Rapatriés de Wuhan : "Ce départ, pour certains, c'est faire un trait sur une vie"

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Par Sébastien RICCI - Carry-le-Rouet (France) (AFP)
Publié le 31 janvier 2020 - 18:44
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Des Français dans l'avion les rapatriant de Wuhan vers l'hexagone juste avant le décollage le 30 janvier 2020
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© Hector RETAMAL / AFP
Des Français dans l'avion les rapatriant de Wuhan vers l'hexagone juste avant le décollage le 30 janvier 2020
© Hector RETAMAL / AFP

"Ca a été un départ dans la précipitation (...), et pour certains c'est un trait tiré sur toute une vie": à Wuhan avec deux autres journalistes de l'AFP depuis une semaine, Sébastien Ricci était

"C'est une opération qui était prévue, mais on n'avait pas du tout les détails, les éléments, l'horaire, et en fait dans la matinée de jeudi, on a reçu un message qui nous appelait à nous réunir au consulat à 18H30.

Donc on s'est empressés de réunir nos affaires, de se préparer. Sachant qu'il y avait en plus des restrictions de circulation, il a fallu s'organiser pour y aller à pied et on était à peu près à 4 kilomètres du consulat.

Mais pour d'autres, je pense que c'était beaucoup plus problématique parce qu'il n'y avait pas de transport, pas de taxi, peu de véhicules qui circulaient. Pour nous la priorité, c'était de s'organiser pour arriver à temps au consulat.

Au consulat, il y avait déjà beaucoup de Français qui attendaient avec leurs bagages à la main. Il a fallu faire quelques petites formalités, c'est-à-dire remplir un document qui avait déjà été rempli, une attestation de responsabilité dans laquelle tu t'engages à respecter une quarantaine en France, à respecter toute la procédure qui est prévue... On vérifie que ton nom est bien sur la liste du départ et puis voilà...

Ensuite on est partis pour l'aéroport, l'ambiance était vraiment spéciale. Il y avait six bus qui étaient affrétés pour nous emmener à l'aéroport, chaque conducteur était dans une combinaison de protection pour se protéger de toute contamination.

 

 Un billet sans destination 

 

A peu près à huit kilomètres de l'aéroport, il y a un péage qui a servi un peu de check-point pour vérifier l'identité des différents passagers des différents bus, il y avait la police sur place et ça donnait vraiment l'impression d'être à un poste-frontière et tu savais que le bout du tunnel n'était pas très loin.

Quand on a été autorisés à passer, c'est comme si l'aéroport avait été privatisé pour nous, il n'y avait que nous et des ressortissants coréens qui attendaient aussi un vol. C'était assez bizarre de faire la queue devant le comptoir pour se voir donner un billet sur lequel il n'y a ni nom de compagnie ni horaire ni destination. A ce moment-là on ne savait toujours pas quel était le lieu de destination de l'avion, donc c'est un sentiment assez spécial.

S'en est suivi une longue, longue attente, les premiers contrôles de température, le recensement des différentes personnes qui feront partie du rapatriement... On a découvert que le vol était prévu à 5H00 du matin.

Les tableaux d'affichage indiquaient la direction Paris, alors que le vol a atterri à Istres, et le vol a eu plus de 2 heures de retard pour des raisons de logistique: les autorités chinoises étaient assez sur les dents, très strictes.

Le départ a été très calme, dans les bus il n'y avait pas un bruit, je pense que tout le monde était dans ses pensées, et ensuite à l'aéroport, tout le monde était assez curieux de savoir quelle était la destination, donc à regarder sur son téléphone, à essayer de regarder en ligne et aussi curieux de savoir les conditions dans lesquelles la quarantaine allait se passer car on n'avait vraiment aucune info.

 

"Pas de tension"

 

Il n'y avait pas de tension, d'anxiété, mais je pense un soulagement de se dire +enfin+ parce que l'évacuation était prévue depuis plusieurs jours sans que pour autant on ait de détails sur l'horaire, sur la façon dont ça allait se passer.

Il y a quelques jours encore, on parlait d'une évacuation par bus dans une ville à 300 kilomètres de Wuhan, finalement c'est un rapatriement vers la France avec une mise en quarantaine donc c'était le soulagement de savoir ce qu'allait être la suite.

Dans l'avion, le personnel de bord avait des tenues de protection, mais assez légères, ce n'était pas du tout les tenues très anxiogènes qu'on a pu voir en Chine.

Avant de monter dans l'avion, on nous a remis un kit dans lequel il y avait 10 masques chirurgicaux et on nous a rappelé des consignes d'hygiène: avant chaque repas on devait se laver les mains et changer le masque, et au pied de chaque rangée il y avait un sac plastique jaune où on devait déposer les masques usagés.

Pendant le vol, c'était une ambiance très calme, parce que tout le monde était assez fatigué. Certains lisaient, d'autres discutaient, le personnel médical était là pour répondre à d'éventuelles questions au niveau des symptômes: est-ce qu'on avait mal à la gorge etc...

Donc au fur et à mesure du vol, certaines personnes appelaient pour une prise de température, comme ça a été mon cas. A l'arrivée ça a été les applaudissements, c'était vraiment le soulagement en voyant que c'était le sud de la France, le soleil, les températures clémentes!

 

 Un "centre de vacances, ça dédramatise" 

 

A Wuhan, quelqu'un a demandé +où va l'avion?+ et la réponse est arrivée en deux temps: on nous a d'abord dit +le sud de la France+ et après +dans les Bouches-du-Rhône+, mais le lieu n'a pas été indiqué. Les gens l'ont su car certains regardaient des médias sur leur téléphone, ça n'a pas été annoncé officiellement.

Quand on nous a dit qu'on allait dans un centre de vacances, c'était la bonne surprise. Personnellement, quand on me parlait de quarantaine, j'imaginais ça à Paris dans un hôpital, un peu comme un pestiféré que tu mets en cage, à l'écart, là le fait de parler de centre de vacances, ça dédramatise!

On sera visiblement libre de tout mouvement [dans le centre de vacances de Carry-le-Rouet]. Je ne sais pas, après, entre personnes, quel type de contact sera autorisé.

C'est un peu un départ dans la précipitation même si tu savais que ça pourrait arriver et que c'était prévu. Pour certains, c'est faire un trait sur une vie, certains quittent Wuhan et ne savent pas s'ils y reviendront, certains ont laissé une partie de leurs affaires là-bas donc c'est à la fois un soulagement mais aussi la tristesse.

Il y a aussi des gens qui sont en Chine depuis un moment, qui sont attachés à ce pays qui ont certainement des liens, une famille et du jour au lendemain tu quittes tout sans avoir forcément de vision sur le court ou moyen terme."

 

 

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