A Versailles Macron définit le macronisme : un libéralisme thatchérien ?

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Pierre Plottu
Publié le 09 juillet 2018 - 22:17
Mis à jour le 10 juillet 2018 - 11:20
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Emmanuel Macron arrive au Congrès à Versailles, juillet 2018.
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Emmanuel Macron n'a pas hésité à plaider pour le "capitalisme populaire" de Margaret Thatcher.
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Au-delà des annonces, nombreuses, Emmanuel Macron a profité de son discours devant le Parlement réuni en Congrès ce lundi à Versailles pour faire la pédagogie de son action. Et il en ressort que le président affiche comme boussole idéologique un libéralisme assumé, n'hésitant pas à citer Margaret Thatcher en exemple.

Ouvrir et libérer: deux mots -les siens- qui résument parfaitement l'essence du discours d'Emmanuel Macron devant le Parlement réuni en Congrès, ce lundi 9 à Versailles. Outre une foison d'annonces (sur les retraites, l'assurance chômage, l'Islam... lire notre article ici), le président a surtout voulu rappeler sa boussole idéologique, celle qui guide son action, et faire œuvre de pédagogie alors qu'il est au plus bas dans les sondages, flirtant avec l'impopularité du recordman François Hollande. Un exercice de définition du macronisme par son inventeur, qui n'a pas hésité à plaider pour le "capitalisme populaire" de Margaret Thatcher, qui confirme le libéralisme profond du chef de l'Etat.

Emmanuel Macron s'est présenté ce lundi face aux parlementaires mais pour parler aux Français. "Humble" et conscient qu'il "ne peut pas tout et ne réussit pas tout", il a entamé son discours en un (rapide) mea culpa, assurant connaître "le doute" sur sa capacité à remplir la tâche qui lui a été confiée. C'est que celle-ci est immense puisque, selon lui, ce n'est rien de moins qu'un défi "civilisationnel" -celui de la "promesse républicaine" contre "la tentation du repli"- qui lui a été confié en mai 2017.  

Lire les premières réactions politiques au discours d'Emmanuel Macron devant le Congrès

Et si Emmanuel Macron dit parfois douter, il n'en estime pas moins avoir rempli sa part du contrat. "Cette année écoulée a été celle des engagements tenus (...) dans l'unité nationale, qui l'aurait cru?", a même lancé le président. Puis d'assurer que "les Français en voient les premiers fruits" notamment sur leur fiche de paie, tout en concédant un certain "décalage" entre les attentes de ses concitoyens et la réalité. "Il faut du temps", a-t-il toutefois relativisé.

Pendant un peu moins d'une heure trente le président a ainsi surtout loué son action, dont il estime toujours, malgré le désamour croissant des Français, qu'elle va dans la bonne direction. Elle seule permettra de dissiper "les peurs, les colères accumulées pendant des années" qui ont abouties à son élection. Et si celles-ci "n'ont pas disparues en une année", il n'en reste pas moins qu'il est toujours persuadé de tirer dans la bonne direction.

Ceux qui réclament que le président mettent en œuvre le volet social du "en même temps" macroniste en seront pour leur frais. Car le chef de l'Etat estime que son action est équilibrée et a même réfuté l'étiquette de "président des riches" qui lui colle à la peau: "une politique pour les entreprises, ce n’est pas une politique pour les riches. C’est une politique pour toute la nation, une politique pour l’emploi, une politique pour les services publics", a-t-il ainsi répondu.

Emmanuel Macron semble persuadé que son impopularité croissante est due au fait que les Français ne comprennent pas son action. Mais c'est nier les effets sur une partie de la population de la réforme de l'ISF, l'instauration de la flat taxe, la hausse de la CSG, la barémisation des indemnités prud'homales ou la baisse des APL, notamment. Nombreux sont ainsi ceux qui sont de plus en plus sceptiques quant au fait que la réussite des entreprises et des élites finira par leur profiter à titre individuel. C'est que la théorie du ruissellement dont Emmanuel Macron, bien qu'il s'en défende, passe pour être adepte a été mise à mal par Pierre Gattaz et son pin's "1 million d'emplois" promis en échange de la baisse des charges en 2013.

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La réponse d'Emmanuel Macron aux maux de la société française, celle qui le structure et définit son action, tient en un mot: le libéralisme. Ouvrir l'économie, libérer les freins à la croissance des entreprises, responsabiliser les citoyens, simplifier, encourager, inciter... le constat du président est celui d'une France dont le modèle social et le rôle de l'Etat sont à repenser pour "construire l'Etat providence du XXIe siècle".

Mais au-delà de cette expression, un totem de gauche, se cache un capitalisme libéral assumé. Le rôle de l'Etat doit ainsi essentiellement être de "faciliter l'initiative" (comprendre l'entreprenariat) puisque "si l'on veut partager le gâteau, la première condition est qu'il y ait un gâteau" a clamé le président.

Tout miser sur l'entreprise, voilà le pari d'Emmanuel Macron. Il n'a ainsi pas hésité, employant un argument biaisé, à affirmer que ce sont les entreprises qui financent désormais seules l'assurance chômage. Puis a intimé aux "Français" de "reconquérir leur part dans le capital"... sans préciser ni pourquoi, ni comment. Un exemple qui illustre la conception des rapports entre Etat, entreprise et salariés qu'a le président: plaidant pour le développement de l'apprentissage pour lutter contre le chômage des jeunes et comme outil "d'émancipation", il a annoncé qu'il recevra prochainement les cent premières entreprises françaises pour les "solliciter" à ce sujet. Puis de développer: "je ne leur demanderai pas de s'engager par la loi mais par des engagements actifs, immédiats, visibles, de créations d'emplois, d'embauche d'apprentis".

A Versailles, Emmanuel Macron en a enfin appelé à "retrouve(r)" le "capitalisme populaire" faisant sienne une expression de Margaret Thatcher, icône s'il en est du libéralisme. Une référence tout sauf anodine, quand on sait le soin qu'il a apporté à la préparation de son discours de ce lundi  et à l'armée de paires d'yeux qui se sont posées dessus avant qu'il ne le prononce. Ce n'est plus Jaurès qui est cité mais la Dame de fer, le visage européen de la révolution conservatrice des années 1980. Faut-il y voir une définition claire et nette de ce macronisme, pétri d'un réformisme forcené, libre-échangiste, prônant la maîtrise des dépenses publiques et hostile aux corps intermédiaires? Ou plutôt une énième provocation de ce jeune président qui aime à bousculer les codes et transgresser pour tester l'opinion? La réponse devrait se préciser très vite, puisqu'Emmanuel Macron a promis ce lundi pour 2019 des réformes du régime des retraites et de l'assurance chômage qui s'annoncent explosives.

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