "petites lignes"

Dans cette même logique de "libéralisation", les syndicats mettent en avant le risque d'une suppression des 9.000 km de petites lignes, peu rentables mais indispensables au désenclavement des territoires. Le rapport Spinetta a en effet indiqué que "l'économie liée à la fermeture des petites lignes pour le système s'élèverait a minima à 1,2 milliard d'euros annuels".

Le gouvernement a assuré qu'il ne retiendrait pas cette partie du rapport. Reste à savoir à combien se montera son "accompagnement" des régions (selon les mots d'Elisabeth Borne) à qui incombent l'entretien de ces lignes.

Voir: Petites lignes ferroviaires - les maires demandent des "objectifs de service public"

> La reprise de la dette

La nouvelle SNCF devra être plus concurrentielle, mais elle part avec une dette colossale de 47 milliards d'euros et 8 milliards pour SNCF Mobilités. L'Etat s'est dit prêt à en prendre à son compte une partie, à condition que sa réforme soit mise en place. Mais il n'a pas chiffré ce montant. En absorber la totalité apparaît compliqué en raison de l'impact sur le déficit public.

C'est pourtant ce que demande les syndicats qui jugent que ce sont les politiques publiques de grands travaux (les lignes TGV notamment) qui ont creusé cette dette. Ils considèrent également que la réforme ne permettra pas de la résorber, même en partie.

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