L'Allemagne se rêve en géant des semi-conducteurs

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France-Soir, avec AFP
Publié le 24 mai 2023 - 09:35
Cet article provient directement de l'AFP (Agence France Presse)
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F. Froger / Z9, pour FranceSoir
F. Froger / Z9, pour FranceSoir

DÉPÊCHE — L'Allemagne multiplie les annonces de méga-investissements dans la production de semi-conducteurs, mais entre pénurie de main d'œuvre et querelles sur les subventions, le chemin est encore long pour qu'elle s'impose dans ce secteur stratégique.

Des voitures électriques aux smartphones en passant par les éoliennes et même les missiles, ces puces électroniques sont le "pétrole du 21ᵉ siècle", des composants dont "tout le reste dépend", a lancé le chancelier Olaf Scholz lors de l'inauguration d'une nouvelle usine du fabricant allemand Infineon début mai.

En déplacement à Seoul le week-end dernier, c'est encore de semi-conducteurs dont le dirigeant a parlé avec ses interlocuteurs coréens, les appelant à investir en Europe pour renforcer les chaînes d'approvisionnement.

L'objectif affiché par l'UE est d'atteindre 20 % du marché mondial en 2030, soit deux fois plus qu'aujourd'hui : il faudra pour cela quadrupler la production sur le Vieux continent.

C'est le but du "Chips Act" européen, conclu en avril, qui prévoit de mobiliser 43 milliards d'euros d'investissements publics et privés.

La première économie européenne se veut le fer de lance de ce mouvement destiné à réduire la dépendance envers l'Asie.

Outre la nouvelle usine d'Infineon à Dresde — un projet à 5 milliards d'euros, les groupes américains Intel et Wolfspeed ont annoncé ces derniers mois des investissements majeurs en Allemagne.

Un Taïwanais à Dresde ?

L'Allemagne frapperait un grand coup si elle parvenait à décrocher la première usine européenne du groupe taïwanais TSMC — l'un des plus gros fabricants du monde de puces électroniques.

Des discussions sont en cours depuis plus d'un an pour une implantation dans la région de Dresde, premier pôle européen de microélectronique, déjà surnommée la "Silicon Saxony". Une décision est attendue au plus tôt en août, selon TSMC.

Mais à quelque 200 kilomètres de là, dans la région de Magdebourg, l'euphorie qu'avait suscitée l'an dernier l'annonce d'un investissement de 17 milliards d'euros du géant américain Intel a laissé place aux doutes.

La construction de l'usine qui devait commencer au premier semestre 2023 n'a pas démarré.

"Beaucoup de choses ont changé" en un an, reconnaît dans une déclaration à l'AFP le groupe qui a essuyé une perte trimestrielle record en début d'année, souffrant de la forte baisse des ventes d'ordinateurs personnels et de smartphones.

Outre les "défis géopolitiques", "les perturbations de l'économie mondiale ont entraîné une augmentation des coûts, des matériaux de construction à l'énergie", explique le groupe.

Des aides publiques supplémentaires sont envisagée pour "combler l'écart de coûts du projet prévu, qui a augmenté de manière significative", reconnaît le ministère de l'Économie.

Pas d'autosuffisance

Cette course aux subventions fait parfois grincer des dents : "Nous dépensons beaucoup d'argent (...) pour augmenter un peu la sécurité d'approvisionnement", s'inquiète Clemens Fuest, l'un des économistes les plus écoutés du pays.

Alors que les aides publiques, à Dresde ou Magdebourg, vont se chiffrer en milliards, l'Allemagne et l'Europe resteront largement dépendantes de puces produites hors du continent, et "il faut s'imaginer ce qu'on aurait pu faire avec cet argent", expliquait récemment M. Fuest, président de l'institut économique IFO sur la chaîne ARD.

Si les dépendances peuvent être réduites, il n'y aura "aucune autosuffisance pour aucun pays ou région" dans le domaine des semi-conducteurs, a aussi prévenu le PDG d'Infineon, Jochen Hanebeck, lors d'une conférence téléphonique ce mois-ci.

Certains professionnels jugent au contraire que les aides doivent être encore plus massives : "Les fonds annoncés dans le cadre du 'Chips Act' sont un bon début, mais ils restent insuffisants par rapport aux normes mondiales", affirme à l'AFP Frank Boesenberg, directeur de "Silicon Saxony", l'organisme de promotion des semi-conducteurs dans la région de Dresde.

Taïwan (où sont produites 90 % des puces les plus avancées dans le monde), la Corée du Sud, et de plus en plus Chine, dominent actuellement le marché.

L'Europe doit également faire face à la concurrence des États-Unis, qui dépensent des sommes considérables pour promouvoir la production nationale.

Pour l'Allemagne, un autre défi majeur consistera à trouver suffisamment de travailleurs. Selon une étude réalisée en décembre par l'Institut économique allemand, il manque pour le moment 62 000 salariés qualifiés dans différents métiers de l'industrie des puces.

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