Oradour-sur-Glane, intervention à Sciences Po... Zelensky sur tous les fronts de la communication

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FranceSoir
Publié le 13 mai 2022 - 13:16
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Volodymyr Zelensky en visioconférence à Sciences Po
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GENYA SAVILOV / AFP
Volodymyr Zelensky s'est exprimé ce mercredi 11 mai en visioconférence à Sciences Po.
GENYA SAVILOV / AFP

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est adressé mercredi aux étudiants de l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), par vidéoconférence en direct de Kiev. Dimanche, à l’occasion de la journée de l’Europe et de la victoire russe sur le nazisme, M. Zelensky avait diffusé une vidéo dans laquelle il établissait le parallèle entre les attaques à Butcha, Irpin, Borodyanka, Volnovakha et Trostyanets et des pages tragiques de l'histoire de France comme le massacre d’Oradour-sur-Glane et les "99 pendus" de Tulle. 

Volodymyr Zelensky a trouvé une heure dans son emploi du temps bien chargé pour discourir et échanger mercredi 11 mai, à 13h par vidéoconférence avec les étudiants de Sciences Po, de l’Institut national du Service Public (anciennement l'ENA), de l’École Polytechnique, de l’Inalco, et de la Sorbonne.

Diffusée en direct sur YouTube, la conférence démarre avec la prise de parole de Mathias Vicherat, le directeur de Sciences Po. Témoignant de sa solidarité envers le peuple ukrainien pour "faire face à la guerre", le directeur de l’école prononce quelques mots d’introduction pour accueillir le président. Volodymyr Zelensky, ravi de pouvoir échanger avec un aréopage d'étudiants français sur la situation en Ukraine, les remercie : "L’apport des étudiants, en particulier français, a été fondamental", selon le chef d’État ukrainien qui remercie pour l'accueil fait par la France des "réfugiés" de son pays.

Après des propos tenus sur les atrocités commises par l’armée russe, notamment des viols, le président dénonce une insuffisance judiciaire internationale. Face à un public attentif, Volodymyr Zelensky s’interroge "Quand est-ce que la justice sera rétablie ?", et affirme que l'État ukrainien "fera tout pour les traduire en justice". Fervent défenseur d’un processus plus rapide de justice internationale, il propose de dialoguer avec les étudiants, leur demandant même d’un ton sérieux :"êtes-vous prêts à faire de la politique ?"

C’est alors que les étudiants viennent s’exprimer au micro.

Une étudiante déplore le fait que le processus d'intégration d'un pays dans l'Union européenne soit trop lent et trop compliqué, propos auxquels le dirigeant ukrainien acquiesce. Il répond que "cela fait belle lurette que l'Ukraine a mérité d'intégrer l'Union européenne", faisant fi de toutes les règles et de la situation économique de l'État en guerre, qui n'entre pas du tout en adéquation avec les standards de l'UE. Ensuite, Volodymyr Zelensky a déclaré "parfois la Russie en défendant quelque chose fait infiniment pire" et qu'elle a "poussé la Finlande et la Suède vers l'OTAN".

Voir aussi : Finlande et Suède dans l'Otan ? Des adhésions non issues du pacte de Varsovie, une première depuis longtemps

Un étudiant pose ensuite la question de la nécessité du désarmement nucléaire, dans la mesure où Vladimir Poutine a menacé à plusieurs reprises de l'employer. Le président ukrainien répond : "Nous savons que la Russie n’est pas l’unique menace. Le pire sera quand la Russie passera des paroles aux actes, et ce sera un signal pour tous les autres qu’ils peuvent l’utiliser". Peu après, Volodymyr Zelensky prononce cette phrase choc à l'adresse des soldats et dirigeants russes : "Ce ne sont plus des êtres humains, ce sont des criminels, ils mangent et respirent, mais ils ne sont plus des êtres humains !", sous les applaudissements d'un public conquis.

M. Zelensky mentionne également les jeunes Ukrainiens qui combattent pour leur pays, affirmant qu'ils se pressaient dans des longues files d’attente car "tous désiraient se battre et défendre notre indépendance, la jeunesse la plus intrépide s’est engagée".

En conclusion, Arancha González, la doyenne de l'École des affaires internationales de Sciences Po (PSIA), a résumé les trois messages principaux de l'échange avec le "nouveau héros du monde libre" : la force de l’Ukraine est "celle de la raison et de la passion pour la liberté". Elle conclut sur ses mots : "nous sommes tous ici en Europe attachés à un système international, où il y a des règles, où il y a des droits, où il y a des institutions. C'est une bataille entre ceux qui croient en un système international fondé sur des règles et ceux qui croient en un système où le pouvoir ferait la loi de la jungle" et enfin que "l’Ukraine est un pays européen qui aspire à entrer au sein de l’Union européenne".

Lire aussi : Russie-Ukraine : selon l'ex-président brésilien Lula, Volodymyr Zelensky "voulait la guerre"

Le président ukrainien, tout à sa quête de gagner la bataille de l'opinion, n'a cessé d'envoyer des messages aux pays européens, qu'il soit invité à discourir devant leurs parlementaires ou qu'il utilise une communication plus directe. Au risque de se hasarder à des analogies douteuses.

La vidéo diffusée le 8 mai en est un exemple emblématique. Volodymyr Zelensky y dessine une comparaison entre les attaques perpétuées au sein des villes ukrainiennes et le massacre d'Oradour-sur-Glane, ainsi que les "99 pendus" de Tulle.

Ces deux massacres ont été perpétrés en France par la troisième compagnie du régiment blindé Der Führer de la division Waffen-SS Das Reich. C’est cette division, l'une des plus anciennes des formations de la Waffen SS", qui comportait dans ses rangs des soldats allemands, alsaciens, hongrois et ukrainiens. Elle organise la pendaison de 99 Tullistes le 9 juin 1944 et déporte 149 habitants. Le lendemain, 10 juin, les Waffen-SS se rendent à Oradour-sur-Glane, abattent les habitants et procèdent le jour suivant à une élimination systématique des corps par le feu et la fosse commune : 643 victimes sont dénombrées.

Or, le régiment Azov qui se bat actuellement pour l'Ukraine contre les soldats russes arbore le même emblème que cette fameuse division.

Par ailleurs, comparer l’invasion nazie à l’occupation russe est historiquement et factuellement douteux : les exécutions de masse de populations civiles commises par les SS n'ont pas d'équivalent actuel.

On notera le choix du noir et blanc pour cette vidéo qui ancre le discours du président ukrainien dans un cadre historique, donnant l'aspect d’un documentaire au ton très dramatique, ou encore le choix d’une musique triste pour augmenter la gravité de son discours. Une mise en scène bien ficelée pour le dirigeant ukrainien qui semble maîtriser parfaitement l’art de la communication... Et pour la négociation ?

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