Neutralité du Net : encore des progrès à faire

Auteur(s)
JmC
Publié le 08 septembre 2015 - 18:46
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Un adolescent devant un ordinateur.
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©Durand Florence/Sipa
Les internautes veulent pouvoir avoir accès à l'intégralité du Net.
©Durand Florence/Sipa
En avril 2014, le Parlement a voté une directive pour favoriser la neutralité d'Internet et la libre disponibilité des données que doivent offrir les fournisseurs d'accès. Mais beaucoup de chemin reste à parcourir.

Internet est-il libre et neutre? Les internautes peuvent-ils accéder à tous les contenus sans que leurs fournisseurs d'accès leur en interdisent certains ou leur en imposent d'autres? C'est une question qui se pose depuis plusieurs années.

Dans une petite vidéo explicative, le New York Times explique le problème: les paquets de données qui circulent sur Internet sont symbolisés par de vrais petits paquets, transportés par des camions. Le principe est simple: un Internet neutre signifie que tous les paquets, quels que soient leur couleur ou leur expéditeur (Google, Facebook, Netflix,  Rue89, FranceSoir...), sont transportés ensemble et de la même manière. Sans la neutralité du Net, Netflix, par exemple, pourrait proposer de l'argent au camion et obtenir plus de paquets qui vont être livrés aux utilisateurs, au détriment des autres.

 En Europe, ce sont des millions de citoyens qui ont interpellé leurs députés européens, via la pétition "Save the Internet", lors d'un premier vote au Parlement européen sur la directive pour la neutralité du Net, en avril 2014. L’initiative citoyenne semble avoir fonctionné. Mais, plus d'un an après, le projet semble piétiner.

Qu’est-ce que la neutralité du Net? C’est un principe clé de la Toile depuis ses débuts. L’utilisateur a accès à tous les services et tous les contenus d'Internet, sans que le fournisseur d’accès ne lui impose un partenariat privilégié ou un service particulier. Le débit peut être réglé en fonction des besoins des utilisateurs, mais n’importe quel utilisateur, s'il en a besoin, peut avoir accès à plus ou moins de "camions". Or, ce réglage est dans les mains du fournisseur. Ce fournisseur d’accès peut alors favoriser certains sites internet ou utilisateurs en leur offrant plus de "bande passante" (le nombre de camions) qu’à d’autres sites.

Aujourd’hui, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE), le régulateur européen des télécoms, a signalé que plusieurs fournisseurs d’accès à Internet bloquaient ou ralentissaient des services. L’exemple le plus souvent cité est le blocage, ou ralentissement de la bande passante, du programme Skype, utilisé pour téléphoner via Internet.

En l’absence de législation pour garantir la neutralité du Net, les fournisseurs d’accès pourraient favoriser les géants de l’industrie en leur octroyant plus de bande passante, au détriment de start-up. En d'autres termes, ce sont les fournisseurs d'accès qui choisissent qui seront les gagnants ou les perdants sur le marché.

Les lobbies des fournisseurs d’accès à Internet avancent néanmoins qu'un flux tel que celui de YouTube est très coûteux pour eux qui ne peuvent pas toujours supporter une telle charge. Leur idée est donc de vouloir faire payer, non pas l'internaute ordinaire, mais les gros générateurs de trafic que sont Google, Yahoo ou Facebook. L'argent ainsi récolté permettrait d'investir dans l'infrastructure et donc de supporter des demandes importantes en bande passante.

Selon Les Echos, la neutralité du Net serait néfaste à la concurrence, car le retour sur investissement ne serait plus aussi intéressant. "Il ne s'agit pas de nier qu'il n'existe aucun problème de transparence ou de censure sur le Net. Il s'agit simplement de rappeler que le meilleur moyen d'y faire face est de favoriser la concurrence, laisser le choix aux consommateurs et solliciter la surveillance du public", conclut l’article, signé Cécile Philippe, directrice de l'Institut économique Molinari.

Néanmoins, dans ce cadre-là, cela signifierait que les nouveaux fournisseurs de services et de contenus ne pourraient pas être accessibles à tous et sans avoir à payer pour un accès plus rapide, ou que leurs données seraient soumises à un surcoût. Dès lors, La Quadrature du Net, collectif de citoyens qui œuvre dans le domaine d'Internet, estime qu’être capable de s'exprimer individuellement et librement dépendrait alors des caprices des fournisseurs d'accès Internet.

Un des exemples les plus frappants a eu lieu en 2005, au Canada. Un fournisseur d'accès à Internet a bloqué le site internet des syndicats qui dirigeaient le mouvement social interne.

Alors, où en est la législation européenne aujourd’hui? En avril 2014, malgré des efforts intenses de lobbying des fournisseurs d’accès à Internet, La Quadrature du Net s’est réjouie que la proposition de texte voté au Parlement européen ait permis d’adopter une définition et un cadre clair sur la neutralité du Net. Les députés ont introduit des dispositions strictes afin d'empêcher les entreprises de télécommunications de ralentir ou de bloquer les connexions internet pour les services et applications de leurs concurrents.

Selon ce texte, les fournisseurs d’accès à Internet peuvent toujours offrir des services spécialisés de haute qualité, tels que la vidéo à la demande ou les applications en nuage de données ("cloud"), essentielles pour les entreprises, tant que ces services n'interfèrent pas avec la rapidité de connexion promise à d'autres utilisateurs.

Toujours selon ce texte, des mesures visant à bloquer ou ralentir Internet sont autorisées uniquement dans des cas exceptionnels, par exemple sur décision d'un tribunal.

Après ce vote au Parlement européen, c’est aux Etats-membres d’annoncer leurs positions sur ce texte. La Quadrature du Net se dit déçue par les Etats-membres, réticents à l’idée d’une neutralité du Net. "Après des mois de discussion à huit-clos, (…) le texte très positif sur la neutralité du Net voté en avril 2014 par le Parlement européen est devenu ambigu et affaibli", estime l'association, qui souligne que les termes "neutralité du Net" ont disparu, au profit d’une définition floue. Elle met également l'accent sur des dispositions ambiguës sur les services spécialisés que peut offrir un fournisseur internet.

Aujourd’hui, le texte reste encore dans le processus législatif européen, il peut être encore modifié. Affaire à suivre…

(Avec la contribution de la Maison de l’Europe de Paris)

 

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