Europe de la défense : état des lieux

Auteur(s)
Maxime Macé
Publié le 29 octobre 2014 - 15:39
Mis à jour le 17 décembre 2014 - 13:00
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Un soldat français faisant parti de l’Eurocorp.
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©Christian Hartmann/Sipa
Un soldat français faisant partie de l’Eurocorp.
©Christian Hartmann/Sipa

La défense européenne est l’un des sujets qui fait le plus consensus auprès des citoyens de l’Union. Mais, malgré cette adhésion au concept d’Europe de la défense, la réalité sur le terrain est loin d’être idyllique.

Ukraine, Syrie, Irak ou encore Centrafrique, les zones de crises et de combats se multiplient à la périphérie de l’Union européenne. Serpent de mer de la construction européenne, l’Europe de la défense peine à séduire les gouvernements des Etats-membres et à se développer pour pouvoir parer aux nouvelles menaces qui se font jour. La multiplication des crises périphériques est un véritable défi pour l’UE, qui doit se doter d’une politique sécuritaire efficace et des moyens d’y parvenir.

L’idée d’une défense commune européenne n’est pas neuve. Elle émerge en partie à la fin de la Seconde guerre mondiale mais est occultée par la Guerre froide et ses préoccupations stratégiques. La défense du Vieux Continent s’articule alors autour de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et des Etats-Unis. Le projet de Communauté européenne de défense (CED), lancé en 1952, ne verra jamais le jour après un rejet de la part de l’Assemblée nationale française en 1954.

A la suite de la chute du communisme en Europe de l’Est, la défense européenne va prendre son envol, sous l’impulsion de Javier Solana qui exerce entre 1999 et 2009 la fonction de Haut Représentant pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Union européenne. De 1992 à 2009, l’Union européenne va conduire 31 opérations civiles et militaires hors de ses frontières, déployant 12.000 soldats et 5.000 policiers dans des missions de maintien de la paix, de désarmement et d’aide à la reconstruction des Etats (notamment par le biais des opérations "Etat de droit" sous mandat onusien).

Comme l’a expliqué Nicole Gnesetto, titulaire de la chaire sur les questions européennes au Conservatoire national des arts et métiers et spécialiste des questions de défense, lors d’une conférence à la Maison de l’Europe à Paris le 30 septembre dernier, "c’est à cette époque que les Européens font, ensemble, l’expérience d’une responsabilité stratégique nouvelle"

L'Europe reste une puissance militaire

Contrairement aux idées reçues, l’Union reste une grande puissance militaire. En cas d'opération d'envergure, elle pourrait rapidement déployer plus de 440.000 personnels militaires terrestres, une force navale importante (notamment grâce aux flottes française et britannique) et dispose du plus grand nombre d’avions de combats (certes de qualité très hétérogène) au monde.

Depuis 2004, l’UE s’est également dotée de deux Groupements tactiques de 1.500 soldats chacun issus de tous les pays membres, qui constituent une force de réaction rapide à une crise hors des frontières européennes. Pourtant, faute de consensus politique entre les 28 pays de l’Union, ces forces n’ont jamais été déployées sur un théâtre d’opération (malgré plusieurs demandes de la part de l’ONU, notamment en République Démocratique du Congo).

L’adoption du Traité de Lisbonne en 2009 devait booster l’action de l’Union européenne mais elle enterre la politique d’action commune. Les nations reprennent la direction des opérations, comme c’est le cas pour la France lors de son opération au Mali en 2013, où elle prend la décision d’intervenir militairement sous mandat de l’ONU. Ce n’est qu’après la fin des combats que l’UE lance une opération de formation des militaires et policiers maliens…

Néanmoins, la politique de défense européenne compte à son crédit quelques grandes réussites depuis 2009. Parmi celles-ci, la plus importante est probablement la lutte contre la piraterie au large de la Corne de l’Afrique. Grâce à un déploiement conséquent de navires de guerre (l’opération "Atalante"), les attaques de pirates contre les bateaux marchands qui croisent dans cette zone ont baissé de 95% entre 2012 et 2013. Quand on sait que 90% des exportations des membres de l’UE hors de l’Europe sont réalisées par voie maritime, cette opération est un véritable succès.

Désengagement américain

La crise économique a provoqué un affaiblissement du budget consacré aux dépenses militaires dans l’Union européenne. Celui-ci représentait 1,9% du PIB de l’UE en 2001, contre "seulement" 1,2% dix ans plus tard. Comme l’explique Nicole Gnesetto, "la priorité des chefs d’Etat des pays membres de l’Union est le retour de la prospérité économique à l’intérieur, et non la sécurité à l’extérieur des frontières".

Pour autant, plusieurs éléments vont dans le sens d’un renforcement de la politique de défense européenne. Tout d’abord, la nouvelle stratégie des Etats-Unis voulue par le président Obama qui réduit l’engagement américain sur les zones de crises dans le monde. Le but affiché est simple: "le moins de GI possible hors de notre territoire".

L’Europe de la défense n’est ainsi plus vue comme un concurrent de l’OTAN mais comme un partenaire crédible qui doit prendre des risques seul, notamment en Afrique (Mali, Centrafrique ou encore Somalie), où les Américains sont pratiquement désengagés.

La contagion des crises extérieures à l’intérieur des frontières de l’Union, notamment avec le retour de ses citoyens partis se battre pour Daech au Moyen-Orient et les risques sécuritaires pour ses entreprises à l’étranger (30% des pays du monde sont actuellement déconseillés aux ressortissants européens), pose la question d’une mutualisation des moyens de défense européens.

Il n’est pas question d’une armée commune qui, comme l’analyse Nicole Gnesotto, "n’est pas vendable au niveau politique, aucun Parlement national ne souhaitera interner cette perte de souveraineté", mais d’un renforcement de la stratégie de défense commune. Un objectif qui passe par le biais de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), mise en place par le Traité de Maastricht (1992) et actualisée par le Traité de Lisbonne (2009).

Jean-Claude Juncker, nouveau président de la Commission européenne, l’a par ailleurs annoncé le 15 juillet dernier dans sa profession de foi: "Je crois aussi que nous devons travailler à renforcer l’Europe en matière de sécurité  et de défense. Oui, l'Europe est pour l'essentiel une +soft power+. Mais même les  plus grandes puissances pacifiques ne peuvent faire l’impasse sur des capacités de défense intégrées".

 

 

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