Guerre contre Daech : vers une coopération avec les troupes de Bachar al-Assad ?

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 27 novembre 2015 - 15:29
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Laurent Fabius.
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©Régis Duvignau/Reuters
Bachar al-Assad ne peut pas "faire partie de l'avenir de la Syrie", a déclaré en parallèle Laurent Fabius.
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Laurent Fabius a ouvert la porte, ce vendredi matin sur RTL, à une coopération avec "les forces du régime" syrien pour une opération au sol contre Daech. Une grande première pour le ministre des Affaires étrangères, qui n'avait jusqu'ici pas de mots assez durs contre Bachar al-Assad, qualifié de "boucher" de son propre peuple.

En envisageant, ce vendredi 27, pour la première fois que des forces de Bachar al-Assad puissent être associées à la lutte contre Daech, la France, qui a rompu toute relation avec Damas depuis 2012, opère un nouveau virage dans son approche du conflit syrien.

Pour lutter contre l'EI, "il y a deux séries de mesures: les bombardements (...) et des forces au sol, qui ne peuvent pas être les nôtres, mais qui peuvent être à la fois des forces de l'Armée syrienne libre (l'opposition modérée, NDLR), des forces arabes sunnites, et pourquoi pas des forces du régime, et des kurdes également bien sûr", a déclaré ce vendredi le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, à la radio RTL.

Le ministre a précisé par la suite dans une déclaration à l'AFP qu'une participation des forces du régime syrien ne pouvait être envisagée que "dans le cadre de la transition politique", et a répété son leitmotiv selon lequel le président Bachar al-Assad ne pouvait pas "faire partie de l'avenir de la Syrie".

Pour Paris, une collaboration avec l'armée syrienne ne pourrait donc se faire qu'une fois engagée une transition politique, transition politique qui ne peut avoir comme issue que le départ du président Assad, selon l'analyse française.

Il n'empêche: ces déclarations surprennent dans la bouche de celui qui s'est toujours montré comme l'un des détracteurs les plus farouches du président Assad, qu'il considére comme le "boucher" de son propre peuple et la cause de l'émergence de Daech. "Assad et les terroristes, c'est l'envers d'une même médaille", avait ainsi coutume de répéter Laurent Fabius.

Confrontée à la crise des réfugiés et à la menace djihadiste, la France a nettement infléchi sa diplomatie envers la Syrie depuis plusieurs mois. Les sanglants attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis ont précipité le virage de la politique française, le président François Hollande annonçant clairement que la priorité absolue était donnée à la lutte contre l'EI. "Notre ennemi en Syrie, c'est Daech", avait-il déclaré devant les parlementaires français trois jours après les attentats.

La France s'est aussi spectaculairement rapprochée de la Russie, fidèle allié du régime de Damas, en reprenant à son compte l'idée d'une coopération, voire d'une coalition internationale unique pour lutter contre les djihadistes. Une proposition qu'avait faite Moscou en septembre lors de l'Assemblée générale des Nations unies, mais qui avait été rejetée à l'époque en raison de la volonté russe d'associer le régime syrien à la lutte contre l'EI.

Les déclarations de Laurent Fabius interviennent au lendemain d'un voyage en Russie du président français au cours duquel Paris et Moscou ont décidé de "coordonner" leurs frappes aériennes en Syrie contre les djihadistes de l'EI. Une telle coopération est inédite.

La Russie, accusée par les Occidentaux de ne frapper que modérément Daech et de concentrer ses opérations sur les autres groupes rebelles menaçant le régime de Damas, va s"abstenir" de bombarder "l'opposition saine", a promis Vladimir Poutine. Tout en précisant bien que l'armée syrienne était un "allié naturel dans la lutte contre le terrorisme".

"Le président Poutine nous a demandé d'établir une carte des forces qui ne sont pas terroristes et qui combattent Daech", a précisé vendredi Laurent Fabius. "Il s'est engagé -dès lors que nous lui fournissons cette carte, ce que nous allons faire- à ne pas bombarder ceux-là, c'est très important", a-t-il insisté. Reste que Paris et Moscou n'ont pas trouvé d'accord sur la coalition large voulue par François Hollande ni sur le sort du président Assad.

"Malheureusement, nos partenaires ne sont actuellement pas prêts à travailler ensemble au sein d'une coalition unique", a encore répété vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Quant au sort d'Assad, Moscou répète que c'est aux Syriens de décider.

La communauté internationale a relancé une dynamique pour trouver une solution politique à la guerre syrienne, avec deux réunions internationales à Vienne, en octobre et novembre, associant pour la première fois l'Iran, autre grand allié de Damas.

Une feuille de route prévoyant une rencontre entre opposition et éléments du régime d'ici le 1er janvier 2016, la mise en place d'un gouvernement d'union d'ici six mois, une nouvelle Constitution et des élections dans les 18 mois, a été agréée.

Paris, qui a longtemps réclamé le départ d'Assad comme préalable à toute négociation, a abandonné cette exigence il y a quelques mois. Mais Laurent Fabius s'est dit confiant qu'un processus politique aboutirait à son départ. "Il n'y a aucune chance, si l'élection est régulière, que Bachar soit élu", a-t-il estimé.

 

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