Washington livre des missiles Patriot à l’Ukraine, le Kremlin dénonce la “guerre indirecte” des États-Unis

Auteur(s)
FranceSoir
Publié le 23 décembre 2022 - 14:45
Image
Missile patriote
Crédits
AFP
Les États-Unis livreront le système de défense antiaérienne Patriot à l’Ukraine.
AFP

Les États-Unis livreront le système de défense antiaérienne Patriot à l’Ukraine. L’annonce a été faite mercredi 21 décembre lors de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Washington. Ces missiles sol-air, présentés comme le fleuron de la technologie militaire américaine, sont les armes les plus sophistiquées à avoir été livrées à l'Ukraine depuis le délenchement de la guerre. Plus tôt cette année, le Pentagone écartait pourtant la livraison de ce système de défense.

À Washington, le président ukrainien a réitéré la détermination de l’Ukraine à “tenir ses positions” et à “ne jamais se rendre”. Lors de son discours devant le Congrès, Zelensky tentait de rassurer les parlementaires en affirmant que l’assistance américaine, militaire comme financière, n'est pas “de la charité", mais un "investissement dans la sécurité globale et la démocratie”.

“Aussi longtemps qu’il le faudra”

Le président des États-Unis, Joe Biden, a de son côté promis que “les Ukrainiens ne seraient jamais seuls" face à la Russie et que les États-Unis aideraient Kiev "aussi longtemps qu'il le faudra"."Le peuple américain sait que si nous ne résistons pas à des attaques aussi flagrantes contre la liberté, la démocratie et les principes fondamentaux tels que la souveraineté et l'intégrité territoriale, le monde sera confronté à des conséquences bien pires", a-t-il déclaré.

Biden s’est dit “pas du tout inquiet pour l’alliance occidentale”. "Je n'ai jamais vu l'Otan ou l'UE aussi unies sur quoi que ce soit (...) Poutine pensait qu'il affaiblirait l'Otan, à la place, il a renforcé l'Otan", estime-t-il, annonçant son intention de “continuer à renforcer la capacité de l'Ukraine à se défendre, en particulier sa défense aérienne”.

Pour joindre ses paroles aux actes, Biden franchit une nouvelle étape dans le soutien des Occidentaux, américains en particulier, pour l’Ukraine. Pour son premier voyage hors de son pays depuis le début de la guerre contre la Russie, Volodymyr Zelensky obtient le système de défense antiaérienne Patriot, le plus sophistiqué dont dispose l'armée américaine. "C'est une étape très importante pour créer un espace aérien sécurisé pour l'Ukraine", a-t-il dit à la presse. Il s’agit également d’une manœuvre qui pourrait provoquer une escalade du conflit, puisque la livraison des missiles Patriot se veut une réponse à la stratégie de bombardements massifs des infrastructures ukrainiennes de la part des Russes.

Ce système Patriot fait partie d’une nouvelle série d’aides militaire de près de deux milliards de dollars. L’Ukraine bénéficiera également de bombes à guidage de précision pour ses avions de chasse.

Une livraison qui “n'aide pas à mettre fin au conflit”

Les missiles sol-air Patriots ont été créés dans les années 1960 par la société Raytheon pour intercepter des avions volant à haute altitude. De maintes modernisations ont été menées pour répondre à la menace des missiles balistiques tactiques. Chaque lanceur de ce type de ce système antiaérien peut être armé soit de quatre missiles PAC-2 d'une portée de 160 km, soit de 16 missiles PAC-3 de dernière génération d'une portée de 40 km, explique-t-on. Un système complet de Patriot Pac-2 coûte environ un milliard de dollars.

Une puissance de frappe qui "n'aide pas à mettre fin au conflit”, estime le Kremlin, qui a vite réagi à cette annonce. La Russie a regretté une absence de "volonté de l’écouter". Pour Moscou, la livraison de ce système de défense est la preuve que Washington mène une "guerre indirecte" en Ukraine.

"Jusqu'à présent, nous pouvons constater avec regret que ni le président Biden ni le président Zelensky n'ont dit quoi que ce soit qui puisse être perçu comme une volonté potentielle d'écouter les préoccupations de la Russie", a estimé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Il souligne que de “véritables appels à la paix” n’ont pas émané de la visite à Washington du président Zelensky, qui n’a pas été "mis en garde" par les Américains contre "la poursuite du bombardement des immeubles résidentiels dans les zones peuplées du Donbass". "Cela montre que les États-Unis poursuivent leur ligne de guerre de facto et indirecte avec la Russie, jusqu'au dernier Ukrainien", a-t-il ajouté.

