Le prix du baril est devenu négatif, quelles conséquences pour le prix du carburant ?

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France-Soir
Publié le 21 avril 2020 - 14:12
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Une station essence de Bailleul, dans le nord de la France, le 09 octobre 2018
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Le prix du baril est négatif, mais ne vous attendez pas à vous faire payer pour prendre de l'essence!
© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives

Le 20 avril 2020, une date historique, le prix du baril livrable à fin mai 2020 a atteint non pas zéro, mais –37 dollars.  Pour la majorité d’entre nous, le prix le plus bas possible serait de zéro, prix qui donne le sentiment que cela ne coûte rien.  Cependant, le prix du baril a chuté en dessous de zéro pour devenir négatif.  Cela ne veut pas dire que l’essence sera gratuite, l’état se chargera surement d’encadrer le prix comme il l’a fait pour les gels hydro alcooliques. 
 

- Graphique de 1980 à 2020 (20 Avril) du Prix baril de Pétrole WTI (West Texas Intermediate) -

Le prix à zéro est assez facile à comprendre

L’explication est simple, pour produire du pétrole les compagnies déploient énormément de capitaux (en phase d’exploration) et font des prévisions de production en fonction de la demande.  La demande a brutalement fondu avec la crise du Covid 19.  La moitié de la population mondiale est confinée, les avions, les voitures, l’énergie sont presque à l’arrêt.  En conséquence, la demande de pétrole a chuté.  Comme les stocks de pétrole augmentent et que la demande en énergie n’est pas au rendez-vous, les prix s’effondrent.  Jusque-là on peut comprendre pourquoi les prix peuvent tomber à 0. Si plus personne ne veut de pétrole les prix vont baisser jusqu’à ce que la demande reprenne.

Alors comment le prix peut-il être négatif ?

Pendant que les stocks augmentent, le coût associé au moyen de production lui continue à perdurer (coût fixe). Les sociétés ne peuvent pas arrêter du jour au lendemain toute production. De plus, la production doit être stockée, et comme on ne consomme plus, les capacités de stockage diminuent.  D’où l'augmentation du prix du stockage. 
Le surplus de production combiné à la diminution des capacités de stockage et au fait que l’on peut difficilement arrêter la production entraîne un coût supérieur pour les sociétés.  Elles continuent de produire, leur coût de stockage augmente et la demande n’est pas au rendez-vous.  Donc afin de couvrir leurs coûts, elles préfèrent vendre à perte.

Conséquences pour le prix à la pompe : n’espérez pas que l’on vous paie pour prendre de l’essence !

Nous sommes encore confinés et nous avons moins besoin de circuler, la demande en essence ne va donc pas reprendre rapidement.  Cependant, même si le prix de l’essence va chuter, notre capacité de stockage reste limitée (réservoir d’essence, quelques bidons, la cuve de fioul).  En conséquence, même si les prix devenaient négatifs (déstockage des sociétés), cela ne nous inciterait pas à consommer davantage car nous sommes tous simplement dans l’impossibilité de consommer plus.  Par ailleurs, le prix de l’essence comprend 61% de taxes, 7% de transport et 5% de raffinage. Seuls 27% du prix à la pompe reflètent le coût réel du baril.  En admettant que les sociétés pétrolières vendent l’essence à 0€ ou même à un prix négatif, l’Etat s’empressera de réglementer les prix au travers d'une loi permettant d’encadrer le prix de l’essence avec une taxe fixe par exemple.

Malheureusement il ne faut pas espérer que vous puissiez faire le plein de votre voiture à un prix dérisoire.

A-t-on déjà eu des prix de produits à zéro euros ou des prix négatifs ? Trois analogies permettent de le comprendre :

  • Le tanker en mer.  Un tanker que l’on décide d’arrêter brutalement va continuer à naviguer sur plusieurs kilomètres.  Si le capitaine n’anticipe pas ou ne peut pas anticiper la présence d’un obstacle, le tanker n’aura pas le temps de s’arrêter. L'obstacle met donc le tanker à l’arrêt et sa vitesse à zéro.  De plus, s’il s’éventre et laisse sa cargaison se répandre cela va entraîner une marée noire et donc un coût.  En conséquence, non seulement le bateau a une capacité d’utilisation de zéro (il est inutilisable), mais le coût de la pollution devient une charge, ce qui induit ce coût négatif. C’est à peu de chose près la même chose avec le pétrole.  Donc le fait de ne pas avoir prévu la baisse de la demande combinée avec les coûts fixes a entrainé un prix négatif.
  • Le loyer des commerces : On a beaucoup parlé du loyer des commerces qui continuent à courir alors que ces derniers sont fermés et ne peuvent donc générer de chiffre d’affaires.  Le gouvernement, avec le chômage partiel, a pris à sa charge le coût des salariés qui se retrouvent sans activité.  Le commerçant, qui a perdu toute source de revenu, se retrouve à devoir payer ce loyer entrainant pour l’entreprise une perte ou un coût négatif.
  • Les producteurs agricoles : Les images des producteurs de pommes ou autres agriculteurs qui brulent leurs stocks plutôt que de vendre à perte nous ont tous choquées.  Vendre à perte équivaut à vendre au-dessous de son coût de production.  Cela revient donc à payer pour produire. Il en est de même dans le cadre du pétrole à la différence près que les productions ne peuvent pas s’arrêter du jour au lendemain et que les capacités de stockage sont plus limitées.

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