Les crises du Brésil de Bolsonaro sous le COVID-19

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Benjamin Egot pour FranceSoir
Publié le 19 mai 2020 - 14:12
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Des partisans de Jair Bolsonaro célèbrent sa victoire à Brasilia, le 28 octobre 2018
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© Sergio LIMA / AFP
© Sergio LIMA / AFP

TRIBUNE : Un président connu pour son tempérament explosif. Celui d'une personnalité publique, député de 28 ans de carrière qui avait seulement fait approuver 3 projets. Ses phrases provocatrices auront donné lieu au minimum à des scandales au sein des institutions de représentations.

Depuis le développement de la pandémie dans ce pays continent, les traits de caractère du chef de l’exécutif se sont assombris.

Jair Bolsonaro a fait nombre de déclarations incroyables depuis ces deux derniers mois. Alors que l’OMS et son propre ministre de la Santé décrivaient l’isolement social comme la seule mesure réellement effective, Bolsonaro dans une allocution à la nation affirmait que tout cela n’était qu'hystérie, que le COVID-19 n’était qu'une “petite grippe”, et en profitait pour faire de l’ironie et demander aux Brésiliens de retourner au travail.

Le ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, fut démis de ses fonctions pendant la pandémie, au seul motif qu’il s’élevait contre la pensée présidentielle et ce malgré le soutien de 77% de la population. Puis, ce fut au tour du ministre de la Justice, Sérgio Moro, de démissionner. Ce dernier était plus connu pour avoir été le juge ayant prononcé la sanction à l’encontre de l’ancien président Lula.  La raison de cette démission est un désaccord sur la gestion de la police fédérale, corporation qui se doit d’être indépendante, mais pour laquelle Bolsonaro souhaitait nommer un ami de la famille comme Directeur général. Désapprouvant cette pratique, le ministre est parti en claquant la porte et en faisant des accusations graves à l'encontre du président. La plus grave étant celle de tentative d'interférence dans la police fédérale à des fins personnelles, notamment de protéger l'un de ses fils, le député Flávio Bolsonaro, soupçonné d'entretenir des liens avec la milice de Rio de Janeiro.

Minimisant les effets du COVID-19 dans son pays, Bolsonaro s’est illustré dans des sorties sans respect des gestes barrières sanitaires recommandés par l’OMS (serrant des mains, sans distances de sécurité, sans masque). Les présidents du pouvoir législatif (Chambre des Députés et Sénats) font l'objet de demandes, de la part de manifestants, d'intervention militaire afin de les déloger de leur poste, pratique considérée anti-démocratique et condamnée par la Constitution de 1988. Pourtant, à deux reprises Bolsonaro s’est déplacé pour soutenir ces manifestations et exalter la foule en déclarant qu'il était là pour les soutenir car eux-mêmes soutiennent le Brésil.

La mesure économique du gouvernement fédéral la plus médiatisée est une aide d'urgence pour les personnes les plus exposées par la crise, les micro-entrepreneurs et les travailleurs indépendants. Une aide de R$600 (105 euros). Cette somme est en elle-même une victoire étant donné que l'exécutif songeait initialement à celle de R$200 (32 euros). Même cette mesure aura été une catastrophe, provoquant une incompréhension générale sur son mode d'attribution. Une application pour smartphone a été développée, basée sur le site officiel de la banque responsable. Cependant, quand une majorité de la population ne possède pas les moyens d’avoir un appareil, ne comprend pas son fonctionnement, ne possède pas de connexion internet, il ne pouvait y avoir d’autre issue que la réalité qui fait la une quotidienne des journaux télévisés depuis l'annonce du fond.

Les agglomérations kilométriques de personnes devant les agences bancaires, sans distance de sécurité, sans masque.

Toutes ces mesures auront valu à l'exécutif de dures critiques des gouverneurs des Etats. Une nouvelle bataille s’est déclenchée entre ces derniers et le président. Les armes étant des phrases d'accusation. Les gouverneurs, en première ligne des Etats de São Paulo et de Rio de Janeiro, ont exposé leur mépris pour les déclarations de Bolsonaro, ces derniers ayant pourtant été des soutiens lors de sa campagne électorale.

Dans le Nordeste, les gouverneurs s’opposent au président, et ce déjà depuis le jour de son élection.  Ils furent parmi les premiers à prendre des mesures plus rigides. En effet, au même moment où la France commence son déconfinement, les Etats du Maranhão, du Pará et du Ceará décrètent le "confinement", un confinement rigide interdisant les sorties sans motif valable et la fermeture des commerces non essentiels. Les gouverneurs prennent ces mesures du fait des courbes croissantes de cas confirmés et de morts. Les activités économiques sont soutenues par ces derniers, mais les véritables ressources viennent du gouvernement fédéral qui lui juge que c'est en appliquant le confinement que le pays suffoquera économiquement et que ce sont les gouverneurs qui auront le bilan des vies perdues sur leur conscience.  

Le jour de la fête des mères (10 mai), le pays a passé la barre des 10 000 morts. Il faut préciser que la sous-notification fait rage et que certains experts estiment que pour avoir une meilleure idée de la réalité il faudrait multiplier les chiffres au moins par 10. La veille, l’une des principales informations des télévisions était celle de la promenade en jet ski du président de la république.

Benjamin Egot est français, résident au Brésil 

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