Syndicats : la CFDT fête ses 50 ans

Auteur(s)
Pierre Plottu
Publié le 05 novembre 2014 - 15:03
Mis à jour le 06 novembre 2014 - 18:18
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Manifestation CFDT, en 2012
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©PRM/Sipa
Manifestation contre la fermeture de l’usine ArcelorMittal de Florange, en mars 2012.
©PRM/Sipa
Première en nombre d’adhérents, deuxième en ce qui concerne la représentativité, la CFDT fête son 50e anniversaire. Après des années parfois houleuses, le syndicat paraît enfin apaisé en interne.

La CFDT fête ce vendredi 7 novembre ses 50 ans. Un anniversaire synonyme de réjouissances pour l’organisation qui a réuni 26% des suffrages aux élections professionnelles de 2013, ce qui la place en deuxième position juste derrière la CGT (26,77%) et largement devant FO (15,94%). Un excellent résultat pour la centrale, qui a su s’imposer aux premières loges du paysage syndical français après un demi-siècle de combats, de luttes intestines et de tâtonnements.

Palais des Congrès de Paris, 7 novembre 1964. "Le vote décisif a donné 70% pour l’évolution, c’est-à-dire pour le changement de titre et de statut. Et, à la suite de ce vote, notre confédération sera demain la Confédération démocratique du travail", déclare au micro de l’ORTF Eugène Descamps, sous les hourras de la foule.

Encore tout à son émotion, le secrétaire général de la CFTC (pour Confédération française des travailleurs chrétiens) a oublié une partie du nom de sa nouvelle organisation, fraîchement créée suite au vote des milliers de délégués représentants les syndicats composant la centrale. Car c’est bien la CFDT (Confédération française et démocratique du travail) qui vient de voir le jour sous l’œil des caméras. Un accouchement qui s’est fait dans une relative tranquillité, même si une partie (10% environ) des adhérents fait scission pour refonder la CFTC.

La CFDT se veut un syndicat désormais "déconfessionnalisé" et qui prône des valeurs de solidarité et de défense des intérêts des travailleurs, quels qu’ils soient, face au libéralisme économique. Une organisation qui va à rebours de la lutte des classes ou de l’aspiration à une révolution violente portées à l’époque par certains de ses homologues.

Elle soutient pourtant très vite la grève des étudiants de Mai 68 –en tout cas bien plus que la CGT, par exemple– et appelle les travailleurs à agir sur leur lieu de travail. C’est également la jeune centrale qui obtient du gouvernement Pompidou, lors des négociations des accords de Grenelle (du 25 au 27 mai 1968), la création des sections syndicales d’entreprise.

Un premier fait d’armes fondateur pour la CFDT, qui peine à s’affirmer face à une CGT alors hégémonique, bras armé syndical du Parti communiste. Une victoire qui pose les premiers jalons de la culture réformiste de la centrale. Même s’il faut attendre l’arrivée d’Edmond Maire à la tête du syndicat, en 1971, pour que ce positionnement soit peu à peu assimilé, digéré, puis revendiqué par l’ensemble de l’organisation.

Figure du syndicalisme français, l’homme au nez cassé et à la pipe aime l’action et, bien que timide, est un redoutable négociateur. Socialiste convaincu ayant appelé à voter pour François Mitterrand à la présidentielle de 1981, il n’en reste pas moins réservé au sujet de l’homme. "François Mitterrand avait le grand avantage de comprendre les rapports de force. Je crois qu'il m'estimait… ce qui n'était pas forcément réciproque. Pour moi, le progrès de la démocratie passe avant toute chose et j'ai du mal à considérer qu'il a fait progresser la démocratie en France", déclarait Edmond Maire il y a dix ans au Nouvel économiste.

Le leader cédétiste travaille néanmoins avec le président socialiste pour la création des lois Auroux (1982) sur le dialogue social en entreprise. C’est l’une des marques de fabrique du syndicat: le dialogue avec les dirigeants, de gauche comme de droite.

Les dirigeants successifs de l’organisation ont ainsi notamment négocié avec la gauche plurielle de Lionel Jospin (les 35 heures en 1997) et le gouvernement socialiste de François Hollande (sécurisation de l’emploi, 2013) tout autant qu’avec les gouvernements à prédominance RPR de Jacques Chirac (réforme des retraites, 1995) ou UMP de Nicolas Sarkozy (modernisation du marché du travail, 2008).

Une culture du compromis qui n’a pas été un long fleuve tranquille. En interne tout d’abord, comme lorsque Nicole Notat (secrétaire générale de 1992 à 2002) est obligée par quelques uns de ses propres adhérents de quitter précipitamment une manifestation en juillet 1995…

Vis-à-vis des autres syndicats, surtout, qui n’hésitent pas à accuser la même Nicole Notat ou encore François Chérèque (secrétaire général de 2002 à 2012) d’être des "traîtres" ou des "collabos".

Mais la centrale cédétiste résiste à ces remous et, forte des avancées sociales obtenues, revendique sa culture réformiste. Une culture faite de beaucoup de compromis –trop, disent ses détracteurs– et de peu de coups d’éclat, ce qui peut parfois être dur à avaler pour ses équipes. Car les symboles sont parfois aussi importants que les résultats.

Le syndicat ne semble pourtant pas en pâtir, comme le prouve sa deuxième place aux dernières élections professionnelles. Un résultat qui a surtout étonné par la petitesse de l’écart avec la CGT et qui a rassuré le nouvel homme fort cédétiste Laurent Berger, élu en 2012.

Le secrétaire général aura pourtant fort à faire dans les prochaines années. Car de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer une trop grande proximité de la CFDT avec le Parti socialiste. Ainsi, si les derniers congrès se sont bien passés, des tensions semblent ressurgir en interne du fait du soutien affiché par la centrale, mais difficile à assumer pour certains adhérents, à la politique menée par François Hollande et Manuel Valls.

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