Le décret anti-immigration de Donald Trump face à l'épreuve de la légalité et de l'opinion

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 07 février 2017 - 12:22
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Le président américain Donald Trump et le vice-président Mike Pence arrivent dans le bureau ovale à
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Donald Trump a promis lundi 6 des "programmes forts" de contrôles aux frontières pour empêcher la venue du "terrorisme islamique radical" aux Etats-Unis.
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La Cour d'appel fédérale des Etats-Unis doit statuer ce mardi sur le décret anti-immigration de Donald Trump. Le texte attaqué par une partie de la population, certains chefs d'entreprise et sur le plan judiciaire a été suspendu, mais la Maison Blanche compte bien établir sa validité.

Critiquée de toutes parts pour son décret anti-immigration, l'administration Trump a affirmé que la mesure relevait entièrement de "l'autorité du président" et dénoncé l'interprétation "très excessive" du juge fédéral qui en a bloqué l'application.

La Maison Blanche fait face à une double offensive judiciaire et politique contre ce décret controversé qui bloque l'entrée des ressortissants de sept pays (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) pour trois mois et gèle pendant quatre mois l'accueil de réfugiés.

Ce "décret est un exercice légal de l'autorité du président sur l'entrée des étrangers aux Etats-Unis et l'admission des réfugiés", peut-on lire dans le document soumis lundi 6 au soir par le ministère de la Justice à la Cour d'appel fédérale de San Francisco.

Une nouvelle étape de cette bataille judiciaire doit se dérouler mardi à 15h locales (23h GMT) au cours d'une audience téléphonique des deux parties avec la Cour, qui doit statuer sur la décision de suspendre le décret sur tout le territoire américain prise vendredi par un juge de Seattle, James Robart.

Donald Trump a promis lundi 6 des "programmes forts" de contrôles aux frontières pour empêcher la venue du "terrorisme islamique radical" aux Etats-Unis, au moment où la décision la plus emblématique de son début de mandat est également contestée dans la rue et attaquée par les plus grosses entreprises de la high-tech, un secteur reposant énormément sur des talents étrangers. Le blocage du décret a de fait rouvert les portes du pays aux étrangers visés par le texte.

En visite au commandement militaire chargé du Moyen-Orient (Centcom), le président républicain a promis lundi de vaincre le "terrorisme islamique radical" et de ne pas le laisser "prendre racine dans notre pays". Pour ce faire, "nous avons besoin de programmes forts pour que les gens qui aiment notre pays (...) soient autorisés à entrer, mais pas les gens qui veulent nous détruire", a expliqué M. Trump.

Facebook, Google, Microsoft, Twitter et Apple ont déposé dans la nuit de dimanche à lundi une requête en justice dénonçant les "dommages" causés par ce texte. Au total, près de 130 entreprises, basées en majorité dans la Silicon Valley, se sont jointes à la plainte contre ce décret signé le 27 janvier, dont celles du milliardaire Elon Musk.

La lettre des entreprises ("amicus brief") dénonce une rupture avec "les principes d'équité et de prédictibilité qui ont régi le système de l'immigration aux Etats-Unis depuis plus de cinquante ans", et les "dommages importants pour le commerce américain, l'innovation et la croissance" qui en découlent.

Côté politique, plusieurs hauts responsables de l'administration démocrate sortante, dont l'ex-secrétaire d'Etat John Kerry et l'ex-directeur de la CIA et secrétaire à la Défense Leon Panetta, ont aussi demandé le maintien du blocage d'un décret "mal conçu, mal mis en œuvre et mal expliqué".

Un malaise ressenti jusque dans le camp du président lui-même, d'autant qu'il s'est livré à une attaque en règle contre le juge James Robart, le qualifiant de "pseudo-juge" et l'accusant de sacrifier la sécurité du pays.

Mitch McConnell, chef de file des républicains au Sénat, a tenté de temporiser dimanche en expliquant que la justice faisait son travail et s'est démarqué du décret, craignant notamment que sa rédaction trop vague ne laisse la porte ouverte à "un test religieux". "Nous voulons tous empêcher les terroristes de pénétrer aux Etats-Unis, mais nous ne voulons certainement pas que des alliés musulmans qui se sont battus à nos côtés ne puissent se rendre aux Etats-Unis", a-t-il souligné.

L'opinion américaine est elle aussi défavorable au texte, et des milliers de manifestants ont défilé ce week-end dans des capitales du monde entier. Quelque 53% des Américains contestent le décret limitant l'immigration (47% l'approuvent), selon un sondage CNN, et 51% s'y opposent (45% l'approuvent), selon un sondage CBS. Selon le sondage CNN, une proportion identique d'Américains (53%) ont une opinion négative de la présidence de Donald Trump, arrivé à la Maison Blanche il y a seulement deux semaines.

Mais le républicain estime que ces enquêtes d'opinion sondages sont fausses. "Tous les sondages négatifs sont de fausses informations, comme les sondages de CNN, ABC, NBC lors de l'élection", a-t-il tweeté lundi matin. "Désolé mais les gens veulent la sécurité aux frontières et des contrôles extrêmes".

Il a balayé d'un revers de la main cette impopularité historique et s'en est pris une nouvelle fois aux médias, allant jusqu'à les accuser de "ne pas couvrir" certains attentats. "Ils ont leurs raisons, et vous savez bien pourquoi", a-t-il mystérieusement ajouté.

La décision de justice a incité les citoyens visés par le texte controversé à tenter de venir sur le territoire américain le plus vite possible, embarquant en nombre sur des vols à destination des Etats-Unis. De nombreuses compagnie aériennes, dont Air France, acceptaient de nouveau les ressortissants des sept pays concernés. Quelque 60.000 visas ont également retrouvé leur validité, selon la diplomatie américaine.

La Maison Blanche entend toutefois vite refermer la brèche légale dans laquelle s'engouffrent de nombreux migrants et remporter le combat judiciaire, quitte à multiplier les appels ou à porter l'affaire devant la Cour suprême.

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