Reconnaissance du génocide arménien par Berlin : quelles conséquences sur les relations avec la Turquie ?

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 03 juin 2016 - 18:18
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La Chancelière allemande, Angela Merkel.
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©Hannibal Hanschke/Reuters
Angela Merkel a soutenu le texte proposé par l'écologiste Cem Özdemir.
©Hannibal Hanschke/Reuters
Alors que la reconnaissance du génocide arménien jeudi par le Bundestag a déclenché la fureur d'Ankara, le Premier ministre turc Binali Yildirim a assuré ce vendredi que les relations entre la Turquie et l'Allemagne ne seraient pas complètement détériorées. De nombreux enjeux tels que la crise des migrants et le tourisme turc sont à prendre en compte.

La Turquie et l'Allemagne sont des alliés très importants, aussi leurs relations ne se détérioreront pas totalement après la reconnaissance par le Bundestag du génocide arménien sous l'Empire ottoman, a assuré ce vendredi 3 le Premier ministre turc Binali Yildirim afin de maintenir les frictions sous contrôle. Car le vote jeudi 2 de la chambre basse allemande d'une résolution reconnaissant le génocide arménien a déclenché la fureur d'Ankara qui a aussitôt décidé de rappeler son ambassadeur à Berlin. "La reconnaissance par l’Allemagne de certaines allégations infondées et déformées constitue une erreur historique", a immédiatement réagi le porte-parole du gouvernement turc, Numan Kurtulmus, sur son compte Twitter ajoutant que "pour la Turquie, cette résolution est nulle et non avenue".

A Ankara, l'opinion publique est furieuse contre Berlin. Ce vendredi, quelques dizaines de manifestants se sont réunis devant l'ambassade d'Allemagne pour protester. "Allemagne nazie génocidaire", ont-ils scandé tout en lançant des oeufs contre le bâtiment. La presse, elle aussi, renvoie l'Allemagne à son malheureux passé, affichant des photos d'Angela Merkel affublée de la moustache d'Hitler. "Les nazis aboient, la caravane passe", titre Akit. "Honte à vous", renchérit Hürriyet, tandis qu'Aksam traite Berlin de "Dummkopf" (imbécile, en allemand). "D'abord, vous brûlez des juifs dans des fours et ensuite vous venez accuser le peuple turc de cette calomnie de génocide", assène carrément le ministre de la Justice, Bekir Bozdag dans le quotidien Milliyet.  

La colère turque contre l'Allemagne intervient alors que les relations sont déjà compliquées entre les deux pays. Berlin pousse pour l'application d'un accord controversé entre l'Union européenne et la Turquie pour réduire l'afflux de migrants en Europe mais Ankara menace de ne pas appliquer le pacte si elle n'obtient pas une exemption de visas Schengen pour ses citoyens.

Malgré tout, les observateurs sont confiants. Car au-delà de ces tensions, Ankara et Berlin sont liés par des intérêts économiques majeurs. Leurs échanges se sont élevées en 2015 à 35 milliards de dollars et le secteur touristique turc, en pleine crise, a plus que jamais besoin des millions de visiteurs allemands, font-ils valoir.

La résolution allemande de jeudi a été rédigée par Cem Özdemir, coprésident du groupe écologiste au Bundestag – et lui-même d’origine turque – et soutenue par l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et le SPD. Le Bundestag "déplore les actes commis par le gouvernement Jeunes-Turcs de l’époque, qui ont conduit à l’extermination quasi totale des Arméniens", peut-on lire dans le texte. La chambre basse du Parlement allemand regrette aussi "le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l’Empire ottoman (…) n’a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l’humanité".  Pour calmer les tensions, plusieurs intervenants ont tenu à rappeler lors du débat que "le gouvernement turc actuel n'est pas responsable du génocide". Enfin, dans une tribune publiée dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung de jeudi , Volker Kauder, le président du groupe CDU-CSU au Bundestag, a expliqué qu’" aucun reproche"  n’était fait au peuple turc et que le Bundestag ne faisait que "décrire un crime contre l’humanité", reconnu comme tel par les historiens.

D'après les Arméniens, un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l'Empire ottoman.  Plus de vingt pays, dont la France, l'Italie et la Russie, ont reconnu qu'il y avait génocide. La Turquie quant à elle assure qu'il s'agissait d'une guerre civile dans laquelle 300.000 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.

 

 

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