Volte-face du Pentagone

La livraison du système de défense antiaérienne Patriot à l’Ukraine suscite d’autant plus d’inquiétude quant à une escalade du conflit que le Pentagone avait affirmé, plus tôt cette année, que les États-Unis ne le livreront pas à l’Ukraine. Une pareille manœuvre impliquait “que les forces américaines devraient entrer en Ukraine pour le faire fonctionner, ce qui est non envisageable pour l'administration Biden”, expliquaient en mars des représentants du Pentagone. 

Et d’ajouter : “Il n'y a aucune discussion sur l'installation d'une batterie Patriot en Ukraine. Pour ce faire, vous devez envoyer des troupes américaines avec lui pour le faire fonctionner. Ce n'est pas un système avec lequel les Ukrainiens sont familiers et comme nous l'avons dit très clairement, il n'y aura pas de troupes américaines combattant en Ukraine."

Un point confirmé par Marc Chassillan, consultant spécialisé dans les questions de défense. Dans une déclaration à France 24, il affirme “qu’il va notamment falloir former des artilleurs sol-air ukrainiens (...) Il leur faudra plusieurs semaines voire plusieurs mois. À cela s'ajoute une formation à la maintenance de ce matériel très sophistiqué. Même si cette formation a déjà commencé, le système ne sera opérationnel que d'ici à deux ou trois mois", dit-il.

Dans son émission Tucker Carlson Tonight, l’animateur de Fox News s’en est autant pris à cette décision de Biden qu’au discours prononcé par Volodymyr Zelensky. "C'est un grand changement de politique (...) mais vous n’êtes pas sans avoir que la couverture médiatique a lavé Zelensky plus que vous ne vous lavez”.

Carlson rappelle que pour livrer ces systèmes, “vous devez envoyer les troupes américaines hors du pays. Cela n'a pas été approuvé par le Congrès (...) Ce n'est que le début, car, comme vous venez de le voir, Zelensky est arrivé à Washington pour faire plus de demandes. Plus nous en tolérons, plus les demandes deviennent grandes”, dénonce-t-il. “Le chef d’un gouvernement étranger vient aux États-Unis, est accueilli par le Congrès avec son t-shirt pour demander de l’argent de notre propre économie en ruine et ceci n’est pas de la charité ?”, s’indigne encore l’animateur.

Tucker Carlson poursuit, sur le même ton ironique : “Biden n’a pas précisé à quoi allait servir cette aide de 2 milliards de dollars. Repousser la Russie hors des frontières d’avant-guerre ? C’est raisonnable... C’est ce que les Américains veulent et assument... Mais ce n’est pas ce que Zelensky veut”.

Il a accusé le président ukrainien de vouloir “un changement de régime en Russie, tout comme Irak, en Libye (...) chaque dollar qui lui est donné est dédié à cet objectif (...) qui va sécuriser le plus grand arsenal nucléaire du monde une fois que nous aurons Zelensky au sommet du gouvernement russe ? Qui remplace Poutine ?”.

Des questions à laquelle la visite du président ukrainien n’apporte pas de réponse, de l’avis de l’animateur. “Ce n’était pas le but. Ce n’était pas de savoir comment faire régner la paix ou faire en sorte que le monde soit plus stable (...) le but était de flatter” Zelensky, dit-il. Sa visite, poursuit Carlson, “ne pouvait pas être plus humiliante” pour le Congrès.

Des figures politiques aux États-Unis comme Lindsey Graham n'hésitent pas à déclarer publiquement que la guerre en Ukraine prendra fin seulement lorsque la Russie "sera brisée" et qu'ils [les Ukrainiens] "auront éjecté Poutine".

À LIRE AUSSI

Image
Blackrock
Zelensky confie la gestion des investissements privés en Ukraine au fonds d'investissement américain BlackRock
Le gouvernement ukrainien s’allie à la société d’investissement américaine, BlackRock, pour “relancer son économie”. Un protocole d’accord a été signé le 10 novembre d...
29 novembre 2022 - 19:05
Politique
Image
Zelensky
Conférence sur l'Ukraine : un milliard d'euros récoltés à Paris pour "passer l'hiver", la contribution française suscite la controverse
Après Lugano, Varsovie et Berlin, c’est dans la capitale française Paris que s’est tenue, mardi 13 décembre, la nouvelle conférence sur l’Ukraine. L’occasion pour les ...
15 décembre 2022 - 10:30
Politique
Image
Drapeau Ukraine
Prix du gaz, armement... Les pays européens accusent les États-Unis de profiter de la guerre en Ukraine
Les tensions entre les États-Unis et les pays de l’Union européenne s’accentuent, les Européens accusant les Américains de “tirer profit de la guerre”. Entre les prix ...
05 décembre 2022 - 12:30
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.