Elections au Japon : Shinzo Abe voit-il s'envoler son projet de réforme de la Constitution ?

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Damien Durand
Publié le 22 juillet 2019 - 18:19
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Le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le 14 mars 2018 à Tokyo
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© KIM KYUNG-HOON / POOL/AFP
Shinzo Abe a gagné dans les urnes... mais voit son projet de réforme constitutionnelle entravé.
© KIM KYUNG-HOON / POOL/AFP

Dimanche 21, lors des élections à la Chambre haute du Japon, la majorité de Shinzo Abe a, une fois de plus, écrasé la concurrence. Mais un léger recul dans le nombre de sièges obtenus remet en cause le projet de réforme de la Constitution du pays, visant à lui donner des capacités militaires offensives.

En ligne de mire, le scrutin du dimanche 21 était porteur d’une question capitale pour le Japon et la situation internationale en Asie de l’Est. Pourtant, l’élection des représentants de la Chambre haute (le sénat local) au Japon a déplacé le plus faible nombre d’électeurs depuis la Seconde Guerre mondiale, et la victoire apparente de Shinzo Abe s’apparente plutôt à une défaite pour son projet de fin de mandat: changer la constitution pacifiste de l’archipel.

Le Parti libéral-démocrate du Premier ministre japonais et son allié traditionnel le Kômeitô ont remporté 71 des 124 sièges (la moitié du sénat renouvelable tous les trois ans) lors des élections au suffrage universel direct de ce dimanche. Côté pile, la majorité de Shinzo Abe écrase une concurrence émiettée et incapable de faire émerger une personnalité pouvant faire trembler celui qui est au pouvoir depuis 2012 (après un premier passage en 2006-2007). Côté face, la majorité connaît un léger repli (144 sièges au lieu de 151) qui rend un peu plus difficile encore son objectif: rallier deux tiers des sénateurs en faveur d’un projet de réforme de la constitution, condition sine qua non pour l’organisation d’un référendum qui entérinerait (ou pas) la modification.

L’article 9 de la Constitution nippone dispose que "le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux" et que "pour atteindre le but fixé (…) il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre".

Shinzo Abe s’est fixé comme objectif politique de faire changer cette règle pour doter le Japon d’une force armée pouvant se déployer à l’extérieur, y compris dans une logique offensive, ce que les "forces d’auto-défense" actuelles ne peuvent faire. Or, la législation japonaise impose la validation du projet aux deux tiers dans chacune des chambres (avant donc un référendum national qui serait une première dans le pays). Si le seuil est largement atteint dans la chambre basse, l’horizon s’éloigne dans la chambre haute. Shinzo Abe, qui s’est félicité en apparence de la victoire, a –signe de sa déception– immédiatement mis la pression sur les autres partis qui, sans être membres de la majorité, ne sont pas fermés à la révision constitutionnelle. "J'ai dit plusieurs fois que ce scrutin se jouait sur le fait de savoir si l'on voulait ou non discuter de la Constitution (...) et je crois qu'en nous donnant la majorité, les électeurs ont indiqué que nous devions à tout le moins en débattre", a déclaré le Premier ministre dans une conférence de presse ajoutant que "la barre des deux tiers dans chacune des deux assemblées est extrêmement élevée" et affirmant souhaiter "un débat très actif sur ce que doit être la nouvelle silhouette de la Constitution". 

Selon les estimations des médias japonais, en plus des 144 sénateurs de la majorité, une quinzaine d’autres sont actuellement favorables à la révision constitutionnelle. Il n’en manquerait donc que trois ou quatre pour valider cette phase légale… ceux-là même que la majorité a perdu lors du scrutin de dimanche.

Lire aussi - Japon: Shinzo Abe prêt à rencontrer Kim Jong Un "sans condition" 

Le projet de révision constitutionnelle semble donc encore bien flou, d’autant qu’il devra se frotter ensuite à l’épreuve du référendum dont rien n’assure que Shinzô Abe, malgré ses victoires continues dans les urnes, ne sortent vainqueur. En effet, si l’enjeu vu de l’extérieur du pays semble important, l’électeur japonais moyen se prononce surtout sur des questions économiques internes comme la fiscalité, le financement des retraites dans un pays vieillissant à grande vitesse, ou les choix de politiques économiques.

Shinzo Abe souhaitait initialement lancer la révision du texte en 2020, soit avant la fin de son mandat en 2021. Le contretemps des élections sénatoriales pourrait paradoxalement l’inciter (moyennant une révision des statuts de son parti) à prolonger sa présence à la tête du pays, le scrutin de dimanche montrant qu’il reste, pour l’instant, intouchable dans les urnes.

Voir aussi:

Base américaine à Okinawa: Shinzo Abe persiste malgré le "non" massif au référendum

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