L'ascension de partis "pro-russes" en Autriche et en Slovaquie : un "désastre" pour la Commission européenne, qui pénaliserait l'aide à Kiev

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France-Soir
Publié le 10 juin 2023 - 09:00
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Le puzzle de la montée des partis "pro-russes" en Europe inquiète l'Union européenne.
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L’Union européenne, qui tente tant bien que mal de conserver un front uni contre la Russie avec les positions ambiguës de la Hongrie et la Bulgarie, doit faire face à la montée en puissance de partis "pro-russes" en Autriche et en Slovaquie. Pour des responsables à la Commission européenne relayés par Politico, une éventuelle victoire de ces partis politiques serait un "désastre" qui pénaliserait l’aide à Kiev et faciliterait la lutte contre les sanctions imposées à Moscou. 

En Autriche, le Parti de la Liberté (FPÖ) s’est hissé à la tête des sondages en tirant profit de la situation socio-économique du pays et de la chute de la popularité du gouvernement, constitué du Parti populaire autrichien (ÖVP) et des écologistes. L’autre parti d’opposition, les sociaux-démocrates (SPÖ), en proie à des scandales et des divergences internes, est tout aussi fragilisé. 

Le FPÖ, parti d’extrême droite, a obtenu en janvier 2023 la deuxième place au scrutin régional en Basse-Autriche, le plus grand "land" (État fédéré) et le second plus peuplé du pays. De quoi priver les sociaux-démocrates du SPÖ de la majorité absolue et les obliger à accepter une coalition. 

Contrer les sanctions et compliquer les aides à Kiev 

Le Secrétaire Général du FPÖ, Herbert Kickl, ex-ministre de l’Intérieur, ne cache pas son ambition : se maintenir à la tête des intentions de vote pour remporter les prochaines élections de 2024 et devenir chancelier. Si la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a exprimé ses "sérieux doutes" quant à la réussite de Kickl, "qui ne serait pas digne de confiance", cet éventuel succès inquiète une autre instance de l’Union Européenne, à savoir la Commission. 

Au début l’invasion russe de l’Ukraine, le FPÖ a plaidé pour une médiation de l’Autriche entre les deux pays. Mais Herbert Kickl a maintes fois exprimé son rejet des sanctions contre Moscou, une forme de "naïveté politique" qui "ne résoudrait pas le conflit". Dénonçant une volonté de l’OTAN et des États-Unis de "provoquer les Russes", il a qualifié la participation de son pays aux sanctions contre Moscou comme "une violation de la neutralité constitutionnelle de l’Autriche". Le SG du FPÖ s'est engagé à utiliser le veto de l'Autriche au Conseil européen pour les annuler. 

Cet engagement susciterait l'inquiétude de responsables à la Commission européenne, qui estiment à Politico qu’une victoire de ce parti doterait Moscou un d’"outil puissant contre l'Ukraine" pour contrer les sanctions et compliquer l’aide à Kiev. 

Le média US, qui ne dévoile pas l’identité de ces responsables, souligne que le même scénario est redouté en Slovaquie. La crainte est partagée par la présidente de la République, Zuzana Čaputová. Ce pays d’Europe centrale pourrait suivre la Hongrie et devenir un "enfant à problèmes", a-t-elle averti. Son inquiétude porterait particulièrement sur "une propagation de la désinformation" qui pourrait profiter de la prochaine élection parlementaire pour saper le soutien de son pays à l’Ukraine. 

De son avis, cette "propagation de la désinformation russe" serait à l’origine de l’opinion des Slovaques. Selon un sondage du groupe de réflexion GLOBSEC, seulement 40 % de la population estiment que la Russie est principalement responsable de la guerre en Ukraine. Un sondage local de septembre 2022 affirme que "plus de la moitié des Slovaques accueilleraient favorablement une victoire militaire russe sur l’Ukraine". 

Le FPÖ et le SMER au pouvoir, "un désastre" 

Zuzana Čaputová est certaine que l’accès des "partis populistes" au pouvoir ferait de son pays, précieux soutien de Kiev, un ersatz de la Hongrie et de la politique étrangère de son Premier ministre, Viktor Orban. L’un de ces partis est le Smer-SD, dirigé par l’ancien Premier ministre, Robert Fico. Tout comme le FPÖ en Autriche, le Smer-SD est à la tête des sondages en Slovaquie, dont les élections législatives anticipées sont prévues en septembre. 

Certains attribuent la hausse de la popularité du Smer-SD à ses slogans "pro-russes" et "anti-ukrainiens" ainsi que sa position sur des questions sociales. Hostile à la présidente actuelle, qualifiée "d’agent américain", le parti s’est aussi opposé à la livraison d’avions de chasse MiG-29 à l’Ukraine. 

Son fondateur et actuel dirigeant, Robert Fico, a été Premier ministre à trois reprises. Il a démissionné en 2018 après des manifestations organisées suite à l’assassinat d’un journaliste d’investigation, qui enquêtait sur les liens entre le pouvoir slovaque et la mafia calabraise. Il a également fait l’objet en 2022 d’une enquête pour crime organisé, sans que son immunité parlementaire ne soit levée. 

Fico s'est engagé à mettre fin au soutien militaire de la Slovaquie à Kiev s'il est élu. À l’image de Herbert Kickl, il a critiqué la livraison d’armes au pays voisin et les sanctions imposées à Moscou depuis l’annexion de la Crimée en 2014, estimant que ces mesures "nuisent à la population et pas au régime". 

Son parti a rejeté les critiques de la Présidente, l’accusant de mener une "pratique politique très sale" en "accusant les opposants de diffuser la désinformation". Le Smer-SD affirme également ne pas vouloir "changer l’orientation de la politique étrangère" de la Slovaquie. "Notre parti politique soutient pleinement l'adhésion de la Slovaquie à l'UE et à l'OTAN", a ajouté Roth Neveďalová, secrétaire internationale de la formation politique. 

Reconnaissant le "droit des Ukrainiens de se défendre", elle a réitéré l’appel du parti à un cessez-le-feu et à un processus de paix. "Nous ne pouvons envoyer aucun soutien militaire à l'Ukraine, simplement parce qu'il n'y a plus d'équipement militaire en Slovaquie". 

Des positions qui ne semblent pas rassurer des responsables à la Commission européenne, qui ont qualifié une éventuelle victoire de ces partis autrichien et slovaque aux prochaines élections de "désastre".

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